C’est le 12 juillet, dixit le Monde, que l’Inspection générale des finances rendra son enquête sur une éventuelle intervention d’Eric Woerth dans le dossier fiscal de Liliane Bettencourt. Et de son ami, François Marie Banier.
Papier Publié dans Bakchich Hebdo n° 30 du 26 juin 2010
L’ex-ministre du Budget, Éric Woerth, ne pouvait rien ignorer, malgré ses dénégations, des tambouilles entre le photographe et la milliardaire.
Durant l’hiver 2008, les Allemands fournissaient à Bercy une liste de cinq cents Français « touristes fiscaux » au Liechtenstein. Parmi eux, comme Bakchich devait le révéler le 15 mars 2008, figuraient David Douillet et François-Marie Banier. Le premier, qui déposa plainte contre notre site, fut condamné à nous verser 3 000 euros (ce qu’il n’a toujours pas fait). Le second se fit plus discret.
En effet, le ministère des Finances décida, début 2008, d’éplucher les comptes de deux cents de ces contribuables suspects, dont ceux de François-Marie Banier.
L’ensemble de son dossier fut donc transféré de la perception du VIe arrondissement, où réside le photographe, à la Direction nationale des vérifications des situations fiscales (DNVSF). Sous ce sigle, se cachent les plus fins limiers du fisc, connus pour passer au scalpel les fortunes des particuliers.
Un vérificateur, D.C., réceptionna le dossier de Banier. Lequel dossier n’a toujours pas réintégré, deux ans après, les armoires des contrôleurs du VIe arrondissement. Un enterrement fiscal est si vite arrivé.
Passionnante est la lecture, sous cet éclairage, de certains échanges entre Liliane Bettencourt et ses conseillers, publiés par nos excellents confrères de Mediapart.
Qu’y apprend-on ? Le 7 avril 2009, Patrice de Maistre, « l’expert » ès évasion, explique à la milliardaire : « Banier vous a fait mettre l’île d’Arros dans une fondation pour lui (…) Banier vous a pris 20 millions pour les mettre dans une nouvelle fondation », apparemment au Liechtenstein.
Plus tard, le 23 octobre 2009, le même Patrice de Maistre expliquait à la milliardaire : « Il serait bien que vous récupériez officiellement votre île d’Arros. Vous savez que cela appartient au Liechtenstein. »
Autant de tractations illégales, passibles du délit de blanchiment, d’après un arrêt de la Cour de cassation de février 2008, que le fisc connaît fatalement, après deux ans d’enquêtes sous l’autorité d’Éric Woerth.
Un peu gênant, alors que l’épouse du ministre a conseillé la milliardaire pour la gestion de son patrimoine. Tout récemment, Nicolas Sarkozy a convoqué son ministre. Le chef de l’État, paraît-il, est sorti fort inquiet de cet entretien. On le serait à moins !
Mise à jour le 25 juin à 16h30
Interrogée vendredi sur France Inter, la ministre de l’Economie Christine Lagarde a affirmé qu’elle serait "très étonnée" que Liliane Bettencourt ne fasse pas l’objet de contrôles fiscaux réguliers.
"Je serais très étonnée qu’un gros contribuable de ce type ne soit pas contrôlé de manière extrêmement régulière, comme c’est le cas pour tous les très gros patrimoines", a répondu la ministre. "Il y a en général des enquêtes tous les trois ou quatre ans, ce qui correspond à la prescription fiscale". "Je serais étonnée qu’il n’y en ait pas à cette régularité-là sur un contribuable comme cette personne".
Mise à jour le 26 juin à 10h00
Eric Woerth a déclaré vendredi soir avoir lui-même autorisé en 2009 un contrôle fiscal de François-Marie Banier. "Eric Woerth (…) souligne que c’est sous son autorité qu’a été lancé un contrôle fiscal sur Monsieur Banier", affirme un communiqué du ministère du Travail. Un porte-parole a précisé que ce "contrôle extrêmement approfondi sur Banier" avait été lancé "courant 2009" quand M. Woerth "était ministre du Budget" (jusqu’en mars 2010, ndlr).
Lire ou relire sur Bakchich.info :
Que va dire Sarkosy pour sauver le soldat Woerth lors de son discours le lundi sur France 2 ? La morale n’est pas une valeur L’amitié en est UNE Quand on aime celui qu’on a choisi. La politique n’est pas une valeur La Fraternité en est UNE Quand on aime celui qu’on n’a pas choisi. La vérité n’est pas une valeur La sincérité en est UNE Quand on est celui qu’on paraît. Quand je lis le moindre canard aujourd’hui Je ne vois qu’une morale qui dégouline Sur fond de règlement de comptes Nous nous dénonçons les uns les autres : Vice… Police… ou Malice ? Parce que nous confondons investigation journalistique et investigation juridique. Laissons le droit à l’endroit et prions les médias de percer plutôt le secret de l’envers… Et si nous voulons vraiment être sincères, sauvons le soldat Eric Woerth qui a peut-être moins saisi que d’autres ce que c’est qu’un conflit d’intérêt mais qui semble dire à ceux qui refusent de l’entendre ; que ce conflit n’a aucun intérêt pour sa personne en particulier. Et que la Presse serait plus inspirée si elle lavait ses machines, plutôt que de se prendre pour une machine à laver.
http://www.tueursnet.com/index.php ?video=Balle%20de%20canard
Au delà du dépistage des pommes pourries et autres bouc-émissaires - surtout femme et grabataire - ce que cet épisode fournit de symbolique à retenir, c’est que nous sommes en train de sacrifier notre civilisation à des gens incapables de gérer leur capital.
Non seulement incapables, mais dans l’impossibilité de le faire.
En l’occurence, à cause de l’immensité de leur fortune mais on peut le dire aussi de la finance et des transactions incontrôlables des milliards du PMU de la bourse. Ce n’est pas tant le capital ou sa nature qui importe.
Ce qui importe, c’est que c’est la définition même de l’irresponsabilité civile.