Le procureur Philippe Courroye se charge de l’élimination en douceur d’Eric Woerth, ministre du travail et ancien ministre du budget, mis en cause dans l’affaire Bettencourt. Sans dommages collatéraux.
Le cas Woerth est bien délicat à gérer pour l’Élysée. Il faut, d’ici le prochain remaniement, évacuer l’actuel ministre du Travail, trop plombé pour conduire la réforme des retraites. Mais sans que celui-ci dévoile les secrets de fabrication de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.
Comment se débarrasser du soldat Woerth, mais en douceur, façon étrangleur ottoman ? Le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, s’y emploie, non sans habileté. La petite dizaine d’enquêteurs de la brigade financière chargée de gérer l’enquête préliminaire sous ses ordres a reçu des consignes claires : « Nous devons nous centrer sur tout ce qui concerne Woerth, explique l’un d’entre eux, sans qu’il y ait des dégâts collatéraux. »
À cet égard, la délivrance de la légion d’honneur par Woerth au conseiller fiscal de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, représente l’angle d’attaque idéal. Comme par hasard, les fuites se sont multipliées dans la presse sur les mensonges de Woerth sur le sujet, et cela, constate un flic, « en temps réel ».
Or de quoi s’agit-il ? D’un ministre qui recommande, pour l’obtention de ce ruban prestigieux, l’employeur de sa femme. Rien de très moral dans ce mélange des genres, mais rien non plus, hélas, de très nouveau sous les ors de la République.
Les enquêteurs ont eu également les coudées franches pour éplucher les retraits en liquide de la famille Bettencourt, et vérifier les dires de la comptable à propos des enveloppes distribuées aux politiques. Les prélèvements de 50 000 euros étaient légion chez les Bettencourt. « Mais rien, précise un flic, qui nous permette de confirmer les dires de la comptable. » Et d’ajouter : « Là encore, c’est Woerth, trésorier de l’UMP, qui aurait été en première ligne. »
En revanche, rien ou si peu a été fait en direction des circuits d’évasion fiscale de l’affaire Bettencourt. Une commission rogatoire a été envoyée à Berne début septembre par Philippe Courroye. Elle vise les conditions du montage de la Fondation propriétaire de l’île d’Arros. Mais rien sur les comptes de Liliane Betttencourt en Suisse, ni sur le fameux listing venu du Liechtenstein à la fin 2007, où apparaissait le nom de François-Marie Banier.
Bakchich a pu consulter l’annexe, secrète, du fameux rapport de l’inspection des finances qui examinait la situation fiscale de Liliane, Banier et de Maistre et qui blanchissait Woerth. L’Inspection générale des finances (IGF) confirme les informations de Bakchich sur l’existence d’un contrôle fiscal sur Banier dès 2008, alors qu’Éric Woerth a toujours évoqué le déclenchement d’un tel contrôle à la mi-2009.
L’IGF ne dit rien en revanche sur les avoirs de Banier au Liechtenstein, qui ont provoqué ce contrôle, comme Bakchich l’a raconté, ni sur les conclusions de l’enquête. Ce qui est un peu court pour donner in fine un satisfecit à l’ancien ministre du Budget. Et les enquêteurs du procureur Courroye ne sont pas saisis, pour l’instant, d’approfondir les constatations de leurs collègues de Bercy. On peut le regretter.
Lire ou relire sur Bakchich.info :
Plus le temps passe et plus cette affaire devient la honte de notre république. J’en reviens presque à regretter le temps Chirac. Non pas qu’il était d’une singulière honnêteté. Mais au moins la vaseline était comprise dans le service.
En lien sur ce message ici : http://www.michael-ange.com/article-droles-d-actualites-14-numero-special-affaire-woerth-bettencourt-57732195.html, le traitement par le rire de cette scandaleuse affaire.