Charlie Hebdo du 8 avril, en page 4, contient une information capitale : Philippe Val est « de gauche ». On en était certain, mais ça va mieux quand il l’écrit. Comme si il y aurait pu avoir ambigüité, de la friture sur la ligne, un peu de brouillard dans le tunnel ou du mou dans la corde à nœuds, des éléments fortuits qui auraient masqué cette évidence à quelques malvoyants.
La question qui se pose est la suivante : Val est donc « de gauche » mais la gauche est-elle de Val ? Puisque, comme le disait en roulant les « r » le retors Edgar Faure : « ce ne sont pas les girouettes qui tournent, c’est le vent ». Notre difficulté, à nous, est d’inventer le pied à coulisse ou le trusquin qui vont nous permettre maintenant de mesurer ce qu’il y a de gauche (hors son pied et sa main), chez ce Val bien aimé…
Si mon Philippe a été contraint de faire cette profession de foi, qui vient bien inutilement bétonner notre certitude, c’est sous la force de la rumeur qui le présente comme « le futur directeur de France Inter ». On se demande d’ailleurs pourquoi Val a besoin de nous rassurer sur son idéologie de chevet ? Eh bien c’est parce que son ami Jean-Luc Hees, immense homme de gauche, a été choisi par Nicolas Sarkozy, notre Proudhon 2009, pour diriger Radio France. Comme Hees est un ami de 20 ans de Val, des crétins en ont déduit hâtivement qu’Hees allait confier Inter à Val. Intervalle ?
Si cet accident industriel se produit, Val tient à nous faire savoir que, même à la tête d’un France Inter versus Sarkozy, il restera un homme de gauche… Qui viendrait se plaindre, en ce moment où les bonnes nouvelles sont rares, qu’il y en a une aussi excellente.
En immense professionnel du music-hall, Val nous prévient que Jean-Luc Hees « n’a rien à prouver en matière d’indépendance vis-à-vis du pouvoir »… C’est vrai qu’un type qui, sans baïonnette dans le dos, se rend volontiers dans le bureau du président de la République pour y recevoir sa lettre de mission démontre, en grimpant les marches de l’Elysée, la vastitude de son sens de la liberté. Besson, Bockel et Kouchner l’ont déjà fait, accepter un job de Sarko c’est vivre comme Clovis allant au sacre, et montrer au monde, par cet adoubement symbolique, qu’on est totalement « indépendant du pouvoir politique ». Sarko c’est la crème du saint chrême, notre évêque Rémy des temps nouveaux. Un bémol toutefois, imaginez Chavez ou Poutine nommant aussi grossièrement le directeur de la radio… Qu’écrirait Val le libéral-libertaire sur la question ?
Puisque c’est maintenant possible, imaginons donc Louise Michel convoquée par Thiers pour diriger « La voix du Peuple ». C’est d’ailleurs connu, Nicolas Sarkozy aime les rebelles, Johnny, Mireille, Enrico, Copé, Balkany, Clavier, Bolloré, le prouvent : tous des fellaghas de la pensée libre. Avec Hees, puis peut être Val, dans son écurie, Nicolas n’aurait jamais que deux guérilleros de plus dans sa brigade.
Mitterrand, le décoré de Vichy, le chef de guerre en Algérie, ne s’est-il pas fait passer pour un « homme de gauche » ? Et qui, sauf Villiers, n’est pas « de gauche » aujourd’hui ? Puisque le temps est au métissage, Val ne fait qu’appliquer la règle, il nous invente le nègre blanc, le serviteur capable de rester « de gauche » en appliquant les volontés d’un président myope qui a besoin d’un test ADN pour voir plus clairement la peau du bougnoule.