L’album "L’or et le Sang" réussit le pari de mettre en lumière une époque oubliée de l’histoire de France servie d’un dessin et de dialogues intelligemment ficelés.
Deux hommes, un aristo en déconfiture et un Corse vigoureux, scellent un pacte au sortir de la Grande guerre. Celui de vivre. A l’aube des années folles, en quittant tout pour l’aventure, alors que se fissure le rêve colonial. Le tome 1 de L’or et le sang, publié aux éditions 12bis, nous plonge au cœur d’une des premières révoltes coloniales, au tournant des années 1920. A l’âge où la France, l’Angleterre et l’Espagne n’avaient plus toutes leurs dents pour finir de croquer le monde. Les marocains du Rif sonnent les premiers le tocsin de la révolte contre l’animal occidental. De quoi ouvrir à nos deux larrons le marché des armes pour équiper les insurgés.
Le scénario de Defrance Nury, aux dialogues réalistes et exaltés, porte le dessin aux traits fins et aux couleurs laquées de Merwan Chabane et Fabien Bedouel à une forme de roman de la bande dessinée. L’histoire se creuse lentement comme un puits avec une aiguille. On suit l’évolution d’une relation de frères d’armes à celle de frères de sang liés par un pacte de dévorer la vie ensemble. L’or et le sang signe un équilibre de la plume et du crayon, une fresque historique qui nous emmène de Corse à Paris, de Marseille au Djebel, de l’horreur de la guerre à l’insouciance des rades parisiens. A l’étrange poésie.
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