Leçons d’éthique et d’impertinence en images par… les patrons Philippe Val et Jean-Luc Hees.
« Nous sommes sous le choc de ces annonces aussi brutales qu’incompréhensibles (…) Nous, personnels de France Inter, partageons un attachement indéfectible à la liberté de ton, à l’impertinence, à l’exigence, à la différence et c’est ce que nous défendons tous les jours à l’antenne ».
La "lettre ouverte" des personnels de France Inter à leurs auditeurs traduit l’ambiance chaotique qui règne dans la "maison" de Jean-Luc Hees et Philippe Val après les évictions de Didier Porte, Stéphane Guillon et l’arrêt d’"Esprit critique" de Vincent Josse, "Et pourtant elle tourne" de Jean-Marc Four ainsi que plusieurs émissions nocturnes. D’autres empêcheurs de tourner en rond, comme François Morel, peuvent commencer à vérifier leur boîte aux lettres.
"Brutaux", ces licenciements l’ont été, si l’on en croit Guillon, qui dit avoir découvert que ses chroniques ne seraient pas reconduites à la rentrée en lisant Télé Loisirs et Porte qui a appris la fin de ses réjouissantes saillies sur France Inter en recevant une lettre recommandée le jour de sa dernière chronique au "Fou du roi", une dizaine d’années après ses débuts sur la station de radio.
Des méthodes d’autant plus "brutales" que le patron humaniste de Radio France Jean-Luc Hees racontait sur France Info, le 15 mai 2009, pourquoi il attendait avant d’annoncer l’arrivée de Philippe Val sur France Inter : « Au nom d’un principe qui a été ignoré en ce qui me concerne et dont je me souviens très bien : on ne pousse pas les gens dehors… On parle, on essaie de trouver des tas de solutions, et après on dit - quand on a vu tout le monde, quand on a parlé, quand on a trouvé des solutions, pour tous les gens (y en a beaucoup de talents ici) - donc après, on dit ben voilà… J’ai trouvé de nouvelles solutions »
Quand Philippe Val, alors directeur de Charlie Hebdo a édité le livre de Jean-Luc Hees sur l’investiture de Barack Obama ("Obama, what else", en janvier 2009), les deux amis ont été interviewé par l’HEJ de Lyon. Le futur directeur de France Inter nous expliquait pourquoi on ne peut pas s’auto-censurer quand on écrit des essais ou des chroniques. « Ça serait impossible d’écrire… Ah si, ou alors il faut être employé par Publicis pour rédiger des publicités ! », ironise-t-il. « Les conséquences que ça peut faire sur les gens, si ça peut être approuvé ou désapprouvé… ça, ça n’a pas d’importance. Quand on écrit ça n’a aucune importance », poursuit-il.
Et notre duo de se plaindre, toujours en ce début 2009, de l’état de la presse en France. J-L Hees : « C’est une petite bête fragile, surtout ces jours-ci… n’est-ce pas Philippe… » P V : « Ouais, c’est très fragile. Et une presse ressemble à son pays… Parce que les intellectuels français se réfèrent à l’histoire des Lumières. Donc les Français se sentent parmi les inventeurs de la démocratie moderne (…) Mais quant à l’application même, non ! » J-L Hees : « Tu veux dire que depuis Zola, ça s’est assombri… » P.V : « Même nos débuts, à la révolution française, ça a été très chaotique »
Petit réconfort pour nos amis de France Inter, grâce aux chansonniers Patrick Font et… Philippe Val : « Quand on m’a dit vous ne passez plus à la radio, j’ai dit au réalisateur : coco, on s’en branle, on s’en branle »
LA GRANDE LESSIVE
Lettre ouverte à Stéphane Guillon, Didier Porte, Nicolas de Morand, Stéphane Bern.
Excusez mon langage malgré mon age avancé, mais je suis sur le cul. Le licenciement de stéphane et Didier, sans autre forme de procès ni débat me laisse pantois.
Les argusis bredouillés hier par JL Hess au « fou du roi » sur l’antenne d’Inter pourraient faire penser au discours pompidolien envers les devoirs des journalistes de l’Etat aux meilleures heures de l’ORTF. Je n’ai pas toujours été d’accord et parfois même un peu choqué du contenu et de la forme de certaines chroniques de l’un ou de l’autre. Pour autant ce qui m’a toujours plus à Inter, c’est l’indépendance, la liberté de ton et l’impertinence, comparables à celles de la BBC, pour une radio nationale. La diversité des chroniques et origines politiques des intervenants de la tranche 6.30/9.00 h ont fait la richesse des matinales d’Inter et ces billets d’humeur et d’humour étaient les bienvenus dans une actualité rarement souriante. Personnellement, les 3 « humeuristes », Stéphane, Didier et François Morel (il est pas viré, lui ?) me donnaient un bon coup de peps pour aller bosser plus, plus longtemps et pour gagner de moins en moins. Les pisses vinaigres de tout poil ou les hommes politiques offusqués qui se drapent dans l’indignation dès lors qu’on les critique ou qu’on les brocarde alors qu’ils se font prendre en flagrant délit d’abus de pouvoir ou même d’escroquerie, n’avaient qu’à tourner le bouton ou changer de station. Je suis particulièrement déçu par la décision, les prises de position et l’attitude de Jean Luc Hess que je considérais naguère comme un des grands de la radio. Je le suis tout autant et même d’avantage encore pour ce qui concerne Philippe Val. J’ai été un fan inconditionnel du duo « Font et Val » des années 80. J’ai vécu un réel sentiment de trahison lorsque Patrick Font a été condamné pour des faits avérés sur des enfants mineurs. Au cours de leurs sketchs et chansons ils critiquaient le pouvoir et ses abus sous toutes ses formes, ils ont fini par faire la même chose que ceux dont ils dénoncaient les pratiques. J’ai perdu toute confiance en Philippe Val lorsqu’il a viré Siné de Charlie Hebdo (même si sur le fond ce dernier était critiquable). Enfin, il m’est devenu complètement suspect lorsqu’il est devenu directeur à France Inter. Comment un esprit aussi brillant a-t-il pu changer aussi radicalement de bord. Aujourd’hui ça sent le roussi, on vire les humoristes, demain on virera les journalistes qui n’ont pas leur carte de l’UMP, on se rapproche dangereusement du pouvoir en place, on se met au garde à vous le petit doigt sur la couture du pantalon. Décidément ce régime aura petit à petit la peau de tout ce qui ressemblait à un contre pouvoir, qui permettait à certains de supporter leur malheur et d’espérer des jours meilleurs. Après « la matinale » si le « fou du roi » disparaît, pour moi c’est la fin d’Inter. Il y a quelques années j’ai supprimé définitivement le bouton TF1 de mon téléviseur, j’espère ne pas avoir à en faire de même pour France Inter. En attendant j’écouterai dorénavant une autre station le matin (pas Fogiel sur Europe1 ni Bourdin sur RMC, faut quand même pas pousser). Je suppose que d’ici peu les podcast et vidéos de nos deux compères vont disparaître définitivement du portail d’Inter, la boucle sera bouclée et la censure sera complète. Avant, France Inter s’appellait Paris Inter et encore plus loin Radio Paris, ça ne vous rappelle pas quelque chose.
Je suis un enfant de la radio depuis mon plus jeune âge. J’ai toujours dit que si la télévision donne à voir, la radio donne à penser et à réfléchir. « Le poids des mots sans le choc des photos »
France Inter est en train de perdre son âme, le licenciement de nos deux compères est dix fois plus scandaleux que le fond et la forme de leurs chroniques.
Bon vent à tous les deux, continuez vos critiques et vos chroniques, contrairement aux dirigeants de la station, conservez votre lucidité, votre liberté d’esprit et votre indépendance.
Nous on continuera à vous suivre, à vous soutenir et à assister à vos spectacles.
Thierry Souffre