"Hôtel Hollywood", petite merveille signée Ang Lee, pourtant snobée à Cannes, vaut son pesant d’acides.
De notre envoyé spécial au festival de Deauville
« C’est un Podalydès !
– Non !
– C’est un Podalydès, j’te dis.
– Non, Podalydès il est petit, moche et chauve.
– L’acteur, oui. Celui-là, c’est l’autre, c’est son frère.
– Le barbu un peu enrobé, là ?
–Oui, il est réalisateur, je crois. »
Voilà, c’est le genre de discussion que l’on est obligé de supporter à Deauville, avant les projos des films en compétition. Car il y a des films en compétition à Deauville, donc des jurés plus ou moins célèbres. Cette année, que des stars ! Sandrine Kiberlain, Géraldine Pailhas, Patrice Leconte, Aïssa Maïga ou le chanteur Raphaël, sans oublier Jean-Pierre Jeunet et Dany Boon, venus faire la promo de leur Micmacs à tire-larigot. Une promo étrange, car Jeunet ne peut s’empêcher à chaque interview de dégueuler sur la presse tellement méchante, qui n’apprécie pas ses films à leur juste valeur. Et les pauvres journalistes obligés d’opiner…
En compétition mardi matin, Cold Soul, premier film d’une certaine Sophie Barthes. Dans ce qui se voudrait une comédie existentielle, Paul Giamatti incarne… Paul Giamatti, célèbre acteur qui répète sur les planches Oncle Vania de Tchekhov. Déprimé, en plein doute, il entend parler d’une clinique très privée où l’on soulage les patients de leur âme. Il décide de se faire extraire la sienne, pour le meilleur et surtout pour le pire. Et c’est parti pour 100 minutes de comédie pas drôle, de copie de Dans la peau de John Malkovich, de longs monologues de Giamatti qui déclame sa névrose et traîne son ennui. C’est long, insupportable, prétentieux et comme la réalisatrice n’a plus rien à filmer au bout d’une heure, elle met Giamatti dans un avion, à la recherche de son âme en Russie. Résistant contre le sommeil, je me demandais comment un film qui parle d’âmes pouvait en manquer autant ?
Like Dandelion Dust est un gros mélo. L’histoire d’une famille de riches Américains, avec leur beau bateau, leur belle voiture, leur sublime maison, leur beau chien et leur très beau fiston. Seule ombre au tableau de ce clip pour le bonheur made in USA, Joey, leur fils de six ans, est adopté. Et le père biologique qui vient de sortir de prison va vouloir récupérer la chair de sa chair. Pour le reste, tout ce que vous pouvez imaginer va se réaliser : le môme qui débarque chez ses parents white trash, comme dans La vie est un long fleuve tranquille, le papa adoptif qui va essayer d’acheter son enfant au vrai père, les larmes, l’alcool qui s’en mêle, la fuite des parents avec le môme à Haïti pour échapper à la justice. C’est du niveau d’Harlequin, à peine sauvé par la toujours impeccable Mira Sorvino et Barry Pepper, qui ressemble de plus en plus à Jack Palance.
Pour finir, un petit mot sur Taking Woodstock, retitré Hôtel Woodstock (sortie le 23 septembre). Copieusement snobé à Cannes, le nouvel Ang Lee est néanmoins un petit bijou d’humour et d’émotion, l’incroyable histoire du plus grand festival rock, vue à travers le petit bout de la lorgnette, à savoir le regard d’un candide frustré et un poil inconscient. Elliott, puisque c’est de lui qu’il s’agit, aide comme il le peut ses parents, proprios d’un motel délabré des Catskills, cambrousse paumée à 150 kilomètres de New York. Alors qu’il pense organiser le concert d’un quatuor à cordes pour l’été, il va se retrouver avec un bon gros bébé sur les bras : le festival de Woodstock et ses 500 000 hippies pour trois jours de paix et de musique.
C’est fin, très drôle et supérieurement mis en scène, je pense notamment à une série de travellings latéraux absolument sublimes, comme celui où le flic emmène notre héros en moto vers la scène, où il n’arrivera jamais. La plus belle idée du réalisateur de Tigre et dragon et Brokeback Mountain ? Laisser le concert et la marée humaine hors-champ, sauf une fois, à travers un plan-hallucination car son héros a gobé un bel acide. Du concert, on ne verra rien, mais on ressentira toutes les vibrations. Far out, comme diraient nos amis hippies.
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