Lagardère se voit en maître du « Monde »

Il est d’une discrétion remarquable depuis quelque temps. Que devient Arnaud Lagardère, le « frère » de Super Sarko ? On sait qu’il a téléphoné récemment à la famille d’un petit garçon qui a été empêché de participer à un jeu sur la chaîne de télé Gulli, qui appartient à son groupe, parce que son prénom (Islam) ne plaisait pas à la « casteuse », la dame chargée de sélectionner les candidats.

Cette discrétion ne veut pas dire inaction. Arnaud Lagardère, qui se vante en privé de ne pas être mis en cause personnellement dans l’affaire EADS – l’AMF, le gendarme de la bourse, soupçonne des délits d’initiés massifs et une information financière trompeuse autour du programme A380 –, s’active dans les médias. Il rachète des petites activités Internet pour essayer de transformer sa PME en groupe de médias digne de ce nom.

Lagardère et ses amis au chevet du Monde

© Morvandiau

Mais un autre projet l’occupe depuis quelque temps : il veut prendre le contrôle du journal Le Monde, dont il détient déjà 17% du capital. Jusqu’à l’année dernière, l’héritier prétendait ne pas être intéressé et affirmait que le journal du soir finirait chez Prisa, le géant espagnol, qui possède le quotidien El Pais et 15% du journal français autoproclamé de référence. Mais « Nono », comme l’appellent ses amis, s’est laissé convaincre par Alain Minc, le fameux consultant qui rate tout ce qu’il entreprend, tout en se faisant payer des fortunes.

Minc, dont les actions associées à la gestion brillantissime de Jean-Marie Colombani ont grandement contribué à la déconfiture du journal, a dû quitter la présidence du conseil de surveillance du quotidien du soir. Il n’a pas digéré d’être poussé dehors. D’où sa volonté de provoquer une vente. Lagardère et Prisa ont déjà proposé de racheter par anticipation les quelques 75 millions d’euros d’obligations remboursables en actions qui arrivent à échéance à partir de 2009. « Nono » s’est heurté à une fin de non-recevoir de la SRM. Mais il s’en fiche : il a le temps pour lui.

Les bons conseils d’Elkabbach à « Nono »…

Contrairement à ce que pensent les journalistes du Monde, les salariés ne détiennent déjà plus la majorité du capital. Ils ont 52% de la holding Le Monde Partenaires et Associés (LMPA), qui elle-même contrôle 60% du Monde SA, lequel détient 94,7% de la Société Editrice du Monde (SEM). En clair, ils ont 52% d’une structure qui a 60% du journal. On est loin de la majorité. « Nono » le sait. En outre, il détient 34% de la société qui possède le site Internet lemonde.fr, l’une des rares entités du groupe à dégager des profits. Et il refuse obstinément que cette structure soit réintégrée dans la SEM. Enfin, comme la plupart des observateurs, il se doute que le plan de restructuration présenté par le nouveau président du Monde, Eric Fottorino, ne donnera aucun résultat.

Hormis les 130 suppressions d’emplois, il n’y a en effet rien sur un plan de développement. « Fottorino n’a pas la carrure pour être patron », dit un habitué du journal. Tout le monde pense donc que Le Monde n’aura pas d’autre choix que de se vendre. Question : Arnaud Lagardère, dont les liens avec Super Sarko sont connus, est-il le repreneur qu’il faut ? Jean-Pierre Elkabbach, patron d’Europe 1, qui le conseille et qui est sans doute le journaliste le plus indépendant de France, voire d’Europe, a expliqué récemment dans La Croix que « Nono » ne se mêlait jamais des « histoires » de la radio. Conclusion logique : « C’est pourquoi je pense que la presse française ne doit pas avoir peur d’être recapitalisée. Le Monde ne devrait pas craindre cette solution. Comment peut-il subsister avec 15 millions de déficit par an ? Observez bien que les journaux les plus exigeants tiennent grâce aux aides et aux concours d’industriels dont ils dénoncent, par ailleurs, les pratiques : le cas des Échos est exemplaire ! » Heureusement qu’Elkabbach est là pour nous montrer la voie. Les journalistes du Monde devraient s’en inspirer.

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