Au troisième jour d’audience, la cour d’assises de Tours a continué de fouiller la personnalité de l’accusée au rythme des larmes et des paroles affectueuses.
Pourquoi tuer son enfant par trois fois ? Quelles sont les raisons qui poussent une femme à étouffer son nouveau-né et à le brûler dans la cheminée ? Pourquoi n’opte-t-elle pas alors pour une pilule, un stérilet ? Pourquoi ne pas avorter légalement quand elle réalise qu’elle est de nouveau enceinte ? Pourquoi étouffer un deuxième bébé et puis rebelote, un troisième ? Un procès est souvent concret : il a tué sa femme pour telle(s) raison(s) et nous pouvons en toute logique et vu les circonstances le condamner à tant. Le procès Courjault, c’est tout sauf cela. L’illogique est partout, il n’y a pas de raison, pas d’explication et il faut pourtant continuer d’avancer.
Une incompréhension grandissante s’installe du coup entre le clan Courjault et le Président de la cour. Homme plutôt cartésien, carré, organisé, le magistrat mène ses débats à la manière militaire : à première vue, les concepts de « refoulé » ou de « lent travail sur soi » n’ont franchement pas leurs places dans sa psyché. Lui veut du cartésien, du rationnel alors que les faits par définition ne le sont pas. De fait, le Président ne cesse de confronter l’accusée à la logique de ses déclarations aux policiers – alors que son discours à elle est, fort du travail psychothérapeutique qu’elle mène en prison depuis presque trois ans, plus « psy », plus complexe aujourd’hui. Les réponses formulées à l’époque, au cours des interrogatoires menés rationnellement par la police, ne reflètent visiblement plus sa réalité d’aujourd’hui : « Ma conscience et mon analyse des choses changent au fil de mon travail avec les psychiatres », dit-elle.
Exemple avec cet échange. Le président : « Vous avez dit aux policiers : “Je ne voulais pas parler de mes grossesses à Jean-Louis, parce qu’il aurait alors voulu accueillir les bébés” ». Avec difficulté, l’accusée tente de nuancer : « Ce n’est pas que je ne voulais pas en parler, c’est que je ne pouvais pas. Comme je n’étais pas véritablement consciente de mes grossesses, je ne pouvais pas les formuler… - Vous avez pourtant dit savoir que vous étiez enceinte… », rétorque le magistrat. « Oui, mais c’est plus complexe que cela, pleure-t-elle. J’ai eu un flash de conscience au début de la grossesse, que j’ai complètement effacé par la suite. J’ai comme… oublié ». Le Président s’agace : « Je vous encourage madame à être sincère, pour que nous retrouvions les liens logiques de l’affaire ». Véronique : « Le concret, cela ne me correspond pas, ce n’est pas moi. Ce que je ressentais pendant l’instruction, c’est que j’étais un monstre. Je prenais conscience de ce que j’avais fait et la mise en lumière de cette découverte a été terrible. Je me suis retrouvée face à quelque chose que je m’étais toujours caché. On me prouvait par A plus B que j’étais un monstre, alors j’ai parlé comme tel ». Jean-Louis Courjault le dit d’une autre manière : « A partir du moment où le livre s’est ouvert et qu’elle a constaté les dégâts, Véronique s’est flagellée, je ne vois pas d’autre mot ».
En ce troisième jour de procès, le phénomène du déni de grossesse apparaît ainsi toujours en pointillé, mais le terme n’a encore jamais été prononcé. Les experts psychiatres n’interviendront à l’audience qu’en début de semaine prochaine, d’où cette impression parfois de tourner autour du pot, de s’attarder sur des « petites choses » au regard de la violence des faits. Véronique Courjault avait ainsi tendance à repousser les corvées au lendemain, à procrastiner. Elle ne remplissait pas ses feuilles de sécurité sociales, elle n’était pas la meilleure des ménagères, son intérieur n’était pas « très rangé ». Parfois, elle négligeait son apparence, portait jean et pull informes et il lui arrivait de pleurer. L’accusée était une mère angoissée, qui prenait pour argent comptant ce qu’elle lisait dans les ouvrages des pédopsychiatres, qui se jugeait mauvaise mère quand son aîné pleurait, qui oubliait sa pilule. Madame Courjault était aussi d’un naturel effacé, laissant peut-être le champ un peu trop ouvert à son mari avec qui elle avait de grandes difficultés à communiquer. Des traits de caractère importants, certes, pour comprendre sa personnalité, mais auxquelles bien des femmes peuvent finalement s’identifier.
Plus les débats avancent et plus on a le sentiment de stagner. Ce cheminement est en fait celui qu’auront traversé tous les proches de Véronique Courjault. Plus ils réfléchissent et moins ils comprennent. Moins ils comprennent et plus ils réfléchissent. Les frères et sœurs de Véronique qui ont témoigné aujourd’hui avouent tous avoir enclenché une psychothérapie depuis que l’affaire a éclaté. Comme si chacun, en s’interrogeant sur le « pourquoi », finissait immanquablement par tourner en rond et par s’interroger sur lui-même. Ils cherchent, ils parlent entre eux, ils consultent des psys, ils s’interrogent, ils fouillent dans leur passé, ils cassent les non-dits, ils critiquent leurs parents, ils pleurent – mais aucun n’a trouvé de réponse à LA question du pourquoi. L’histoire mystérieuse de Véronique fait miroir et renvoie chacun à ses propres interrogations. L’audience prend du coup des allures de psychothérapie familiale. On pleure, on se critique et l’on se redit à quel point on s’aime.
Il ressort de tout cela quelques sérieuses pistes de réflexions : « Vous savez, lance Thierry Fievre, l’un des frères aînés, mes parents n’ont pas lu Françoise Dolto. Et finalement, il y avait déjà eu deux grossesses cachées dans notre famille ». Thierry Fievre veut parler de cette sœur aînée dont la fratrie apprendra sur le tard qu’elle n’est pas du même père qu’eux. Et puis de la petite dernière, Lydie, arrivée « comme un cheveu sur la soupe » : « J’ai appris la naissance de la petite sœur le jour où elle est venue au monde, raconte Nathalie, une aînée. J’ai le souvenir de l’avoir su dans l’après-midi quand ma mère partait pour la maternité. Le soir, on se réunissait en famille pour choisir son prénom – et c’était tout ». Le Président se demande si cette arrivée surprise a pu « laisser des traces » chez Véronique. Un frère s’emporte : « Mais bien sûr ! La cadette, c’était Véronique jusque-là, c’était elle la petite dernière pour nous tous. Imaginez : vous avez cinq ans, vous êtes choyée par l’ensemble de la famille, vous voyez votre mère partir avec une valise pour la première fois de votre vie et là, vous apprenez que vous allez avoir une petite sœur. Oui ! Cela laisse forcément des traces. »
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Autre perle : « Pourquoi n’opte-t-elle pas alors pour une pilule, un stérilet ? ».
La présence du mot alors sous-entend que la meurtrière aurait dû prendre la pilule ou mettre un stérilet APRÈS LA NAISSANCE de l’enfant. Efficacité, comme dirait Jean-Luc Delarue.
Citation du début de l’article : « Pourquoi tuer son enfant par trois fois ? ».
Ah le beau style ! On imagine en rigolant un enfant qui se fait tuer trois fois… À cet âge-là, ils ont la vie dure, ces petits salauds.
Le président de la cour a bien raison d’être cartésien en pareil cas… C’est pas un cabinet de psychanalyste, c’est le procès d’une femme qui a tué 3 bébés de sang-froid.
J’ai comme l’impression depuis le début du procès que les médias voudraient la faire passer pour une victime, ce que se chargeront de faire en temps et en heure les divers " experts " grassement payés. "Expertises" qu’elle régurgite d’ailleurs sagement : "Non, je sais pas", "c’est plus compliqué que ça" etc…
Ca n’a rien de compliqué. Elle a commencé par mentir, l’ADN a parlé, elle a avoué la préméditation puis revient dessus sur les conseils des avocats. Classique quoi.
Je n’ai aucune compassion pour cette femme et encore moins pour le mari qui s’en tire à bon compte. Qui peut croire qu’il n’a rien vu en trois ans et demi ? Pas moi en tout cas.