En "remerciant" sèchement les deux humoristes vedettes Porte et Guillon, les patrons d’Inter suscitent le malaise.
Entre Didier Porte, Stéphane Guillon et France Inter, c’était l’amour en CDD. Comme des amants, chaque année ils faisaient le point et repartaient pour mieux s’aimer. Mais la station préférée des Français se fit volage. Leur dernière année d’union fut orageuse. On se quitte, on se quitte pas ? Ils s’accrochaient, mais elle avait déjà la tête ailleurs. Et l’union sombra dans un naufrage qui attrista tous ceux qui se projetaient dans ces trublions incarnant la liberté d’expression. « Ça se terminera aux prud’hommes. Je ne vais pas leur faire de cadeau. », nous confie Porte.
Dépossédés, mille et mille auditeurs inondent littéralement Radio France de protestations écœurées (voir en fin d’article). La révolte gronde derrière les transistors. Porte et Guillon étaient leur pain quotidien, voilà que l’aristocratie leur propose de la brioche.
Le prince voulut en faire sa marque de fabrique. En Bonaparte éclairé, il offrit aux courtisans du camp d’en face de se blottir dans ses dentelles. Les ors furent distribués à qui se baissait pour baiser sa bague généreuse. Magnanime, il décida même de nourrir ceux qui le traînaient hier dans la boue. Ainsi le polémiste Philippe Val reçut en étrennes de sa loyauté nouvelle un trésor national : France Inter.
En valet mal aimé, il se raidit vite et là où le public eut aimé de la finesse, Val instilla la brutalité. Car l’homme n’est pas aimable. Chaque matin, son miroir lui disait que Porte et Guillon étaient plus drôles que lui, meilleurs dans la satire, lui le héros éternel des caricatures de Mahomet qui défia l’islamisme mondial. Lui, le grand Val, réincarnation de Voltaire, qui sait le bien du mal et l’assénait en pénibles dissertations dans les colonnes de Charlie Hebdo. Enfermé dans sa tour d’ivoire, détesté dans les couloirs de France Inter où la rédaction vient de voter une motion de défiance à son encontre, son ego le rongeait. Celui qui déclarait il y a encore peu vivre « une histoire d’amour avec la démocratie » s’est révélé être un petit caporal souffrant qu’on ne l’adule autant que lui chérissait son unique galon.
« France Inter est une radio qui coûte cher à l’actionnaire, qui n’est pourtant pas très bien traité par la station » déclarait le Papa Schultz des ondes en janvier. La messe était dite. Sauf que l’actionnaire, c’est le peuple qui paie ses impôts, pas le prince qui en dispose. Mais en Sarkozie, même les principes les plus élémentaires de la démocratie se tarissent. On veut bien les croire, Jean Luc Hees et Philippe Val, quand ils assurent qu’ils ne subissent pas de pression politique. Pas besoin, les courtisans poudrent leurs perruques avant même le lever du Roi, et tant pis pour le ridicule, l’important est d’être à Versailles.
Fin janvier 2003, au Fou du Roi, s’adressant à Arielle Dombasle, Didier Porte digresse et évoque la jeune compagne polonaise de Paul-Loup Sulitzer, et lance que Sulitzer ne fait plus dans l’importation d’armes de guerre, mais d’autres articles des pays de l’est, que la décence nous interdit de citer ici.
Sulitzer, qui écoute l’émission depuis sa voiture, téléphone immédiatement à son avocat Me Kiejman, lequel appelle Jean-Marie Cavada, alors PDG de Radio-France, afin d’obtenir le limogage du trublion. D’après Porte, Cavada était prêt à le virer sur-le-champ de France-Inter, ce à quoi se serait opposé Jean-Luc Hees, alors numéro deux d’Inter, lequel "le méprisait cordialement, mais était suffisamment malin, pour comprendre qu’il aurait eu bonne mine de me virer pour avoir vanné Sulitzer". Sanction finalement prise par Hees : mise à pied d’un mois.
« L’humour ne doit pas être confisqué par de petits tyrans. Je prends cette décision non pas sur une quelconque pression politique mais en m’appuyant sur des valeurs minimales d’éducation et de service public. Je considère que cette tranche d’humour est un échec. Elle a montré une grande misère intellectuelle dont je ne m’accommode pas » Hees dixit.
Ils avaient mauvais goût donc, et l’exigence du service public est d’élever le niveau. Merci à eux, les auditeurs ne se sont que trop égarés dans les bas instincts qui les gouvernent. En effet, « Quel patron d’une grande entreprise accepterait de se faire insulter par un de ses salariés sans le sanctionner. J’ai un certain sens de l’honneur et je ne peux accepter que l’on me crache dessus en direct ». Hees n’est pas Domenech. La récré est terminée, deux ans avant l’élection présidentielle, la verticale du pouvoir s’impose à tous.
Anticipant la leçon, je ne peux que rendre hommage à maître Val en citant Voltaire « L’amour-propre est un ballon gonflé de vent dont il sort des tempêtes quand on y fait une piqûre. ». Sale temps en effet.
Les auditeurs ont écrit en masse à France-Inter mercredi. Par boîte de messagerie, il y aurait en moyenne quatre fois plus de messages que de coutume. Bakchich, qui a mis la main dessus, vous en livre un best-of :
« Quelle surprise d’apprendre le licenciement des chroniqueurs du matin. Je peux comprendre que le pouvoir en place soit un censeur, mais que JL Hees (dont la voix et les émissions me rendent nostalgique) se rende complice de cet exercice me dépasse ».
David.
« Bonjour,
Je suis un anti-communiste primaire à tendance libérale et il ne me viendrait pas à l’idée d’inciter à enculer Sarkozy en raison des risques de pandémie. De plus, il pourrait aimer ça.
Néanmoins, je suis éminemment choqué de la liquidation de Stéphane Guillon et Didier Porte. Les habitués de la station ne peuvent que remarquer au fil des années la lente décadence qui nous éloigne de l’équipe des flagrants délires, Rien à cirer, le VFJ, etc. Rien qu’aux publicités sécuritaires ciblant tout particulièrement les retraités frileux et fonctionnaires pusillanimes, on perçoit la lente décadence, sans oublier l’inénarrable Matmut dont le niveau intellectuel laisse penser que cette société devrait se rebaptiser “la kulbut, l’assurance pour les burnes”.
Quant au discours de ce jour prononcé par J.L.H ou il évoque l’”honneur”, il fut particulièrement affligeant, nous n’avons vriament pas les mêmes valeurs et je ne vois aucun honneur à s’indigner d’un propos de cour de récréation comme le peut le faire toute serpillière bien pensante.
A l’avenir, ne vous posez donc plus la question de savoir pourquoi l’internet grignote lentement les médias traditionnels, vous avez la réponse.
Reste à espérer que vous aurez le “courage” d’aller jusqu’au bout et de vous rebaptiser “France catho” pour la rentrée.
Je vous abandonne après quelques décennies d’écoute tant il est vrai que “passé les bornes, il n’y a plus de limites”.
P.S. : Je n’enculerai pas non plus France Inter, il y a trop de monde et je serai sous assistance respiratoire avant d’avoir fini. »
Michel.
« Bonjour, ceci est un message de protestation furieuse suite au départ de Guillon et Porte. Jean-Luc Hees insulte les auditeurs de Radio France, c’est intolérable. Nous allons devoir passer un appel massif au boycott de France Inter ».
« La fonction de directeur, a bien transformé Hess ! »
Une auditrice
« Honte à Messieurs Hees et Val. Vous avez commémoré l’Appel du 18 juin, mais Pierre Dac et Francis Blanche doivent se retourner dans leurs tombes en voyant le sort réservé aux humoristes de France Inter ».
Un auditeur consterné.
« C’était juste pour dire à Stéphane Guillon qu’il va nous manquer aussi ! Quand je partais au boulot le matin, je faisais taire la maisonnée un instatn dans la journée, à 7h55, afin de pouvoir rigoler avant d’affronter le monde, les cons, les patrons, les injustices, les machos, les racistes, les intégristes, les mous, les politiquement corrects… Je suis un peu perdue et orpheline de mes doses d’humour quotidiennes aujourd’hui ! Salut l’humoriste et bonnes vacances (je ne lui souhaite pas une bonne retraite, c’est pas d’actu !) »
Emeline.
Message envoyé le 23 juin à la direction d’Inter.
« M. Hees, M. Val,
Vous n’êtes pas propriétaires de l’antenne de Radio-France. Les propriétaires, les actionnaires de l’antenne, ce sont les auditeurs, ce sont chaque Français. Ca n’est donc pas plus à celui à qui vous devez votre nomination. Votre gêne personnelle, votre problème relationnel envers Stéphane Guillon n’avait pas à intervenir. Quoique gestionnaire de l’entreprise publique, vous n’avez pas plus de droit que tout autre personnage public à échapper à la dérision. (…) Vous confirmez les craintes que votre nomination laissait entendre. Vous êtes aux ordres et de bien tristes sires sans humour. Tout comme celui auprès duquel vous avez à répondre. Vous êtes vous-mêmes les petits tyrans que vous voyez en vos semblables. Et vous avez perdu tout honneur ».
Un co-actionnaire.
« Le licenciement des humoristes Didier Porte et Stéphane Guillon de France Inter coupe le souffle. Qui peut croire que l’humour soit soluble dans la peur du licenciement ? Cela dépasse tout ce que l’on pouvait craindre en matière de normalisation intellectuelle. La conception selon laquelle l’humour n’aurait pas sa place sur le service public d’information radio relève d’un autre âge. Sa mise en oeuvre à France Inter traduirait une régression majeure de la liberté de conscience et de pluralisme sur cette antenne. L’éviction des humoristes de l’antenne de France Inter nous prive d’un veille et d’une alerte humoristique indispensables à l’hygiène mentale du citoyen ! »
Jean-Luc Mélenchon, président du Parti de Gauche
« La censure frappe fort sur France Inter. Deux d’un coup (Guillon et Porte). Que le temps passe vite ! Hier, j’écoutais les chroniques assassines de Philippe Val sur l’émission de Jean-Luc Hees, “Synergie”. Avant hier, j’écoutais les sketchs des impertinents Font et Val. Aujourd’hui, Guillon et Porte sont considérés comme grossiers, vulgaires et déplacés par ces insolents d’hier ».
Eric
« Val a coulé Siné, il va couler France Inter ! Quelle décadence, où sont les grandes tirades du temps des caricatures de Mahommet ? Je suis écoeuré et je vais faire partie des nombreux auditeurs à quitter l’écoute de cette station ».
Bernard.
Message envoyé à la direction d’Inter.
« Monsieur Jean-Luc Hees,
Il fut un temps, me semble-t-il, où vous fûtes vous même un “cancre” de l’humour français. Quelle progression mentale et philosophique dites-moi ! Au-delà de cette consternation par rapport à votre évolution personnelle, il est une chose que j’aimerai vous rappeler. France Inter est une radio du service public. Que cela veut-il dire ? Il me semble que cela signifie que les auditeurs, citoyens, contribuables, sont les patrons, et non un représentant politique qui désigne un directeur. (…) France Inter, tout comme France Télévision, sont les derniers remparts à la liberté d’expression en Sarkozie. Ne détruisez pas ce que des décennies de concepteurs de radio ont fait de France Inter, une radio libre, intéressante, novatrice et populaire. Je n’attends qu’une seule chose de son directeur, autrement dit vous : la réintégration des humoristes et éditorialistes évincés, et votre démission. Espérant pouvoir encore écouter France Inter après votre passage en tant que directeur avec autant de plaisir que depuis ces quinze dernières années, je ne vous salue pas ».
Boris-Emmanuel
Message envoyé à la direction d’Inter.
« Messieurs,
C’est fini, ne comptez plus sur mes oreilles. Après 23 ans d’écoute quotidienne, votre double décision tendant au licenciement de deux humoristes (MM. Porte et Guillon), d’une part, et surtout la suppression de la chronique humoristique matinale, d’autre part, me scandalise et me révolte.
En conséquence, j’ai décidé de cesser à compter d’aujourd’hui, de prêter la moindre attention au flux d’actualités de plus en plus déprimantes et conformantes et de réclames de plus en plus stupides et aliénantes que vous déversez avec constance dans les oreilles de vos auditeurs dans la tranche 6 - 10.
A la place, j’irai chercher l’information sur les web-radio indépendantes.
En tant qu’administrateurs d’une entreprise du service public, vous ne pouvez faire l’économie de la prise en compte, au moins en tendance, des opinions de vos usagers. Si, comme je le pense, mon témoignage est loin d’être isolé et si, comme je le crois, vous décidez malgré tout de ne pas en tenir compte, alors je ne peux qu’en conclure que c’est parce que vous ne souhaitez qu’une chose : la disparition de cette radio de service public par le biais de la désaffection de ses auditeurs.
Inutile de me répondre, agissez, ça vaudra mieux ! »
Frédéric
« Mr JL Hees, correspondant de Mr N Sarkozy à France Inter,
J’ai 57 ans et suis professeur agrégé en physique chimie. Je n’ai toujours écouté, pour m’informer, qu’une seule radio : France Inter. La publicité particulièrement réduite et surtout l’excellence des journalistes qui font un travail absolument remarquable m’a toujours séduit. Je me souviens de ce slogan : “France-Inter, écoutez la différence”. Vous venez d’évincer Mr S Guillon et Mr D Porte. On ne peut pas dissocier le métier de journaliste et ce qui le fonde : la liberté d’expression ; sauf s’il on est dans le cadre d’un régime politique particulier : dictature, “république” bananière… La décision que vous venez de prendre fait honte à toute la corporation des journalistes. Les regarderez-vous en face désormais ? Quel regards auront-ils sur vous ? Voyez-vous, monsieur, ce n’est absolument pas dans mon tempérament de sortir de mes gonds, ni même d’écrire ce genre de lettre. Mais votre initiative est trop scandaleuse. Quelle tristesse de constater la main mise d’un Etat sur ce qui devrait être le propre d’une radio : son indépendance. Je veux croire en une juste et saine réaction de toute l’équipe de “ma” radio ». Pierre.
« Serait-il possible de lancer une pétition pour la défense des humoristes mis à mal ? Où est la liberté d’expression ? Merci. » Catherine.
« J’espère que l’ensemble des employés de France Inter va réagir au licenciement de Guillon et Porte »
En juin 2004, le Nouvel Obs pétitionnait en faveur de Jean-Luc Hees "contre la prise de Radio France" après son éviction d’Inter (Guy Bedos figure même parmi les signataires). Le texte mérite lecture. Les temps changent, Hees aussi…
Pourtant Sarkozy a donné la recette durant la remise de breloque à Dany Boon…il faut vous convertir au judaïsme les gars !
j’comprends finalement qu’il y ait des nostalgiques des années 30… !
Porte et Guillon sont les têtes d’affiche des licenciements. Bien d’autres producteurs sont virés, exit leurs émissions : Parking de nuit, Dormir debout, Allo la planete, Et pourtant elle tourne, Esprit critique, … "pas dans la ligne éditoriale de FI" dixit Val. Non mais, quelle prétention !!!
VAL le Petit sait-il que les auditeurs de FI sont très attachés à LEUR radio, qu’ils utilisent leur temps de cerveau disponible pour écouter LEUR radio ?
http://www.petitionduweb.com/Parking_de_Nuit_tire_le_rideau_de_fer_pour_toujours_-7271.html
http://www.pouruneradiopubliqueindependante.net/