Le ministère de la Justice a besoin de surveillants de prison et le fait savoir à la télévision dans un petit spot de pub qui vous ouvre les portes du (merveilleux) pénitencier.
A l’heure où le Service d’information gouvernemental (SIG) dirigé par le publicitaire Thierry Saussez multiplie les bonnes idées (on se rappelle de cette formidable campagne sur le pouvoir d’achat ou plus récemment de la très pertinente proposition d’une émission gouvernementale sur le service public) voilà une publicité qui laisse rêveur. On le sait, l’image du surveillant de prison - « le maton » - est plus que mauvaise dans l’opinion publique. Et on l’imagine aisément, l’administration pénitentiaire a du mal à recruter du personnel. Car surveillant de prison, on ne le devient pas par vocation. Aussi, le ministère de la Justice a-t-il décidé de lancer cette campagne de recrutement. Et a fait montre une fois de plus de son redoutable talent de publicitaire.
En fait, on vous le cachait, mais la prison c’est sympa. C’est beau, c’est propre, les collègues sont souriants, et surtout il n’y a pas de détenus. Enfin si, ne soyons pas de mauvaise foi. Il y en a un dont on aperçoit les baskets (présomption d’innocence oblige, il fait peut-être de la préventive). Donc un détenu pour trois surveillants selon la même image. Sauf qu’au 1er janvier 2008 [1], il y avait 23625 « personnels de surveillance » pour 64250 détenus soit 2,7 détenus pour un surveillant. Bon le détenu virgule 7 on lui fait son affaire, mais ça fait quand même un peu plus de monde à gérer que nous le dit la publicité.
Quant au boulot, c’est plutôt détendu de la matraque. On papote avec les collègues, on jette un petit coup d’œil par l’œillet de temps en temps pour voir si tout ce petit monde dort bien et puis on va s’asseoir dans le mirador avec son ravissant polo bleu marine repassé tout comme il faut. On « sait faire preuve d’autorité tout en étant à l’écoute » donc tout va bien. En plus il paraît que Rachida Dati veut mettre des interphones dans toutes les cellules, au cas où. Au cas où quoi ? Des suicides en prison ? N’en parlons pas. Aller dire à des gamins de 20 ans qu’ils seront payés 1411 euros [2] (Tant qu’ils seront élève surveillant, ça sera plutôt 1350 euros) par mois à l’embauche pour aller décrocher des pendus, c’est sûr que tout de suite ça fait moins envie.
Pour ceux qui étaient tentés par la prison des bisounours, il est malheureusement trop tard. L’inscription pour les candidatures est close depuis le 17 octobre. Pour ceux qui ont été convaincus par le spot publicitaire, il est encore temps de lire ce témoignage d’un surveillant de prison paru sur le blog de Me Eolas et qui écrivait à propos de la dite pub : « Je me sens frustré de n’être qu’un porte-clefs, juste bon à ouvrir et (surtout) fermer des portes. Ce n’est pas vraiment ce qui est "vendu" dans la publicité du ministère de la Justice pour mon métier. D’ailleurs, je n’ai jamais bossé dans une taule aussi immaculée. On pourrait presque manger par terre tellement elle est clean. Elle est tellement propre qu’elle ne doit pas servir, c’est pas possible. Ceux qui entrent dans la profession d’après cette pub vont être sacrément déçus… Ainsi que les futurs détenus qui ne connaissent pas encore la prison, d’ailleurs. J’espère sincèrement que cette publicité n’est pas l’exacte vision d’une prison qu’ont nos dirigeants de la Pénitentiaire, car si c’est le cas, je crains le pire pour l’avenir. »
Pourtant, on le sait. La seule différence entre la fiction et la réalité, c’est que la fiction, pour convaincre, doit être crédible. C’est raté.
Bonjour
Je me permet d’intervenir dans votre débat car je passe le concours mercredi prochain et apres vous avoir lu j’ai quelques doutes.Je n’ai pas le concours en poche mais j’aimerais avoir vos avis aussi bon que mauvais pour me conforter dans mon idée. Merci