A son arrivée à la tête du Sénat, Gérard Larcher avait annoncé la fin des privilèges. 6 mois plus tard, le même se fait aménager un nouvel appartement de fonction de 340 mètres carrés. En toute discrétion !
Lors de sa prise de fonction en octobre 2008, le nouveau président du Sénat, Gérard Larcher (UMP) avait annoncé la chasse au gaspi et promis la transparence. Le parc immobilier du Sénat, et plus généralement le train de vie de la Haute-Assemblée, avait en effet suscité une vive polémique avec la révélation que l’ex-président du Sénat, Christian Poncelet (UMP), pouvait conserver gratuitement l’usage de son appartement de fonction et ce même après son départ de la présidence. Un joli concept était né, l’appartement de fonction sans fonction et à vie ! Devant le tollé, Poncelet avait dû renoncer.
Exit Poncelet, donc, mais le nouveau président Gérard Larcher a repris les bonnes vieilles habitudes de la maison. Le président de la Haute-Assemblée qui avait déjà un appartement de fonction de 99m2 au Petit-Luxembourg - la résidence qui lui est réservée en plein cœur de Paris et qu’il occupe, trois jours par semaine, avec son épouse - s’attribue un nouveau logement de 340m2 avec vue sur le Palais, au 77 rue Bonaparte. Là où sont déjà logés deux des trois questeurs du Sénat. C’est ce que révèle une note que s’est procurée Bakchich sur une réunion consacrée à l’aménagement des bâtiments du Sénat, qui s’est tenue le 17 mars dernier.
Il faut dire que dans son appartement actuel, Gérard Larcher a une salle de bain un peu vieillotte des années 1950. Il y a quelques mois, le Président du Sénat avait envisagé de la rénover pour 23 000 euros. Mais après avoir été interrogé à ce sujet par un de nos confrères de Mediapart, le Président du Sénat avait jugé plus sage de ne rien faire… et de déménager !
Surprise ! Joint par Bakchich, l’entourage du Président persiste à déclarer qu’« il restera au Petit-Luxembourg jusqu’à la fin de son mandat ». Oh les petits cachotiers… Sur son relevé d’indemnité parlementaire (cf. le document ci-dessous), il est indiqué que Gérard Larcher reçoit une indemnité de résidence de 163,31 euros par mois sur un total de près de 16 000 euros de traitement. C’est vrai qu’occuper une résidence en plein cœur de Paris avec vue sur le joli parc du Luxembourg n’est pas facile à vivre tous les jours… Un sénateur proche de Gérard Larcher prend sa défense : « le Président n’avait qu’une chambre à coucher, il fallait bien qu’il loge sa famille ». Une chambre à 99m2, c’est presque une studette !
Toujours selon la note du 17 mars sur l’aménagement des bâtiments du Sénat, le directeur de cabinet de Larcher, Jean-Louis Schroedt-Girard, aura désormais, lui-aussi, le droit à un appartement de fonction, situé au 64 boulevard Saint-Michel, dans le 6ème arrondissement de la capitale. Nouveau démenti de la présidence du Sénat qui souligne que l’intéressé continue d’occuper son appartement personnel. « Il est hors de question qu’il déménage, ce n’est pas dans les projets », précise-t-on en haut lieu au Sénat. Avant d’ajouter quand même : « mais dans l’absolu, il y a droit », ce que dément le document ci-dessous.
Le 4 février 2009, au cours d’une conférence de presse, le socialiste Jean-Marc Pastor, questeur au Sénat, avait pourtant insisté sur la nécessité de changer « les habitudes prises, les pratiques ». « Les amis », avait-il lancé, « il va falloir être sage dans la manière de fonctionner dans la maison », annonçant la transformation d’appartement de fonctions en bureaux. « La notion de dérapage ne sera plus possible », avait ajouté Pastor. « Les amis », à savoir les hauts-fonctionnaires du Sénat, avaient peu goûté à ce rappel à l’ordre public. En effet, sur les quarante appartements de fonction que comprenait le parc immobilier du Sénat, une vingtaine d’entre eux ont été transformés en bureaux par les grands directeurs de la maison.
Que de mouvement au Sénat ! Les salles Médicis et Clemenceau, utilisées pour organiser des conférences et autres manifestations importantes vont être mises à la disposition du groupe (UMP et socialiste. Mais dans cette même note, il est stipulé que pour répondre aux différentes demandes et du fait de la non-disponibilité désormais des salles Médicis et Clemenceau, une autre salle sera construite « dans le sous-sol de la cour d’honneur ». En clair, les invités au sous-sol et les sénateurs baignant dans la douce lumière du Palais du Luxembourg.
Reste que la rigueur ne vaut pas pour tous les étages. Les patrons du Sénat ont trouvé des appartements à leur goût. Mais que les sénateurs « de base » à la recherche d’un pied à terre se rassurent, il en reste quelques-uns de disponibles. Le pavillon Guynemer, en plein jardin du Luxembourg et qui appartient au Sénat, comprend deux jolis espaces inoccupés depuis septembre 2008.
Eh bien, lit-on toujours dans ce document, « plusieurs propositions ont été étudiées pour l’aménagement de ce lieu. La moins mauvaise consiste à y aménager deux logements de fonction ».
Avis aux amateurs chez les mal logés du Sénat.
La chasse au gaspi réclamée par Gérard Larcher à son arrivée à la tête de la Haute-Assemblée a déjà commencé avec la lutte contre les heures sup’, y compris par la force des choses contre Maria. Selon une note rédigée par les services du Sénat, le 26 novembre dernier, soit un mois après l’élection de Larcher à la présidence du « Plateau », il est stipulé que « Maria sera déchargée des courses à l’extérieur que M. le Président ou Mme Larcher pourrait lui demander » et « aidée par les maîtres d’hôtel si l’activité est importante ». Avec cette mention : « aucune perturbation pour le bien être de M. le Président ». Soit.
Mais cette note ne remet pas en cause les tâches que cette employée assume pour la seule Madame Larcher, surnommées au Sénat, Madame de Pompadour, qui dirige un grand cabinet dentaire : achats personnels, pressing, entretien des blouses de dentiste, repassage, lavage…
On ne lave bien son linge sale qu’en famille !
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