Il n’a échappé à personne que le président chinois Hu Jintao est en visite en France et que pleuvent les milliards des contrats. Une occasion en or laqué pour revisiter le parcours de l’homme fort de l’Empire du Milieu.
En Chine, pas besoin de téléphone ni rouge ni arabe puisque l’Empire de plus d’un milliard quatre cent millions d’âmes est géré par les neufs hommes du Comité permanent du Bureau politique du Parti Communiste Chinois…
Bakchich vous re-propose sa série de portraits chinois publiée avant l’été ; une entrée chez les pairs de l’Empire. En commençant par Hu Jintao, le cacique en chef.
L’homme fort de l’Empire du Milieu, notre commissaire politique préféré, est né en décembre 1942 dans la province centrale de l’Anhui (300 km à l’ouest de Shanghai).
En 1959, il entre dans la très prestigieuse et très communiste université Qinghua au département de génie hydraulique et se consacre dès lors à la théorie marxiste. Hu, ingénieur, rentre de plain-pied dans la très recherché catégorie des « experts-rouges » destinés selon Mao à redessiner la Nouvelle Chine Communiste. Entré au PCC en avril 1964, il sera répétiteur en étude marxiste-léniniste pensée Mao Zedong de 1964 à 1968 avant d’être envoyé comme tous les cadres du parti à la campagne avec l’éclatement de la Révolution Culturelle pour y être rééduqué par les « paysans pauvres et moyens pauvres ».
Ce séjour dans la province semi-désertique reculée du Gansu va marquer sa carrière de bureaucrate communiste.
En effet, non seulement c’est là qu’il rencontrera très tôt son acolyte Wen Jiabao, actuel premier ministre, mais surtout la carrière de Hu Jintao a ceci d’unique qu’elle s’est construite entièrement à l’écart du Centre, à la périphérie du pouvoir et de la Chine même. Cela lui aura permis sans aucun doute d’échapper à tous les soubresauts de l’histoire politique intérieure de l’après Révolution Culturelle entre les réformateurs (Zhou Enlai et Deng Xiaoping notamment) et les « rouges toujours plus rouges » (notamment la fameuse « bande des quatre » et leurs avatars tel Hua Guofeng).
Également, et ce pour tempérer notre propos, on notera que son séjour est étonnamment court (2 ans) pour quelqu’un de sa génération ce qui laisse déjà entrevoir si ce n’est des appuis puissants (notamment de Song Ping, secrétaire provincial du Gansu et « conservateur » influent à Beijing qui sera son « parrain » politique) ou tout du moins une versatilité politique bien précieuse en ces temps troublés.
Après un bref passage par Beijing entre 1969 et 1974, il est renvoyé au Gansu, successivement en charge des constructions sociales (1974-1982) puis (1982-1984) de la Ligue de la Jeunesse Communiste (LJC) dont il prend la direction au début de l’année 1984.
La Ligue, antichambre du PCC, sera le second marchepied de Hu Jintao vers le commandement suprême. Tout spécialement en ce début des années 1980 qui voit la réforme naissante de Deng Xiaoping et le rappel à la « vie civile » de très nombreux cadres purgés pendant la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne sous la houlette du 1er secrétaire du PCC Hu Yaobang.
Hu Jintao y croisera, détectera et y promouvra toutes les jeunes pousses communistes – ces fameuses cinquième et sixième générations au commande aujourd’hui et pour les 20 ans à venir – qui sont aujourd’hui la base de son assise politique. C’est ce clan, allant des jeunes forces politiques Li Keqiang et Xi Jinping à tous les cadres du gouvernement central et brassant un nombre important de jeunes secrétaires provinciaux qui lui a permis de s’imposer face aux « conservateurs » de l’époque rassemblés sous l’égide de Jiang Zemin et surtout derrière l’éminence grise de ce dernier : Zeng Qinghong.
Les six prochaines années de son ascension seront encore placées sous le signe de l’éloignement du Centre puisqu’il est successivement secrétaire du PCC pour la province du Guizhou (1985-1988), puis secrétaire du PCC pour la région autonome du Tibet (1988-1992). Hu Jintao se fait de nouveau remarquer par le Centre et s’attire la sympathie des militaires et des conservateurs majoritaires dans le saint des saints du pouvoir suprême en cette mémorable année 1989. En mars 1989, il instaure la loi martiale (2 mois avant la municipalité de Beijing) pour réprimer à Lhassa les manifestations pacifiques des jeunes bonzes en demande de liberté religieuse. Cet épisode lui vaudra d’ailleurs de porter jusqu’à nos jours, le surnom évocateur de « boucher de Lhassa ».
Dès lors, le chemin est pavé de bonnes intentions. Deng Xiaoping avant son décès en 1992 le désigne avec Wen Jiabao comme « noyau de la quatrième génération de dirigeants », soit la seconde paire devant diriger la Chine (en succession de la paire Jiang Zemin/Zhu Rongji) et Hu sitôt le Tibet re-pacifié peut rentrer à Beijing et siéger dès 1992 au Comité permanent du bureau politique du Comité Central. La suite est connue. Il s’y impose sans surprise, en ménageant « le chou » (les conservateurs issus du clan shanghaïen de Jiang Zemin) et « la chèvre » (les réformistes issus de la LJC) pour prendre les rênes de l’Etat à la suite du XVIème Congrès en octobre 2002. Depuis sa nomination, il a fait de la lutte contre les inégalités sociales, sa fameuse « société harmonieuse » son cheval de bataille, et du « développement pacifique » son clairon.
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