De Margerie, Kouchner, même combat. En Asie cette semaine, le ministre des Affaires étrangères n’a pas manqué de soutenir ses petits copains de Total englués dans la rébellion des bonzes.
Le Pdg de Total, Christophe de Margerie, ne recule devant rien pour sauver la peau de sa société en Birmanie. Le 16 octobre, il a quelque peu divagué devant la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Répondant à une question du président Axel Poniatowski, de Margerie a ainsi affirmé que ni Aung San Suu Kyi, ni les représentants de l’opposition birmane, « n’ont demandé le départ de Total ». Il s’est également flatté du « sentiment partagé par un grand nombre de gens sur place (en Birmanie) ainsi que par tous les témoins qui s’y sont rendus, selon lesquels les activités de Total sont nécessaires et doivent être pérennisées dans l’intérêt du peuple birman qui en est le bénéficiaire direct ».
Des propos que le Premier ministre du gouvernement birman en exil, Sein Win, et son représentant à l’ONU, Than Htun se sont empressés de contredire lors de leur nouveau séjour parisien à la fin du mois d’octobre. Et oui, dès 1992, les démocrates birmans ont demandé à Total de renoncer à son projet de gazoduc qui achemine du gaz de la Birmanie vers la Thaïlande pour produire de l’électricité. Pire encore, depuis sa mise en service en 2000, ils réclament à corps et à cris l’interruption de cette perfusion financière qui a déjà rapporté quelques trois milliards de dollars aux généraux birmans. Pas de doute, pour l’opposition, Total est le principal artisan du passage de la junte du statut infâmant de « narco-dictature » à celui plus présentable de « gazo-dictature ». Lors d’une conférence de presse à Paris le 31 octobre, MM. Sein Win et Than Htun se sont d’ailleurs étonnés qu’il n’ait été tenu aucun compte de la lettre adressée au gouvernement français à la veille du conseil européen de Luxembourg le 8 octobre. Le gouvernement birman en exil y réclamait la mise en place de sanctions efficaces qui passent nécessairement par une saisie ou un contrôle international de l’argent du gaz. Au final, les ministres européens ont d’emblée exclu les hydrocarbures du domaine des sanctions. La faute aux pressions françaises, sans doute.
Sous la torture, des moines finissent par répondre à la question : qui est votre chef ? « Il s’appelle Siddharta. » L’identité et le signalement du fauteur de troubles montent les échelons de la hiérarchie en vue de l’établissement d’un mandat d’arrêt diffusé nationalement, lorsqu’un gradé plus fûté que la moyenne s’avise qu’il s’agit du Bouddha historique né il y a 2500 ans à Kapilavastu, dans l’actuel Népal…
Pour se consoler de ses malheurs, Christophe de Margerie peut toujours aller pleurnicher chez Bernard Kouchner : le sémillant ministre français des Affaires étrangères a jadis officié comme consultant pour Total-Birmanie. Cette semaine, le french doctor s’est livré à une étrange danse du ventre dans les pays avoisinant la Birmanie où il était en visite. À Singapour le 29 octobre, il a proposé une nouvelle idée fumeuse : un projet de fonds d’aide à la Birmanie qui permettrait de faire financer par la communauté internationale des micro-crédits pour aider le pays à se développer, à condition que la junte se démocratise. Le tout sous l’égide de la Banque Mondiale… qui ne peut plus opérer en Birmanie suite à un veto américain.
Le 30 octobre à Bangkok, Kouchner en rajoute une couche en vantant les bienfaits du gazoduc de Total pour les peuples birmans et thaïlandais. Enfin, le 31 octobre à Pékin, il tente d’amadouer les dirigeants chinois pour les inciter à ramener à la raison leurs protégés birmans en leur glissant que Nicolas Sarkozy saura s’abstenir de recevoir le Dalaï Lama, attendu à Paris à la mi-août 2008. Pas comme un certain George W. Bush.
La French Africa Par : Y.Mérabet L’actuelle crise Franco-nigériane dévoile que le problème du Sahara Occidental est lié purement et simplement une affaire d’uranium. Le feu roi Hassan II du Maroc en savait plus.
C’était déjà, au début de l’année 1981, que le spécial uranium de la Gazette Nucléaire (N° 41/42) révélait une lettre d’un conseiller de la CEE en Afrique qui montrait l’état d’ignorance quasi complet du président du Niger de l’époque sur les causes de la crise du marché de l’uranium et donc de la baisse de la rente versée à l’État nigérien. De cette ignorance, les dirigeants nigériens sont en grande partie responsables, pour ne pas s’être donné les moyens de contrôler le marché de cette substance et même de ne pas s’avoir son utilisation et maitriser sa destination. Mais cette ignorance était voulue et bien acceptée par les responsables français. En témoigne le compte rendu de la déclaration de M. Taranger, ex-directeur de production du CEA (Centre de l’Energie Atomique), à la rencontre internationale des producteurs d’uranium, à Paris, les 20 et 21 avril 1968, rencontre qui devait aboutir à la création du Cartel de l’Uranium. Au sujet de l’attribution des quotas pour la France, « M. Taranger, parlant pour URANEX, dit : « (…) Les officiels nigériens ont écrit aux autorités françaises pour obtenir une capacité de production supplémentaire d’uranium nigérien de 1.000 tonnes par an à partir de 1974. Les Français ont accepté avec regret, mais vont essayer de reporter d’un an la mise en production pour des motifs techniques. » Puis, constatant un certain nombre de désaccords entre producteurs d’uranium (résolus par la suite), « M. Taranger hésitait à accepter la poursuite de nouvelles rencontres (… entre producteurs d¹uranium), signalant qu’il y avait un danger de voir le nombre des parties prenantes proliférer. Jusqu’ici, les Français avaient réussi à exclure les représentants du Niger et du Gabon, mais il n’était pas certain que cette position pourrait être maintenue ». Par la suite, le Cartel est ancré, les productions du Niger et du Gabon apparurent sous la dénomination de « French Africa » dans les documents internes de cette organisation. Dans le même temps, le gouvernement français a eu une politique militaire réaliste : il concentre ses efforts sur les forces d’intervention extérieures destinées à protéger les zones d’approvisionnement africaines. Le Niger, où se trouve l’essentiel de des intérêts miniers français, est doté d’une armée de 3500 hommes : 2800 dans l’armée de terre, 400 déguisés sous forme de coopérants techniques pouvant rejoindre les casernes à tout moment, 120 dans l’armée de l’air (8 avions de chasse et 6 hélicoptères pour la surveillance), sans char. Trois puissants voisins à surveiller qui peuvent rendre amères les relations passionnelles entre le Gouvernent Nigérien et la France : la Libye, dont les ambitions territoriales sont connues, dispose d’une grande armée ; le Nigéria, qui lorgne aussi vers le Niger, a la plus grande armée d’Afrique ; l’Algérie, leadership du continent africain et qui trace son axe de développement vers l’Afrique noire par le Niger. Il s’agit pour la France de protéger non seulement le Niger ou elle puise l’essentiel de ses ressources énergétiques, mais aussi d’espionner les pays qui l’entourent, afin de détecter toute menace de déstabilisation qui pourrait avoir des effets communicatifs et nuisibles aux intérêts politico-économiques français. D’autre part, l’expansion des programmes nucléaires nécessitera l’exploitation d’un nombre de plus en plus grand de gisements. Il est donc nécessaire de protéger les découvertes minières des diverses sociétés françaises : ainsi en est-il des intérêts des producteurs au Sahara occidental et au Maroc, aux zones de prospection de Total, PUK en Mauritanie, de celles de la COGEMA au Mali et en Guinée, des intérêts définis au Niger, au Tchad, au Sénégal, au Zaïre, en Centrafrique ou même en Angola, le champ à couvrir par les avions de reconnaissance et de combat de l’armée française est vaste. Et il ne s’agit pas seulement de préserver ces intérêts pour le long terme, mais surtout, peut-être, d’organiser la production. Les découvertes existantes et potentielles étant largement supérieures aux besoins de la consommation, il faut limiter le rythme d’ouverture de nouvelles mines, malgré les pressions des insouciants responsables des pays possesseurs de gisements africains. Les documents internes du « Cartel de l’Uranium » narrent par le menu quels artifices les responsables français ont dû employer pour limiter la production du Niger. Mais aujourd’hui, plutôt que de perdre ces intérêts dans les nouveaux gisements en cours d’ouverture dans ces pays (la concurrence est vive avec les autres sociétés européennes et surtout américaines et japonaises), la COGEMA a dû se résoudre à prendre de nouvelles et fortes participations dans les futures exploitations, opérant par manque de capitaux ces possibilités de diversification en direction d’autres pays. Il fut difficile au gouvernement de faire revenir l’empereur Bokassa sur sa volonté de confier les intérêts miniers français dans l’uranium centrafricain à une société étrangère, tout en repoussant d’année en année la mise en exploitation du principal gisement… On connaît aussi les demandes réitérées du Mali pour la mise en valeur des gisements découverts par la COGEMA sur son propre sol. Mais la palme d’or revient au roi Hassan II qui joue alternativement Américains et Français (et même parfois les Soviétiques) pour l’exploitation de l’uranium contenu dans les phosphates, en échange d’un appui diplomatique et militaire dans la guerre qu’il mène au Sahara occidental, son fils suit ses traces. Des clauses contractuelles favorisant les compagnies françaises Les accords portant sur l’exploitation de l’uranium dans le tiers monde ont ceci de commun : - aucun retour financier minimum dans le pays hôte ; - aucun contrôle du pays hôte sur le développement de l’exploitation (rythme d’exploitation des mines, clients) ; - pas de liens avec le reste de l’économie du pays hôte ; - absence de contrôle sur les effets sanitaires et écologiques de l’extraction et du traitement du minerai.(lire article Y.Mérabet ‘Le Quotidien d’Oran’ du 07/10/2008). Au Gabon, un des derniers accords de recherche et d’exploitation qui a été signé (permis de Boué entre l’État gabonais, la COGEMA et Union Carbide Corporation), l’opérateur a eu des facilités inouïes : - exonération de taxe pendant 7 ans ; - droits de douane et redevance limités à 50% de la production ; - 10% de participation dans le projet pour le gouvernement, etc. Cet accord est semblable à celui conclu pour l’exploitation du gisement de Mounana avec la CFMU et la COGEMA. Mais c’est à l’État gabonais d’investir pour la construction du chemin de fer, « le transgabonais », qui permettra d’apporter les matières premières nécessaires à l’exploitation et au traitement du minerai, une manière néo-colonialiste d’endetter l’Afrique. Au Niger, les clauses communes aux différents contrats d’exploitation sont : - les compagnies payent toutes les dépenses de recherche, mais le gouvernement doit payer au pourcentage de sa participation (de 30 à 50% suivant les cas) les dépenses de développement et d’exploitation, soit cash, soit en empruntant aux compagnies intéressées. En retour il dispose du même pourcentage de l’uranium produit, dont les acheteurs fixent le prix et ne sont autres, en général, que les compagnies impliquées dans l’exploitation (La Lybie semble s’immiscer dans ces genres de transactions louches) ; - enfin, il existe une clause qu’en général les pays du tiers monde refusent d’accepter lors de la négociation de leurs contrats, qui garantit aux compagnies minières qu’au cas où d’autres compagnies devraient recevoir des clauses plus favorables dans le futur, celles-ci s’appliqueraient aux contrats précédemment conclus. La COGEMA, première sur le terrain, dispose quant à elle de la « clause de la compagnie la plus favorisée ». Un endettement forcé Le Niger s’est engagé dans un développement de plus en plus soumis aux fluctuations des cours de l’uranium, avec un endettement croissant pour financer l’exploitation de cette matière et des investissements des installations. - remboursement de ses primes de participation dans l’exploitation ; - emprunt de 700 millions (35 milliards de francs CFA, en 1980) pour la construction du chemin de fer qui relie Cotonou à Arlit, etc. - achat d’un avion Boeing 737 pour transporter l’uranium vers l’Europe (14 millions de dollars) ; - construction d’une centrale thermique au charbon près d’Arlit, pour approvisionner la cité minière et les unités de production en énergie ; - et, en projet, construction d’un aéroport international et d’une base militaire en liaison avec l’ouverture de la SMTT, où la COGEMA détient 50 % des parts ; etc. L’essentiel des matières premières nécessaires à l’extraction de l’uranium est importé. Par exemple, le soufre pour la fabrication de l’acide sulfurique, solvant de l’uranium, vient du gisement de Lacq en France. Pour produire une tonne d’uranium, 30 tonnes de matériaux divers sont ainsi importées, ce qui nécessite un va-et-vient de camions sur un trajet long de 1.700 km ! Dépendance voulue par la COGEMA, qui s’est longtemps opposée au projet nigérien d’exploitation d’un gisement charbonnier et à la construction d’une centrale thermique adjacente pour alimenter la cité minière d’Arlit, préférant les importations de fuel qui pèsent si lourdement sur les économies du tiers monde. préserver ces intérêts pour le long terme, mais surtout, peut-être, d’organiser la production. La COGEMA a un contrat d’approvisionnement de 1.000 tonnes par an à partir de l’Afrique du Sud, en échange duquel elle investit dans le développement des mines d’uranium de ce pays. D’autre part, ce sont de très grandes quantités de ‘boue jaune’ qui arrivent en France en provenance d’Afrique pour y être transformées et enrichies pour obtenir du ‘Plutonium’ avant d’être réexportées vers tous les coins du monde l’Europe ; Inde, Israël, Pakistan, Afrique du Sud, Corée du Nord, Chine, Iran, Egypte et, dit-on aussi vers l’U.R.S.S. Faudra-t-il continuer à l’Afrique de développer une activité économique prohibée. La prochaine décennie au Moins : 70% de la production sont concentrés dans cinq pays africains, l’Afrique du Sud, les États-Unis, le Canada, I’Australie, dont 52% entre la Namibie, le Niger, le Gabon et, l’Algérie, le Maroc et le Sahara Occidental pour l’uranium à base de phosphates. Et il faut entre dix et quinze ans pour réaliser la mise en production de nouvelles installations d’extraction et de traitement de minerai d’uranium sur des gisements repérés. La seule exception concerne le Maroc, où l’on pourrait extraire dans un délai de quelques années un important tonnage d’uranium à partir de phosphates, car il s’est préparé de bonheur avec l’aide de la France. Le gouvernement français serait contraint de poursuivre la livraison d’armes au Maroc pour sa guerre au Sahara occidental tout en rejetant les résolutions de l’ONU pour son autodétermination en échange de l’uranium hautement stratégique contenu dans ses phosphates. Le feu roi Hassan s’en est déjà assuré. Le 1er juin, lors d’une conférence de presse, parlant de Mitterrand, il déclarait : « Il n’y a pas à craindre qu’il arrête les ventes d’armes. La France honorera ses engagements. (…) Nous lui fournissons l’uranium extrait des phosphates. La France construit des centrales nucléaires.. nous fournissons de l’uranium à partir des phosphates, la France construira des centrales nucléaire à ceux qu’ils en veut et les approvisionnent en ‘plutonium. » Enfin, la France maintient toujours de fortes pressions économiques et militaires sur les pays d’Afrique, pour continuer à exploiter les mines africaines et exporter centrales et plutonium des pays comme la Corée du Sud (contrat de 13,7 milliards de F, rien que pour l’uranium !), Israël, le Pakistan et l’Inde. Serait-ce là les nouvelles relations Nord-Sud ? Conclusion Continuer la politique nucléaire française en Afrique ressemblerait au choix du tout pétrole en Algérie… Elle impliquerait aussi le risque, en cas de déstabilisation du Niger, de retomber sous la domination d’un Cartel de multinationales plus modérés pour l’approvisionnement en uranium ou de tomber sous le couplet d’une OPEP africaine de l’uranium. Expert en énergie
Algerian Society For International Relations
Monsieur Kouchner, c’est l’idealisme…de l’argent. Je ne crois pas de voir un jour Gino Stada(fondateur de "Emergency")travailler pour ENI-AGIP, ou faire partie du gouvernement de Berlusconi. Si j’etais membre de Médécins Sans Frontières, je serais deçu et faché. C’est dur avoir de la confiance, aujourd’hui…
Cesare Sangalli