Alors qu’un rapport du Sénat américain révèle plusieurs noms de fraudeurs du fisc qui ont planqué leur bas de laine au Liechtenstein, la France impose toujours le secret sur les 64 dossiers qui font l’objet d’enquêtes des limiers de Bercy.
Pour la première fois, en mai 2008, les États-Unis ont arrêté un banquier, ancien employé de la banque suisse UBS, pour avoir « conspiré avec un citoyen américain dans l’objectif de frauder l’impôt sur le revenu ». Les banquiers et avocats chargés dans les paradis fiscaux de cacher les économies des riches fraudeurs du fisc, autant que l’argent provenant d’activités criminelles, ont du souci à se faire. Un pied en territoire américain, et le risque de se faire interpeller est grand. Cette première aura des conséquences importantes dans le petit monde de la banque de fortune dans les paradis fiscaux.
C’est un rapport du Sénat américain sur l’évasion fiscale, rendu public le 17 juillet par le Comité sur la sécurité intérieure et les affaires gouvernementales, qui révèle l’histoire. Le Sénat a enquêté sur l’affaire d’évasion fiscale au Liechtenstein, celle qui donne actuellement du grain à moudre à de nombreux pays depuis qu’un ancien salarié d’une banque de Vaduz a sorti des données sur les comptes des clients de l’établissement. Les investigations sénatoriales détaillent 7 cas de ressortissants américains qui ont placé leurs économies dans la fameuse banque, la LGT, propriété de la famille royale du Liechtenstein, et un cas lié à l’UBS.
Le rapport américain de 115 pages (le document et les auditions sont téléchargeables ici) fourmille de détails sur la famille Marsh, de Fort Lauderdale, en Floride, qui ont placé 49 millions de dollars au Liechtenstein en 20 ans, sur les Lowy qui ont placé 68 millions de dollars de biens dans une fondation grâce à la LGT, la banque de Vaduz. Et aussi sur William Wu, que la banque a aidé à planquer ses biens, et la famille Greenfield. Cette dernière a même rencontré le Prince Philippe du Liechtenstein, l’un des patrons de l’établissement, pour organiser un transfert de fonds de 30 millions de dollars…
Chapeau à la transparence yankee. En Espagne, les enquêteurs s’échinent à remonter les fils de la fraude et ont mis en œuvre l’opération « Jade Limusina », qui a déjà conduit à l’interpellation de 70 personnes et à des perquisitions à Marbella, Fuengirola, Torremolinos, Benalmadena…
En France, en revanche, la fameuse liste des fraudeurs présumés est aussi secrète que le code nucléaire ! Une chape de plomb que seul Bakchich a réussi à fendiller. Dans un papier, publié le 15 mars 2008 sur le site, sur David Douillet, Michel Houellebecq et François-Marie Banier, « Touristes fiscaux au Liechtenstein », nous avions écrit que ces trois noms figuraient sur les listings de comptes au Liechtenstein communiqués par les Allemands au ministère français de l’Économie et des Finances. Seul Douillet a attaqué Bakchich, et nous avons gagné devant le tribunal de Nanterre. Mais bon, Eric Woerth l’assure à La Tribune de mercredi : « la DNEF a identifié 64 groupes familiaux faisant partie de la clientèle » (…). « La Direction nationale des Vérifications de Situations fiscales a lancé 150 procédures de contrôle, dont 61 examens de situation fiscale personnelle, 46 contrôles portant sur le paiement de l’impôt de solidarité sur la fortune et 38 vérifications de comptabilité ». Précis, mais opaque.
Woerth en profite pour dévoiler « un plan » contre la fraude. Séduisante et vertueuse, sa proposition de créer une cellule fiscale judiciaire « placée sous l’autorité d’un juge » pour mieux « lutter contre la fraude fiscale » ressemble à un effet d’annonce. Des centaines de fonctionnaires, à la DNEF (Direction nationale des Enquêtes fiscales) par exemple, travaillent déjà à repérer les fraudeurs et constituer des dossiers susceptibles de tenir. Une autre division du ministère du Budget, la Direction nationale des Vérifications de Situations fiscales (DNVSF), s’applique ensuite à contrôler les éventuels fraudeurs. Ce qu’elle fait déjà dans l’affaire du Liechtenstein.
Les belles intentions du ministre – se pencher enfin sur « les questions liées au secret bancaire dans les paradis fiscaux » et « la crédibilité de la liste noire des paradis fiscaux » – arrivent bien tard. En 1996, un groupe de magistrats européens avaient lancé l’Appel de Genève pour que les paradis fiscaux soient éradiqués et que l’Europe soit aussi un espace judiciaire. On a vu les résultats : pas brillants. « En dehors de quelques améliorations minimes dans la transmission des commissions rogatoires internationales qui tiennent surtout aux rapports personnels entre magistrats, aucun satisfecit n’est possible », expliquaient les mêmes têtes brûlées en 2006, pour les 10 ans de l’Appel.
Avant de réagir, les syndicats des Impôts attendent plus d’infos de la part du cabinet du ministre du Budget sur le projet de « cellule ». « Personnellement, la tutelle d’un juge m’inquiète quant aux marges de manoeuvre dont disposeront ces agents. En effet, nous travaillons aujourd’hui de notre propre initiative fiscale et les officiers de police judiciaire que nous rencontrons dans nos procédures nous envient cette liberté et cette autonomie. Il ne faudrait pas non plus de détournement de procédure, c’est-à-dire utiliser le fisc pour combattre autre chose que la fraude fiscale », analyse un agent de Bercy.
Si le juge se contente d’exercer un contrôle – un poids ? – supplémentaire, où est l’avancée ?
Lire et relire sur Bakchich :
Vu l’espèce de pilori que tend à devenir l’Internet, et les progrès quotidiens qu’y font les huées et les calomnies, il est heureux que le nom de suspects de fraude fiscale reste caché au public tant que les enquêtes ne sont pas finies. Lorsque les fraudes seront démontrées, et si Bercy décide d’aller au pénal, il sera bien temps de connaître le nom des fraudeurs avérés.
Mais au fond, que signifie cette soif de "connaître les noms" ? du moment que les coupables payent pour leur fraude, que nous importe ?
De nombreux ex-expatriés sont revenus vivre en france suite a la réforme du bouclier fiscal… Néanmoins, on se rend compte que meme parmi les contribuables payant l’ISF, ce sont toujours les plus riches qui s’en sortent le mieux fiscalement parlant et que la répartition est toujours aussi inégale…
http://www.impots-utiles.com/les-points-positifs-et-negatifs-du-bouclier-fiscal-video.php
Ce sont deux conceptions qui s opposent :
La francaise : beaucoup de controles et quand il y a fraude et qu on se fait piquer, on negocie…
L americaine : peu de controles mais quand on se fait prendre on va en taule…et on est ruine…
Il me semble meme qu aux US une personne ( amis, famille, employe, maitresse ou amant, banquier, avocats, notaires, voisins ) qui denonce une fraude touche une quote part des sommes recuperees sans aucune limitation de montant.
c est ce qui s est passe dans l affaire Executive Life, je crois…
Alors on fait son choix entre les deux systemes et ensuite on ne pleurniche pas…