L’année s’annonce difficile pour le quotidien du soir qui devra solder l’héritage Colombani et tenir tête à Lagardère.
Ca chauffe boulevard Auguste Blanqui, au siège du Monde. Dernier motif d’inquiétude, l’imprimerie, que la direction du groupe souhaiterait vendre à un groupe espagnol. De quoi motiver les troupes de la CGT du livre pour bloquer la parution du journal deux jours durant. Une manière de fêter l’arrivée de Sylvie Kauffmann, au poste de directrice de la rédaction.
Mais les problèmes ne datent pas d’hier et cachent le plus souvent des grosses incertitudes financières. Fin 2009, par exemple, les journalistes du papier ont menacé de faire la grève des contenus pour le site internet, le monde.fr, filiale du quotidien et se sont élevés par la voix de la Société des Rédacteurs du Monde (SRM) contre la participation du journal à un débat sur l’identité nationale organisé par l’Institut Montaigne. Le père Fottorino, qui préside le groupe connaît quelques angoisses et se prépare à une année 2010 mouvementée. D’ici début 2011, le journal doit trouver de la fraîche. Et le beau scénario de cette recapitalisation élaboré sous l’égide de Louis Schweitzer –président du conseil de surveillance – doit être ficelé début 2010. Et rapidement. Pour la première fois depuis longtemps le mot « dépôt de bilan » a été prononcé par la direction lors d’une réunion.
Or, le bon Lagardère, qui détient déjà 17,27 % du capital, semble être le seul actionnaire dit « externes » à pouvoir monter au capital puisque Prisa (propriétaire de El Pais) est dans une situation financière difficile. Surtout, Le Monde devra obtenir au minimum 25 millions d’euros soit le montant du prêt contracté début 2009 auprès de BNP Paribas et de Natixis et remboursable sur deux ans avec en prime le nantissement de Télérama. Las ! Selon les infos glanées en interne par Bakchich, la trésorerie pourrait crier famine dès avril 2010. En 2008, le groupe a enregistré un résultat net négatif de 43,7 millions d’euros et s’est pris, comme les autres la crise publicitaire de 2009 en pleine poire. La recapitalisation s’annonce donc compliquée. Tout cela, sans compter le remboursement des 70 millions d’ORA (obligations remboursables en actions) laissé généreusement en héritage par l’immense Jean-Marie Colombani et son compère Alain Minc.
Un joli tableau qui fait trembler Télérama ou encore Le Post.fr dont les rumeurs de revente repartent aussitôt. De son côté, la SRM qui ne voit pas la perspective Lagardère d’un très bon œil a engagé depuis plusieurs mois une réflexion afin de transformer Le Monde Partenaires et Associés qui regroupe les actionnaires internes (dont la SRM) en Fondation. Celle-ci prendrait ensuite une part majoritaire du Monde SA et ferait ainsi la nique au méchant Lagardère. « On attend pas de miracle de la fondation, aujourd’hui la plus grande priorité est de trouver du cash » lâche, lucide, un membre de la SRM. D’autant plus que cette option, discutée lors d’un conseil de surveillance fin octobre, n’a pas été validée pour des raisons juridiques. Le problème de la place de la SRM dans le capital du groupe et de son droit de regard sur sa gestion reste donc entier. Et pire, Lagardère rôde toujours.