La Ligue du football professionnel supprimera-t-elle la trêve hivernale ? Aménager le planning de l’année sportive n’est pas simple, alors qu’importe l’opinion des joueurs et du public.
Le groupe de travail sur le calendrier 2009/2010 se réunit aujourd’hui au siège d’une Ligue du football professionnel qui envisage de supprimer la trêve hivernale… « Envisage » signifie que plusieurs clubs ont déjà arrêté cette idée, mais ne l’assument pas encore complètement, même si certains ont initialement (et faussement) assuré qu’un consensus se dégageait sur la question au sein des « familles ».
Devant l’émergence de la polémique, la LFP a publié un communiqué : « L’objectif est d’équilibrer ce calendrier sur l’année pour assurer une plus grande régularité dans le déroulement du championnat et un allègement du nombre excessif de matches en janvier ». Malheureusement, malgré la faculté de Frédéric Thiriez à illuminer les vessies comme des lanternes, il est mathématiquement impossible de prétendre délester le planning de janvier sans raccourcir les trêves actuelles [1].
En réalité, « alléger janvier » n’est que l’alibi très fallacieux de la suppression de la trêve de Noël dès la saison prochaine, avec deux journées de Ligue 1 programmées au cours de la dernière semaine de décembre et de la première de janvier. « L’idée est de gagner deux ou trois dates », s’est enthousiasmé Jean-Michel Aulas, ajoutant : « Pour une fois, voilà une vraie réforme » (L’Équipe, 4 février).
Autre motif avancé : il s’agirait de ne pas interrompre le championnat afin de limiter la concurrence de la Premier League, dont le Boxing Day et les autres rencontres monopolisent l’actualité sportive ainsi que l’antenne de Canal+ durant les fêtes. Les véritables raisons de cette « réforme » ne sont pas aisément avouables : dans le projet envisagé, les plages dégagées serviraient à faire reprendre la saison un peu plus tard en août… afin que les clubs (du moins ceux, minoritaires, qui sont concernés) puissent organiser de lucratives tournées estivales. Ce qui revient à alourdir un peu plus la charge totale des joueurs, hors calendrier officiel, tout en les privant plus tard d’une période de récupération [2].
C’est le 13 mars que le Conseil d’administration de la Ligue, dont la Commission marketing soutient le projet, examinera la question [3]. Le 7 février dernier, Laurent Blanc s’indignait de cet ordre du jour, alors que le calendrier prévisionnel de la prochaine saison était déjà diffusé et prévoyait… une trêve hivernale plus longue : « [Ce calendrier] va dans le bon sens (…). Les entraîneurs, les joueurs, étrangers et français, sont tous d’accord pour la rallonger afin de pouvoir bénéficier de plus de jours de repos total » (L’Équipe, 7 février). Frédéric Antonetti s’est, pour sa part, déclaré favorable à une trêve de trois semaines.
S’ajoute aux controverses, le souhait exprimé par Raymond Domenech que le championnat reprenne comme prévu le 1er août, l’équipe de France disputant un match qualificatif pour la Coupe du monde aux Îles Féroé le 12. Ce qui a suscité la colère de Jean-Michel Aulas, qualifiant « d’inepties » et de « contre-vérités » les arguments du sélectionneur, qui « ne sélectionne pas de joueurs de Ligue 1 mais des championnats étrangers ». Les Tricolores évoluant en L1 étaient pourtant onze sur vingt-et-un lors du récent France-Argentine, dont… quatre Lyonnais [4]. Le président de l’OL enrage à la perspective de devoir renoncer à la Peace Cup, qui se déroule cette année en Espagne : « Qu’on nous laisse faire nos tournées début août ! » a-t-il imploré jeudi dernier.
Il ressort de ce « débat » que la santé des joueurs ou la simple préservation de leur état de fraîcheur est le cadet des soucis des dirigeants, comme d’ailleurs le confort des spectateurs ou la qualité du spectacle – forcément dégradés avec un plus grand nombre de matches en hiver. Au passage, on comprend mieux la colère du président Thiriez lorsque des matches de la 20e journée avaient été reportés en raison des conditions climatiques. Et l’on ne s’étonne plus de l’incroyable minceur de ses arguments [5].
Laurent Blanc, lui, a voulu stimuler l’opposition des syndicats des joueurs et des entraîneurs (UNFP et UNECATEF, qui ont accepté la création d’une commission sur le sujet) : « Pensons collectif et pensons à la valeur de notre championnat. Nous n’avons pas les infrastructures pour jouer, dans de bonnes conditions, l’hiver. Il ne faut pas tout accepter de gens qui ont des intérêts autres que footballistiques ». On peut lui laisser le mot de la fin.
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[1] Les compétitions se jouent sur dix mois, ou neuf mois et demi les années paires, et la Ligue propose 38 matches de championnat, un trophée des champions, et 5 matches de Coupe de la Ligue, soit un total de 44 matches à caser. Auxquels il faut rajouter 6 matches de Coupe de France, 15 dates européennes et 12 dates internationales. 77 matches à faire jouer en un peu moins de 280 jours (la Coupe du monde 2010 commencera le 11 juin, obligeant les championnats à se terminer mi-mai), soit un match tous les 3,6 jours environ. Manque de chance, les semaines ne font que sept jours : comment mieux répartir alors qu’il n’y a de place que pour deux matches par semaine ?
[2] Il faut aussi noter que cette densité de calendrier favorisera les effectifs les plus étoffés en quantité et en qualité, donc les clubs les plus riches
[3] Lire « Qui veut la fin de la trêve ? » et « Trois scénarios et une polémique » (L’Équipe, 4 et 13 février)
[4] Lloris, Toulalan, Boumsong et Benzema.
[5] « Les Allemands, qui avaient six semaines de trêve, la réduisent de moitié. Les Anglais, eux, jouent toujours à Noël. Regardons un peu ce qui se passe. Nous ne sommes pas forcément les plus intelligents » (Le Parisien / Aujourd’hui, 1er février). Faut-il pour autant être aussi bêtes que les autres quand ils le sont ?