Le groupe d’amitié France-Iran de l’Assemblée nationale est tiraillé entre discrétion stratégique et lobbying actif
L’Iran a beau faire partie de « l’axe du mal » défini par le super-télévangéliste américain Georges W. Bush, elle garde quelques amis dans les capitales occidentales. À Paris, la République islamique d’Iran soigne son image dans les milieux politiques. L’ambassade iranienne ne cesse de tenter de faire valoir son point de vue auprès du Quai d’Orsay et de quelques parlementaires triés sur le volet. Notamment sur le dossier du nucléaire iranien, devenu une véritable patate chaude diplomatique. À l’Assemblée nationale, les élus ciblés sont naturellement les membres du groupe d’amitié France-Iran, composé de 23 députés, de tous bords politiques. Ce groupe est présidé par Xavier de Roux, élu UMP de Charente-Maritime et influent vice-président de la commission des lois. Il est secondé par deux anciens ministres de droite spécialistes des affaires étrangères (Hervé de Charrette et Jacques Godfrain), deux socialistes (l’expert de défense Jean-Michel Boucheron et le docteur Gérard Bapt), ainsi que de l’inimitable André Santini, député-maire UDF d’Issy-les-Moulineaux. La plupart des 170 groupes d’amitiés existant à l’Assemblée se cantonnent à quelques réceptions protocolaires. Mais une poignée pratique ce qu’il est convenu d’appeler une « diplomatie parlementaire », aux contours élastiques. C’est notamment le cas du groupe France-Iran. Il ne se passe guère de semaines sans que les Iraniens à Paris ne soient en contact avec des responsables du groupe d’amitié, principalement son président Xavier de Roux et son vice-président socialiste Jean-Michel Boucheron.
Au printemps 2006, Téhéran a discrètement proposé aux députés de venir visiter ses installations nucléaires, tous frais payés. Une façon de tenter de prouver sa bonne foi sur ce sujet épineux. Redoutant une manip, Jean-Michel Boucheron a décliné l’invitation, indiquant aux Iraniens qu’ils feraient mieux d’ouvrir leurs portes aux experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique ! De son côté, Xavier de Roux, intéressé mais embarrassé, a demandé au Quai d’Orsay et à l’Assemblée de prendre en charge cette mission parlementaire peu banale. Sans succès. L’élu de Charente-Maritime reste cependant toujours ouvert à l’idée de cette visite guidée au pays des mollahs. Ces deux députés ne cachent pas leurs désaccords avec certaines positions iraniennes, mais ils considèrent que le dialogue avec les officiels de ce pays reste « indispensable ». Et ils ne sont pas totalement imperméables à certains de leurs arguments.
Jean-Michel Boucheron, spécialiste de géostratégie et artisan d’un dialogue euro-oriental au sein de l’assemblée de l’Otan, a notamment écrit, le 22 février 2005, une chronique, alors peu remarquée, dans Le Monde, titrée « L’Iran aura la bombe ». L’élu socialiste prédisait l’avènement, selon lui probable, de l’Iran comme puissance nucléaire et critiquait la « communauté internationale » qui risque de se trouver dans une « dangereuse impasse » sur ce sujet.
De son côté, Xavier de Roux est un habitué des vols Paris-Téhéran. Ancien associé au sein du gros cabinet d’avocats d’affaires parisien Gide-Loyrette-Nouel - et toujours en charge de son développement international - le député UMP s’est rendu à de multiples reprises en Iran depuis 2003. Il y a notamment accompagné le ministre du commerce extérieur François Loos. En mars 2004, il a contribué à la signature, par Gide-Loyrette-Nouel, d’un important contrat de conseil auprès du ministère iranien des communications, portant sur l’attribution de la première licence de téléphonie mobile du pays. Début 2006, Xavier de Roux est également intervenu comme « conciliateur » entre le groupe français Renault et les autorités iraniennes. Suite à un accord signé en 2004, le constructeur automobile a installé en Iran une usine de montage en partenariat avec l’industriel Iran Khodro, destinée à assembler 300 000 Logan par an. En avril 2006, juste avant le lancement de la production, le ministère iranien de l’industrie a menacé de rompre le contrat si Renault ne s’engageait pas à exporter au moins 20% des Logan à partir de l’usine iranienne. Une manière, pour l’Iran, de faire rentrer des devises et de développer son influence économique régionale. Empêtré dans ce contentieux, le groupe français a demandé à Xavier de Roux, bien introduit en Iran, avec sa double qualité de député et d’avocat, de l’aider à trouver un terrain d’entente. Aux dernières nouvelles, Renault a finalement accepté les conditions posées par Téhéran.
La Logan « made in Iran » sera bien exportée dans la région. La voiture est bas de gamme, mais, paraît-il, peu radioactive !