Le photographe Reza accuse le critique littéraire du Figaro Sébastien Lapaque d’agression, celui-ci donne sa version et des témoins répondent.
Invité au festival des Etonnants Voyageurs à Saint-Malo le week-end des 22 et 24 mai, le photographe Reza témoigne de l’agression dont il a été victime dans le TGV du retour après avoir filmé Sébastien Lapaque, écrivain et critique au Figaro Littéraire.
1. Reza filme Sébastien Lapaque :
2. Sébastien Lapaque n’apprécie pas d’avoir été filmé par Reza. La suite racontée par ce dernier et certifiée par plusieurs témoins invités du festival :
Je souhaite porter à la connaissance du plus grand nombre de mes concitoyens, les termes de l’altercation de caractère outrageusement raciste et discriminatoire dont j’ai été victime au retour du Festival international des « Étonnants voyageurs » dans le train affrété à l’unique usage des participants de ce festival : Intellectuels – Journalistes – Écrivains – Éditeurs - Cinéastes après un week-end dont tous les débats furent consacrés aux Droits de l’homme, à la tolérance, à la diversité et à l’autre…
Vous trouverez ci-dessous dans leur intégralité les propos édifiants tenus en hurlant à mon encontre et devant des témoins tétanisés, par une personne dont j’appris plus tard qu’il s’agissait de Sébastien Lapaque, écrivain et critique au Figaro Littéraire, que je n’avais jamais rencontré. Avec une gestuelle extrêmement agressive et volontairement intimidante, il faisait mine de vouloir me casser en deux, comme on le ferait d’un objet à l’aide de ses mains sur son genou :
"Je ne sais pas ce qui me retient de te casser la gueule, j’ai envie de t’exploser la gueule. La dernière fois qu’on m’a filmé, qu’on m’a fait ça, c’était à la fête de l’Humanité. On lui a pris ses appareils, on les a cassés, et lui aussi on l’a cassé en deux. On a sorti ses films et sa femme ne l’a plus jamais revu."
"Tu vois, ma carte d’identité, je la déchire, je la mets en miettes. Tu n’es pas de ma France, tu n’y appartiens pas. La France où tu es, ce n’est pas ma France à moi. C’est une France qui n’est pas pure. Oui, une France qui manque de pureté. Tu me fais honte, tu m’as humilié. Tu n’es pas de ma France à moi car tu ne connais pas Gaston l’Eléphant et Jojo le Lapin."
"Je ne me reconnais pas dans cette France, ce n’est pas la France que j’ai connue avant. Tu me fais honte, et j’ai honte pour la France."
"T’as de la chance que je t’explose pas la gueule."
Je laisse à chacun le soin de réfléchir en toute conscience, à la gravité de cette agression aux antipodes de toutes les valeurs qui me font aimer la France, qui est ma France, tant sur un plan personnel que sur un plan collectif.
Reza
President & Founder
AINA
Dans un mél à Bakchich, Sébastien Lapaque parle de "très mauvaise limonade contre [lui] sur Internet" et répond :
Qui a peur de Jojo Lapin ?
J’ai pris connaissance des accusations extrêmement graves de Reza concernant les propos que j’aurais tenus dans le train de retour du Festival Etonnants Voyageurs, lundi 24 mai 2010.
Tout a commencé à cause d’un tract intitulé « De la littérature bourgeoise et de sa mort annoncée » que j’étais en train de lire à voix haute en imitant André Malraux prononçant l’oraison funèbre de Jean Moulin au milieu d’une bande d’amis hilares. Apprenant que j’étais journaliste au Figaro et croyant tenir un ennemi du genre humain, Reza m’a filmé afin de détenir une preuve de ma vilenie.
Malheureusement pour lui, ce tract vieux de deux ans ridiculisant « le capitaine Le Bris [1] et sa bande de pirates » — chacun peut le consulter à l’adresse suivante : http://www.le-terrier.net/i2d/litterature_bourgeoise.pdf — n’est pas mon œuvre, mais celle d’un collectif d’extrême gauche baptisé « Institut de démobilisation » dont les textes sont consultables sur le site le.terrier.net.
Lorsque j’ai achevé ma lecture, que j’ai entendu un des amis de Reza accuser notre joyeuse troupe d’être « une bande de pétainistes » et que j’ai découvert que j’avais été filmé sans mon accord, je me suis retourné vers lui et je suis passé d’une imitation d’André Malraux à une imitation de Jean Gabin, et du Terrier à Jojo Lapin. Il me semblait que la colère affectée et le délire surjoué rendaient évidente la référence à Jean Gabin vociférant : « Salauds de pauvres ! » dans la Traversée de Paris. Reza se prend trop au sérieux pour avoir compris que la simple allusion à Jojo Lapin établissait le caractère burlesque de ce numéro d’improvisation comique.
D’ailleurs, c’est quoi la France de Jojo Lapin ? Une France qui vit sous terre, dans ses terriers, tremblante et peureuse, loin du soleil et de la lumière. Il suffit de lire mes textes (« Il faut qu’il parte », Stock, 2008 ; « Au hasard et souvent », Actes Sud, 2010), pour savoir que ce pays n’est pas ma France et qu’autant que Reza, ce sont les patrouillotes que je ridiculisais à travers ce sketch de trublion anarchiste.
Humilié par ma diatribe dont plusieurs personnes autour de moi peuvent attester du caractère satirique, Reza s’est employé à la transformer en philippique raciste. À cet effet, il a nourri ses souvenirs de mots qui n’appartiennent pas à mon vocabulaire et ajouté des phrases que ne n’ai pas pu prononcer. Ce qui est étrange, dans cette affaire, c’est que la preuve que détient Reza est un film où je lis un tract dénonçant les anciens gauchistes passés au service du Capital et « les intérêts du monde de l’entreprise et du racisme d’Etat » et qu’il m’impute des propos ignobles et infâmants qui auraient été tenus après que sa caméra a fini de tourner.
Sébastien Lapaque
Retour sur les déclarations de Sébastien Lapaque
Témoins de la scène au cours de laquelle le photographe Reza a été publiquement agressé par Sébastien Lapaque dans le bar du TGV, nous sommes scandalisés d’apprendre que Monsieur Lapaque conteste les propos qu’il a tenus, cherchant à en minimiser l’importance.
Nous rappelons par la présente le déroulé de cet événement qui se doit d’être pris comme un symbole :
Monsieur Lapaque était manifestement ivre et déclamait une sorte de pamphlet à l’encontre du festival. Lorsqu’il s’est rendu compte que Reza filmait la scène, il s’est violemment tourné vers lui, menaçant, tenant des propos d’une agressivité incroyable, et faisant preuve d’un racisme revendiqué, sous les rires des personnes qui l’entouraient.
« Je ne sais pas ce qui me retient de te casser la gueule, j’ai envie de t’exploser la gueule. »
Faisant mine de casser un objet de ses deux mains sur son genoux, il poursuit : « La dernière fois qu’on m’a filmé, qu’on m’a fait ça, c’était à la fête de l’Huma : on lui a pris ses appareils, on les a cassés, et lui aussi on l’a cassé en deux, on a sorti ses films et tu vois, sa femme, elle l’a plus jamais revu. »
Sébastien Lapaque poursuit en hurlant tout en faisant le geste de déchirer un papier :
« Tu vois, ma carte d’identité, je la déchire, je la mets en miettes. Tu n’es pas de ma France, tu n’y appartiens pas. La France où tu es, ce n’est pas ma France à moi. C’est une France qui n’est pas pure, oui, qui manque de pureté. Tu me fais honte, tu m’as humilié. Tu n’es pas de ma France à moi car tu ne connais pas Gaston l’Eléphant et Jojo le Lapin. Je ne me reconnais pas dans cette France, ce n’est pas la France que j’ai connue avant. Tu me fais honte, et j’ai honte pour la France. T’as de la chance que je t’explose pas la gueule, t’as beaucoup de chance ».
Manon Loizeau, Réalisatrice de documentaires, Prix Albert Londres 2005
Olivier Weber, écrivain, ambassadeur itinérant chargé de la lutte contre la traite des êtres humains, président du prix Joseph Kessel,
Marc Parent, Directeur littéraire du Domaine étranger des éditions Buchet-Chastel
Brigitte Huard, Journaliste à Elle Décoration
Rachel Deghati, écrivain
[1] (président du festival Etonnants Voyageurs)