Alexandre Bompard, ancien patron d’Europe 1, ne reste jamais plus de quatre ans dans les entreprises par lesquelles il passe. Ce qui n’est pas le cas de Julie, l’une des voix les plus emblématiques de la station.
Alexandre Bompard part, Julie reste. Avec cinq millions d’auditeurs quotidiens recensés dans le dernier sondage Médiamétrie, le patron d’Europe 1 peut quitter la station content. Soulagé, même. En juillet dernier, la radio avait connu ses plus mauvais résultats depuis 2002. Avec ces nouveaux résultats, pointent ici ou là les commentaires satisfaits des stars de la rue François-Ier. Mais une voix, pourtant fort agréable, reste modeste sur le sujet. Celle de Julie, animatrice historique d’Europe 1.
« Julie est une femme réservée », confie son époux Gérard Leclerc, par ailleurs patron de La Chaîne Parlementaire. Une discrétion qui dure depuis trois décennies mais qui ne l’a pas empêché de s’installer au creux des oreilles du public. Au contraire. Résumant assez justement le sentiment des auditeurs d’Europe 1, Pierre Lescure confie : « Julie, je la connais depuis… toujours et, de fait, je ne la connais guère. »
Stéphanoise de naissance, elle débute au théâtre. Si les Fraises musclées, une pièce de Jean-Michel Ribes dans laquelle elle a fait ses armes, n’est pas restée dans les mémoires, elle y a appris le sens de la repartie. Plutôt utile quand Baffie lance à une auditrice : « Ça donne le ton, ça en fait deux avec Julie. » Gerra, Bellemare, Ruquier, Fogiel, Baffie, Drucker, tous ont réclamé celle que Roucas, un autre de ses compères, surnomme « la baronne de Gatine », du nom de sa maison dans le Poitou. « Elle est à l’aise avec tout le monde », assure son ami et collaborateur Jacques Sanchez.
En 1996, c’est Jérôme Bellay, ancien patron d’Europe 1, qui a souhaité que sa voix habille l’antenne. Aujourd’hui, elle est présente durant toute la matinée, puis sa voix enregistrée court tout au long de la journée, ici pour lancer une émission, là pour donner l’heure. « Il faut être idiot pour croire que c’est peu de chose de donner l’heure. Ça fait des années que les gens se lèvent, déjeunent, vont à l’école, partent au boulot au rythme de l’heure donnée par Julie. Julie, c’est le temps qui passe, c’est la vie qui passe, il n’y a que pour elle que le temps ne passera jamais », dit d’elle Guy Carlier dans un hommage radiophonique.
Présente depuis 1972 sur Europe 1, l’une des plus anciennes avec Laurent Cabrol, le temps semble en effet ne pas avoir de prise sur elle. Et ses fous rires, comme lors des sketchs de Canteloup, enchantent jusqu’au patron de la rédaction de Bakchich. Le secret de sa longévité ? Ne pas rentrer dans les batailles d’ego des stars de la radio. « Et ne pas penser qu’avoir sa propre émission est une fin en soi », ajoute son époux.
Quand il a pénétré dans le studio d’Europe 1, lundi 22 novembre, pour assurer la promotion du film dans lequel il joue, Lionel Jospin s’est assis sur le siège de Julie. « Mais vous avez pris ma place », remarque-t-elle en arrivant. « J’en rêve depuis toujours », a répondu l’ancien Premier ministre socialiste. C’est à ce genre de choses aussi qu’on mesure son importance.