Un juge suisse est sur le point de boucler le dossier Bettencourt. L’île d’Arros, détenue par une fondation du Liechtenstein, est bien sortie du patrimoine de la femme la plus riche de France. Mais pas comme c’était prévu…
En août, Philippe Courroye, procureur à Nanterre, adresse une demande d’entraide judiciaire en Suisse. Le magistrat ne s’intéresse qu’à un aspect précis du tentaculaire dossier Bettencourt-Woerth. À qui appartient aujourd’hui l’île d’Arros, achetée 18 millions de dollars en 1997 par les époux Bettencourt ? A-t-on tenté, d’une manière ou d’une autre, d’abuser de Liliane Bettencourt, aujourd’hui âgée de 87 ans, en modifiant les statuts de ce bout de terre perdu dans l’Océan Indien ?
À peine deux mois plus tard, le juge genevois Jean-Bernard Schmid s’apprête à clore le dossier. Il n’y a donc pas de recours ni d’ouverture d’une procédure suisse. Ce qui signifie que cet aspect de l’affaire - qui continue à noircir des centaines de pages dans les journaux - ne contient pas de révélations bouleversantes.
Rappel des faits : André Bettencourt (disparu en 2007) et son épouse Liliane achètent l’île d’Arros avec des fonds non déclarés au fisc français. En 2007, ce morceau de paradis de 1,9 kilomètre sur 1, sort du patrimoine de l’héritière de l’Oréal, pour devenir propriété d’une fondation « pour l’équilibre écologique, esthétique et humain » au Liechtenstein.
L’initiative a été prise par Fabrice Goguel, un avocat fiscaliste français. Il charge son homologue genevois Edmond Tavernier de veiller sur les statuts de la fondation. Liliane Bettencourt, qui a investi 50 à 60 millions d’euros dans l’île d’Arros, faisant construire une grande maison d’architecte, des bungalows pour les invités, une piste d’aviation, une piscine, peut jouir de tous les avantages jusqu’à la fin de ses jours.
« Mais elle n’en est plus du tout propriétaire et elle ne peut pas influencer la fondation », précise le juge d’instruction suisse. De plus, ce n’est pas la fondation, mais bien la femme la plus riche de France qui doit payer la vingtaine d’employés de maisons qui vivent en permanence sur ce bout de terre, à deux heures d’avion de Victoria, la capitale des Seychelles.
Mais Liliane Bettencourt savait-elle qu’elle perdrait la propriété de son île ? Et surtout, les avocats français et suisse ne pouvaient guère imaginer que la principauté du Liechtenstein se retrouverait un an plus tard dans la tourmente, violemment attaquée par le fisc allemand. Résultat, le Landtag (Parlement) liechtensteinois vote en août 2008 une nouvelle loi sur les fondations, expliquant qu’il s’agissait « d’arrêter les évolutions en partie douteuses que le droit des fondations avait connues dans la pratique ».
En d’autres termes, les fondations d’utilité publique ne peuvent plus faire n’importe quoi. « Mais que se passera-t-il si l’autorité de surveillance constate que la fondation de l’île d’Arros ne respecte pas ses engagements en matière d’écologie ? Il n’existe pas encore une jurisprudence en la matière au Liechtenstein », souligne un proche du dossier. On comprend mieux toutefois pourquoi le photographe François-Marie Banier ne veut plus de cette terre promise.