A droite toute ! Le Président rentre en campagne. Et du discours de Grenoble un flot d’oppositions se déverse dans la presse. Exceptées à Science-Po où quelques théories semblent trouver un écho à l’Élysée.
La presse relève une à une la phrase prononcée le 30 juillet à Grenoble par le président Sarkozy, « la nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un policier, d’un gendarme ou de toute personne dépositaire de l’autorité publique ». Par la voix de leurs éditorialistes, « la presse dénonce la “surenchère” de Sarkozy sur la sécurité », titre aujourd’hui le site du nouvelobs.fr, elle « dénonce la “surenchère” et la « diversion de Sarkozy » insiste le journal Le Monde.
La phrase restera dans les mémoires comme celle de trop. Symbole de cette bronca légitime, elle est en passe de devenir l’emblème d’une droite décomplexée qui fait fi des principes constitutionnels fondamentaux de la Vème république. Robert Badinter l’a rappelé ce matin au micro de France Inter en nous remettant en mémoire l’article Premier de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».
Mais où va-t-il chercher tout ça ? Peut-être sur les bancs de la prestigieuse Institut d’études politiques de Paris. Bruno Latour, professeur et actuel directeur scientifique de Sciences Po, s’était lui aussi « emporté » dans une diatribe aux forts relents d’outre-tombe intitulée : « un nouveau délit d’opinion : faire de la politique » (Le Monde du 4 octobre 1996). En plein débat sur l’interdiction des propos racistes et le choix de pouvoir se débarrasser des français indésirables cher au Front National, Bruno Latour avait éructé doucement : « pour combattre l’extrême droite, on nous concocte une loi qui interdit d’opiner ». Son dernier paragraphe ferait aujourd’hui rugir de déplaisir l’intelligentsia bien pensante de la rue de Solférino et les éditorialistes de tout poil. Bakchich vous la livre toute chaude comme une émeute à Grenoble : « C’est ceux (les français) qui refusent de naturaliser la race et ce sont les antiracistes, au contraire, qui la naturalisent, la substantialisent, en faisant une loi pour qu’on puisse plus en parler, pour qu’on ne puisse plus décider librement qui nous voulons être, et combien, et de quelle couleur de peau ». Un programme tout trouvé pour notre Kaiser Sarkoko.
A lire ou relire les articles sur Bakchich.info
Tendancieux ! Bête et méchant, voilà ce qu’est cet article.
Relisez la tribune de Latour, un peu plus complexe et intelligente que le résumé plein de mauvaise foi que vous en faites.
Latour s’indignait à l’époque, comme de nombreux chercheurs (français et étrangers) de la volonté du législateur de vouloir définir ce qu’on ne peut pas dire, avec comme effet collatéral de s’appliquer aussi au milieu universitaire et donc de réduire le champs des recherches qui se doivent d’être libres et de questionner même ce qui peut paraître comme une évidence ou une offense (d’où la mobilisation de certains intellectuels contre la loi Gayssot notamment, alors même qu’on ne pouvait accuser nombre d’entre eux d’être des négationnistes ou je ne sais quoi).
Latour nous explique que l’on doit pouvoir mettre un nom sur tout , tout dire. Suivant l’esprit de sa tribune, le président peut beugler ce que bon lui semble, ce n’est pas parce qu’il utilise tel ou tel mot que cela est choquant. Un homme peut pointer du doigt une communauté s’il le veut. A ses détracteurs de démontrer la connerie de son raisonnement. Et dans le cas de Sarko, cela ne devrait pas être très difficile dès lors que l’on "dé-passionarise" la question et qu’on laisse le droit et la raison parler.
De là à supposer que Latour approuverait la nouvelle trouvaille du Sarko-Show , il n’y a qu’un pas de mauvaise foi que Bakchich franchit allègrement. Je vois mal Bruno Latour (dont j’ai lu pas mal d’écrits et assisté à quelques conférences) justifier la stigmatisation dans le droit d’une communauté particulière, ni la remise en cause de l’égalité devant la loi française de tous les citoyens français, quelque soit leur origine.
Quant à votre tentative de saupoudrer tout cela d’un anti-élitisme primaire en parlant de SciencesPo-po, c’est tout simplement … de mauvaise foi, encore. 1. Latour n’a pas signé cette tribune en tant qu’enseignant ou responsable à scpo (qd bien même vous y verriez le mal incarné) 2. Un Sciences Po connaît ses bases en droit constitutionnel et ne prendrait qu’avec des énormes pincettes une idée pareille (Dois-je rappeler que Sarko n’a pas réussi à finir sa formation à l’IEP deParis à l’époque ? Ceci explique peut être son mépris pour le droit constitutionnel, nombre de ses mesures phares ayant été retoquées par le pourtant timoré Conseil Constitutionnel) 3. Il n’y a qu’à regarder les JT hexagonaux et lire la presse pour voir nombre de professeurs ou anciens de l’IEP de Paris expliquer pourquoi ils s’opposent à cette mesure (même si j’imagine qu’il doit y en avoir aussi pas mal pour la supporter… mais que voulez vous, la connerie est la chose du monde la mieux partagée, n’est-ce pas ?).