L’Iran est en passe de changer de président. Sans que le coeur du régime, le conseil islamique, ne soit touché. Bref, le pays des mollah se paie avec ce scrutin du 12 juin une petite coquetterie.
Quelques jours après le Liban, c’est au tour de l’Iran d’en appeler au choix du peuple. Un scrutin jugé capital à l’étranger dans la perspective d’une détente entre la République islamique et le monde occidental. Sauf que cette lecture très occidentalisée de la présidentielle iranienne dénote une certaine méconnaissance du véritable mode de fonctionnement du régime des mollah.
Depuis ce matin, les électeurs iraniens ont rendez-vous avec les urnes pour désigner le successeur de Mahmoud Ahmadinejad à la tête du pays. Une élection présidentielle lourde de conséquences alors que la communauté internationale peine à solutionner le dossier du nucléaire iranien. C’est, à peu de choses près, la perception du scrutin de ce vendredi à travers le monde occidental.
Reza Moini est journaliste et responsable du bureau iranien de Reporters sans frontières. Pour lui comme pour de nombreux observateurs du système politique local, la perception occidentale du régime est tronquée : « La République islamique a une spécificité unique dans le monde. Elle est fondée sur une interprétation de l’Islam qui prédomine sur toutes les décisions prises par le pouvoir. »
Cette autorité spirituelle, dont l’influence est trop souvent mésestimée par les médias occidentaux, est incarnée par l’ayatollah Khamenei, le Guide suprême de la révolution islamique de 1979. Constitutionnellement, les prérogatives accordées au chef spirituel de l’Etat iranien en font le véritable détenteur du pouvoir décisionnaire de la République islamique. Depuis 1989, Khamenei est non seulement le commandant en chef des forces armées du pays, mais il est surtout le garant de l’application des préceptes religieux au sein de la République islamique.
« Dans l’inconscient occidental, on a tendance à penser qu’une élection est automatiquement démocratique. Ce n’est pas le cas dans le système très spécifique de l’Iran », explique Reza Moini.
Si la dernière étape de l’élection présidentielle iranienne fait appel au suffrage universel, l’aspect démocratique du processus électoral est en réalité plus ou moins factice. « A l’origine, plus de 250 candidats potentiels s’étaient inscrits à l’élection présidentielle. Parmi eux, des opposants au régime mais aussi des femmes », explique Reza Moini. Des candidatures passées au crible par une institution élue indirectement, le Conseil des gardiens, chargé de la sélection des prétendants en période électorale. Cette écrémage, effectué selon des critères établis par les autorités religieuses du régime, assure au véritable pouvoir du pays un représentant « digne » des fondamentaux de la République islamique.
Pour Bernard Hourcade, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’Iran, les quatre candidats qui ont émergé du processus de sélection « sont issus du même moule ». Le principal opposant du président sortant Mahmoud Ahmadinejad, Mir Hossein Moussavi, est l’un des deux candidats réformateurs approuvés par le Conseil. Il a déjà expérimenté les arcanes du pouvoir de la République islamique en tant que Premier ministre de 1981 à 1989, un poste aujourd’hui supprimé. Même constat pour les deux autres prétendants, Mehdi Karroubi et Mohsen Rezai, respectivement anciens président du Parlement et chef des Gardiens de la Révolution, l’organisation paramilitaire du régime. Des présidents potentiels qui sont donc déjà rompus aux ficelles de l’exercice politique en Iran.
Pour autant, le rôle du président élu ne peut être réduit à celui d’une simple façade démocratique. « Schématiquement, le président est le numéro deux du régime iranien. Dans les faits, il a un pouvoir décisionnel sur la grande majorité des affaires internes. Il a la main pour tout ce qui a trait aux affaires courantes, notamment sur les aspects économiques et culturels, tant qu’il ne va pas à l’encontre des fondements de la République islamique », explique Karim Pakzad, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques.
En clair, si les velléités réformatrices du président sont trop contraignantes pour le pouvoir religieux, le Guide de la révolution islamique dispose d’un droit de véto universel, donc du pouvoir décisionnel final. Pour Bernard Hourcade, « ce type de rapport de force, en place notamment au cours de la présidence du réformateur Mohammad Khatami, de 1997 à 2005, a permis au régime iranien de limiter les réformes engagées par le président. »
L’autre aspect qui tend à prouver la prédominance absolue du pouvoir théocratique est plus subreptice, estime Bernard Hourcade : « Comme dans tous les régimes du monde, l’exercice du pouvoir est aussi une question de réseaux et de lobbying. Sur ces points, le Guide Khamenei a un avantage de facto dû notamment à son ancienneté, puisqu’il est présent dans les hauts échelons du gouvernement depuis 1979. »
Pour autant, la fonction principale du président iranien à l’étranger n’en est pas moins primordiale. Car si ses prérogatives sont relativement limitées au sein du régime, il demeure le principal interlocuteur de l’Iran avec l’Occident. Frédéric Tellier, l’auteur d’Iran : les coulisses d’un totalitarisme, assure que le scrutin de ce vendredi aura un impact majeur au niveau diplomatique : « Sur le concret, on peut considérer que les changements seront minimes, mais sur le plan diplomatique, le choix du « principal interlocuteur » de l’Iran avec l’occident aura forcément un impact. »
Reste que pour la majorité des observateurs, l’élection présidentielle devrait coïncider avec un changement de ton de Téhéran vis-à-vis de Washington, notamment sur le dossier du nucléaire, et ce même en cas de réélection du président Ahmadinejad. Pour Bernard Hourcade, « Ahmadinejad et les autres ont tous accepté l’idée qu’il fallait discuter avec les Etats-Unis. » Mais le directeur de recherche au CNRS concède néanmoins que « la question est de savoir dans quelle mesure ce genre d’ouverture pourra être mis en place ». Une variable qui constitue finalement la véritable colonne vertébrale de la résolution du dossier nucléaire de la République islamique.
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Une petite piqûre de rappel bien utile pour remettre un peu les pendules à l’heure : effectivement, d’après la constitution iranienne, le président - élu au suffrage universel - n’a pour ainsi dire que le pouvoir d’inaugurer les chrysanthèmes en faisant des discours enflammés, de nommer le gouvernement et de représenter l’Iran sur la scène internationale. A peu près les mêmes pouvoirs que cette chère Elizabeth.
Comme dans beaucoup d’autres pays du globe, le pouvoir - collégial - est effectivement entre les mains du Conseil des experts dont les 86 membres (religieux) sont élus pour 8 ans au suffrage universel direct. C’est aussi le Conseil des experts qui a choisi le Guide suprême et qui est responsable de son contrôle dans le cadre de l’exécution de ses devoirs légaux …
C’est aux citoyens de le dire et donc à toi camarade …
Je connais mal la constitution marocaine. J’imagine qu’il s’agit d’un monarque "éclairé" ( ?), Commandeur des croyants et d’un "parlement" qui ne peut guère être plus que croupion puisque celui qui détient le pouvoir ne peut jamais être censuré. Il faut nécessairement un ciment pour maintenir ce genre de régime : l’armée ? la religion ? la corruption ? des puissances étrangères ?