Yves Calvi comparaissait dernièrement devant le TGI de Paris pour « incitation à la haine raciale » concernant une émission de « C dans l’air » diffusée le 11 février 2005 sur la délinquance et les Roms.
Avec deux de ses invités présents ce jour-là sur le plateau, Xavier Raufer et Yves-Marie Laulan, l’animateur-producteur de France 5 est accusé d’avoir proféré des propos « à caractère ouvertement racistes ». Une plainte avait été déposée par des associations roms - dont La Voix des Roms qui a consacré un site à cette affaire - la LICRA, la LDH et le MRAP.
Les plaignants accusent une « confusion constante » entre roms, Roumains, tsiganes et gens du voyage dans l’émission. Les « voleurs de poules » comme le résume Yves Calvi. Mais aussi un « amalgame » entre les Roms et des actes de délinquance : vol, mendicité, proxénétisme et prostitution. Elles soulèvent aussi le manque de débat contradictoire : aucun représentant rom n’étaient présent sur le plateau. Un fait également dénoncé par le CSA et le Conseil de l’Europe.
C’est surtout le titre de l’émission dont il va longuement être question devant la Cour : « Délinquance : la route des Roms ». Ce titre, affiché durant toute l’émission, frôle le jeu de mot, bien que Calvi s’en défende : « Pas un seul instant on a voulu faire allusion à quoi que ce soit ». Si le mot « Roms » apparait dans le titre c’est « parce que deux tiers de l’émission sont consacrées au roms », « on allait pas faire semblant de ne pas assumer ce que fait une composante de l’émission » explique-t-il. Ils auraient aussi bien pu titrer : « Délinquance : tous les chemins mènent aux Roms »…
Le tribunal est-il en présence de propos xénophobes ? De nombreux passages de l’émission sont incriminés, ainsi que le ton sur lequel ils ont été proférés. Yves-Marie Laulan, absent à l’audience, est accusé par le Parquet d’être celui qui est allé le plus loin : « On ne peut pas les intégrer dans une société du type comme la nôtre, on peut intégrer les enfants […] sur le long terme, à condition de leur donner une éducation convenable et de les sortir de leur milieu familial », avait-il relevé. Enlever les enfants à leurs parents, ça ne vous rappelle rien ?
Lorsque Xavier Raufer, « criminologue », ancien membre de mouvements d’extrême droite, prend la parole à son tour, c’est pour dénoncer le « charcutage » de ses paroles dans l‘émission et un « dénigrement », « à la limite de la tentative d’intimidation ». Il fait également allusion aux techniques utilisées par certains réseaux mafieux pour attaquer en justice ceux qui les combattent sous couvert d’une association. Une insinuation qui a provoqué l’indignation des parties civiles.
Maitre Braun, avocat des associations, fustige pour sa part les présentations qui sont faites des Roms dans les médias : « arrêtez, arrêtez de stigmatiser ! » s’écrit-il à destination du banc - quasi vide - des journalistes. Il dénonce également le copinage qui a lieu dans « C dans l’air » et ajoute en direction des accusés : « ils sont nuls et incompétents, c’est incontestable ! ». Celà va provoquer les foudres de l’avocat du criminologue, lequel fait mine de se lever et de sortir de la salle d’audience en hurlant : « c’est insupportable ! ». A la limite du ridicule.
Vient ensuite le tour des plaignants, et là, le débat s’élargit : « ce que nous demandons c’est le respect ». Les roms sont « systématiquement ignorés de manière constante et voulue par les médias et les observateurs », « on est déjà assez chargé comme ça avec une mauvaise image ! », « pourquoi ne pas faire une émission sur les bons côtés ? », estiment les uns et les autres.
Pour l’avocat de la Ligue des Droits de l’Homme, s’il y a eu glissement d’une « émission de société pédagogique vers « une heure de préjugés racistes » », c’est parce que « le titre est devenu le sujet ». « Vous êtes un excellent journaliste Mr. Calvi mais cette fois vous avez dérapé » ajoutera l’avocat de la Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme. Le Parquet requiert la condamnation de l’animateur et des deux invités, ainsi que celles de Marc Tessier, directeur de France Télévisions à l’époque, et Laurent Souloumiac, responsable du site internet de France 5. Aucune peine précise n’est cependant spécifiée.
Calvi, à la barre comme sur son plateau tente de mener le débat, avec un brin de nervosité. Il justifie les propos en présentant le principe même de « C dans l’air » : « nous traitons de sujets d’actualité ». Le thème de l’émission était : « la délinquance est liée aux filières roumaines », un sujet « médiatique » à l’époque. Il précise ensuite le « choix irréprochable » des intervenants et explique que « c’est la question des victimes qui est au cœur de notre émission ». Son « honneur de journaliste » serait en jeu, tout de même, ce n’est pas rien ! Tout au long du procès, avec une grande attention il a en tout cas écouté les arguments des uns et des autres. « Je ne comprends pas très bien ce qui m’arrive » admet-il, « j’accepte les remarques mais surtout pas d’être complice d’incitation à la haine raciale ».
Cette audience était aussi une manière de mobiliser l’opinion publique sur la discrimination subie par les roms pour les associations. Bakchich est le seul média à avoir assisté à l’intégralité du procès, alors même que 800 communiqués de presse avaient été envoyés…
Le Tribunal rendra son jugement le 7 mai prochain.
À lire ou à relire surBakchich.info :
Quelle est la différence entre « C dans l’air » (France 5, 17h 45, 22h 30), « Ce soir ou jamais » (France 3, 23 h25,) et « Impertinences » (LCP, 23h 30,) ? Qui s’en tire le mieux entre Yves Calvi, Frédéric Taddéi et Bruno Masure ?
Allons-y de nos (…)
Yves Calvi est un journaliste qui a émergé durant les années W. Bush - président qui a profondément marqué les esprits en Occident en créant de puissants clivages et ruptures entre les civilisations, ce qui inévitablement nourrit le racisme.
D’ailleurs il n y a qu’à jeter un oeil aux invités (toujours les mêmes), de la trame (bons d’un côté, méchants de l’autre, toujours les mêmes) de ses émissions, pour se faire une idée de ses sensibilités politiques (droite, voire dure).
Il était inévitable qu’un jour ou l’autre, et même si le racisme (re)devient banal, tout ce beau monde dérape…
La question intéressante, à mon sens, est de savoir si le monde de "l’anti-racisme" (qui souvent était de surface) et qui nous servait de moral, pas toujours bien accepté par les gens, très bousculé par les années Bush, à encore de l’avenir ?