Le célèbre évadé de la prison de Fresnes, Antonio Ferrara, comparaîssait en devant le tribunal d’Evry pour sa participation présumée au braquage d’un fourgon de la Brink’s à Gentilly. Portrait.
« C’est une vraie star en prison », assure avec le sourire l’un des avocats d’Antonio Ferrara. Celui que l’on surnomme Nino, braqueur multi-récidiviste, multi-condamné, qui a rencontré la célébrité en même temps qu’il faisait exploser sa cellule de la prison de Fresnes pour prendre la tangente en 2003, fascine. Journalistes, magistrats, psychiatres, bandits, ou surveillants de prisons. Tous ont tenté, au gré des péripéties juridico-mafieuses du jeune homme, de cerner sa personnalité et de comprendre l’itinéraire de « Nino », 1m67, toujours sourire.
Il n’y a qu’à voir le déploiement de sécurité qui accompagne le moindre mouvement d’Antonio Ferrara pour comprendre que c’est un homme à part. Après le palais de justice de Paris transformé en bunker lors du procès d’assises jugeant sa spectaculaire évasion de Fresnes, c’est au tour du tribunal d’Evry de voir débarquer les hommes du RAID en nombre.
Antonio Ferrara y comparaît actuellement pour sa participation présumée au braquage d’un fourgon de la Brink’s à Gentilly. Le 26 décembre 2000, une dizaine de malfaiteurs, qualifiée de « dream team » par les policiers, lourdement armés ouvraient le feu sur le véhicule blindé, avant de faire exploser une partie de sa carrosserie, pour s’emparer d’une dizaine de sacs d’espèces, avant de prendre la fuite. Bilan : aucune victime, mais plus de 6 millions d’euros de butin. Et l’ADN mitochondrial [1] de Ferrara retrouvé par les enquêteurs. De quoi le faire condamner en première instance à 11 ans de réclusion criminelle. Le procès en appel doit durer jusqu’au 10 avril.
Comme lors de ses précédentes comparutions, Antonio Ferrara est sorti chaque matin de sa cellule du quartier d’isolement D5 de Fleury-Mérogis. 9 m2 dont il ne sort que pour les audiences, pour les parloirs ou pour la demi-heure de promenade dans une courette bâchée. Des conditions de détentions qualifiées à plusieurs reprises de « torture blanche » par des experts psychiatres qui petit à petit peuvent aboutir à une « mort psychique ». Pour Ferrara, cela fait déjà six ans d’isolement. Et 23 surveillants mobilisés en permanence. Certains, comme Gabriel Mouesca, président de l’Observatoire international des Prisons (OIP) qui est intervenu au procès Ferrara affirment carrément qu’il est un « cobaye de l’administration pénitentiaire ».
Et chez « l’isolé des isolés », comme il se définit lui-même, une incroyable fraîcheur, et un sens de la répartie qui a plusieurs fois fait se gausser les salles d’audience où il comparaissait. Ainsi, à la présidente qui l’interrogeait sur l’origine de l’argent qu’il dépensait pendant sa cavale, il répondit : « C’est une question qui sent les menottes, madame la présidente ! ».
Mais il ne faut pas s’y tromper, comme l’ont expliqué des psychiatres à plusieurs reprises, les détenus à l’isolement développent parfois ce type de défense pour ne pas sombrer dans la dépression. Comme le confiait un de ses proches lors du procès de l’évasion, « un vrai voyou ne donne jamais l’impression d’avoir été mis à l’amende, sinon il s’effondre à jamais ».
Il est rare que ses proches s’expriment sur son sujet malgré l’intérêt croissant des médias pour ce « bon client ». Il leur interdit. Les rares qui parlent assurent que la presse en fait trop. Que des livres se vendent sur son nom. Mais que personne ne le reconnaît dans ce « roi de la belle », cet « as de la tirelire » que les journalistes décrivent à longueur d’articles. « C’est un idéaliste voilà tout », lâche l’un d’eux. « Il existe un ravin entre la réalité et ce que les gens racontent », ajoute-t-il.
Né en 1973 à Cassino en Italie, il est issu d’une fratrie de sept enfants. Son père est marchand ambulant et sa mère responsable d’une équipe d’entretien. Il a dix ans quand sa famille débarque en France. A Choisy-le-Roy dans le Val-de-Marne. Scolarité chaotique, un peu de maçonnerie, un peu de plomberie, un peu de restauration, et puis, officiellement, plus rien. En fait, de petits larcins en gros coups, Nino gravit les échelons de la délinquance. Au point de devenir incontournable dans le Milieu et de gagner sa place dans le fichier du grand banditisme. Certaines sources policières avanceront même que c’est pour le faire monter sur des gros coups que des caïds l’ont fait sortir de Fresnes à coup de Bazooka. Une hypothèse intéressante mais qui ne sera jamais démontrée.
Car ces professionnels de la délinquance sont des gens prudents et organisés. Mais c’est sur des erreurs plutôt surprenantes, compte-tenu de l’expérience du jeune homme, qu’il s’est fait reprendre par la police après son évasion de la prison de Fresnes. Après quelques mois de cavale, il revient sur ses terres, reprend contact avec des proches et se fait plutôt facilement arrêter par la police dans un bar à Bercy. Direction la prison dont il ne devrait pas sortir avant le début des années 2030.
Face à une si longue peine, il n’a jamais caché ses envies d’évasion. L’unique perspective pour survivre ? Son avocat, Paul-Charles Déodato l’affirmait à Bakchich il y a peu, « Antonio Ferrara est prêt à tout pour recouvrer la liberté ». D’ailleurs il a suivi de près les aventures de son ami Christophe Khider, l’un des évadés de la prison de Moulin. « Deux frères », souligne Catherine Charles, la mère du second qui connaît bien Antonio Ferrara.
Mais le temps des « beaux mecs » est révolu. La réalité est bien plus âpre. Bien plus banale. Plus proche de la saleté des souricières du palais de Justice que de Facebook où pullulent des groupes de soutien à Antonio Ferrara…
Actualisation, jeudi 9 avril
Antonio Ferrara et un autre coaccusé, Joseph Menconi, ont été acquittés en appel, jeudi, par les assises de l’Essonne, pour le braquage du fourgon de la Brink’s fin 2000 à Gentilly. Un troisième accusé, Loïc Delière, a vu sa peine de 9 ans de prison confirmée.
Lire ou relire dans Bakchich :
[1] Cet ADN permet aux enquêteurs d’assurer qu’un membre de la famille Ferrara issue de la mère était présent sur les lieux