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San Francisco : flower ou flouse power ?

Fest / samedi 5 septembre 2009 par Eleonore Colin
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Du 28 au 30 août à San Francisco, le budget du festival Outside Lands aura largement outrepassé le PIB de la Moldavie. Quarante ans après le Summer of love, que reste-t-il du berceau de la contre-culture ? Enquête.

« 69, année érotique », chantait Gainsbourg. Année psychédélique, aussi… Celle-là même qui vit naître la légende de Woodstock. Les 15, 16 et 17 août 1969, au fin fond de l’État de New York, 450.000 babas béats communièrent de concert face aux meilleurs artistes folk, rock, blues et pop du moment. Parmi eux, Jimi Hendrix, Sly & The Family Stone, Crosby, Stills & Nash, The Band, Jefferson Airplane, Joan Baez, Grateful Dead, Creedence Clearwater Revival, The Who ou Janis Joplin pour trois jours inoubliables de perfomances live… Woodstock n’avait dès lors plus qu’à s’imposer comme la grand-messe musicale du mouvement hippie. Quarante ans après les faits, l’illustre festival ne compte plus les hommages. Tandis que le cinéaste Ang Lee lui consacre son prochain long-métrage Hôtel Woodstock (en salles le 23 septembre), San Francisco s’apprête à ressusciter le mythe en musique à l’occasion du West Fest. Cet anniversaire-événement se tiendra le 25 octobre prochain au Golden Gate Park – le berceau de la contre-culture américaine. En attendant d’y retrouver les survivants de Woodstock (dont des membres de Country Joe, des Byrds ou du Jefferson Airplane), le poumon de Frisco palpitait le week-end dernier au rythme d’Outside Lands.

Grosse machine bien huilée

On pensait naïvement assister à un petit festival champêtre, à la coule, comme la Californie en a le secret… Loupé. Loin, très loin de l’esprit originel du Flower Power, le Golden Gate Park évoque, en cette fin août 2009, une grosse machine bien huilée à la gloire du consumérisme de masse. Du vendredi 28 au dimanche 30 août, à raison de 90 $ l’entrée journalière (62 euros), Oustide Lands a brassé pas moins de 300.000 personnes autour d’une dizaine de scènes consacrées à la pop-music au sens XXL du terme.

La Californie, c’est plus ce que c’était - JPG - 33.3 ko
La Californie, c’est plus ce que c’était
(DR)

Il faut bien avouer que l’affiche valait son pesant de cacahuètes : du grunge nostalgique de Pearl Jam au rock alternatif de Ween, de la pop pour tomber les filles de Dave Matthews Band au metal hargneux d’Incubus, sans oublier les tubes à danser de Tom Jones, l’électro séminale de Thievery Corporation, le dance-hall mutant de M.I.A et le rap qui tabasse de Black Eyed Peas. Le tout planté dans un décor démesuré, saturé de sponsors (Heineken, Intel, XP, Toyota, Youtube) et d’échoppes fallacieuses charriant des litres de bière tiède. « C’est fou comme les gens sont prêts à se ruiner pour voir leurs groupes favoris », déplore le chauffeur de taxi qui nous mène sur le site. « J’avais douze ans à l’époque de Woodstock. Je suis né à San Francisco, mes parents étaient hippies, on pratiquait le naturisme, on vivait en communauté, on partageait tout. La ville a pas mal changé depuis le temps ».

L’origine du mythe

C’était en 1967 et Scott McKenzie fredonnait : « If you’re going to San Francisco / Be sure to wear some flowers in your hair / If you’re going to San Francisco / You’re gonna meet some gentle people there ». Ces paroles ne tomberont pas dans l’oreille d’un sourd… Ecrites par John Philips du groupe californien culte The Mamas & The Papas, elles ont non seulement incarné la quintessence absolue du Flower Power, mais fait de San Francisco le sanctuaire incontesté du mouvement hippie. Première date-clé : le 14 janvier 1967. Ce jour-là, flanqués du pape du LSD Timothy Leary, écrivains (Allen Ginsberg, Gary Snyder, Michael McClure) et musiciens (Jefferson Aiplane, The Grateful Dead) orchestrèrent le Human Be-In au coeur du Golden Gate Park. Cet « happening » géant marquera la genèse du Summer of Love.

L’été suivant, 100.000 chevelus venus du monde entier ne tardèrent pas à converger dans la baie, les bras lestés de fleurs. Leurs Q.G ? Le quartier d’Haight-Ashbury et le Golden Gate Park. Tout était gratuit. Musique, nourriture, soins médicaux, produits de première nécessité, alcool, drogues, sexe… On gobait des acides comme des cachous et la pratique de l’amour libre connaissait alors ses premières ardeurs. Quatre décennies plus tard, Haight-Ashbury s’est converti en une vulgaire copie du Mont-Saint-Michel version hippie. Les touristes achètent des narguilés par cars entiers, des badges feuilles de cannabis ou autres ponchos peace & love.

La bulle San Francisco

Pourtant, à y regarder de plus près, un curieux parfum de tolérance continue de planer sur San Francisco. Un parfum qui fleure notamment bon l’herbe à tous les coins de rue. La consommation de weed y est tolérée et l’on peut s’en rouler un petit pour la route dans n’importe quel lieu public.

Inutile de préciser qu’en cette fin août 2009, les festivaliers d’Outside Lands s’en sont donné à cœur joie. Affalé sur une couverture non loin de scène principale, G.T, 19 ans, a débarqué la veille de Denver (Colorado) en combi Wolkswagen avec six amis. « Dans mon État, la police traque les fumeurs. Ici, je suis au paradis », plaisante cet étudiant en arts plastiques en tendant son joint à une quinquagénaire blonde platine. Ils ne se connaissent pas, elle s’appelle Anna, vient de la banlieue huppée de Los Angeles. « J’aime San Francisco car le contact est beaucoup plus facile qu’à L.A. Chez moi, les gens sont coincés et superficiels. Ici, tout le monde se parle, tout le monde sourit, c’est très cool », lancera-t-elle, avant de s’évanouir dans un nuage de kids tatoués, barbus branchés ou autres bimbos hyper-lookées.

Partout ailleurs, des familles nombreuses – blanches, noires, latinos, sinon mixtes – ont sorti la glacière et improvisent des pique-niques géants sur l’herbe entre deux parties de crocket. Le public d’Oustide Lands est au fond à l’image de la population moyenne de San Francisco. Il forme un étonnant brassage ethnique, culturel et générationnel, comme hérité tout droit des années 60 et 70. « Je crois que San Francisco n’est jamais vraiment redescendue de l’époque hippie. Cette ville continue d’évoluer dans sa bulle, à contre-courant du modèle social américain. Il y a plus de chiens que d’enfants par habitant, les gens ont moins de tabous, ils ont choisi leur propre mode de vie et ne se jugent pas sur les apparences », commente un jeune Français de passage en Californie. On peut en effet faire preuve de la plus folle excentricité vestimentaire à San Francisco et passer pour autant totalement inaperçu. Ainsi, d’un bloc de rues à l’autre, les créatures les plus étranges, les plus provocantes, se croisent sans jamais éveiller la moindre réaction.

Idéal existentiel

Les membres de Vau de Vire en savent quelque chose. Fondée dans le Colorado par Mark et Shannon Gaines il y a quinze ans, puis exilée à San Francisco, cette troupe d’arts vivants a imposé ses performances uniques au carrefour hybride de la danse contemporaine, du cabaret, du cirque et du théâtre : concerts sur échasses joués par des clowns enragés, danseuses lascives vêtues de bas résilles et coiffées de perruques improbables, spectacles de mimes post-modernes…

Trois jours durant, les organisateurs d’Outside Lands leur ont confié la scène Barbary en plein Golden Gate Park. Leurs improvisations déjantées insuffleront un petit vent de folie à la programmation. Audiobird, aka Robert Ogden, les accompagne en tant que DJ depuis quelques mois. Selon lui, « Vau de Vire vit un idéal d’existence. Chacune de leurs performances évoque un rêve. Ils prennent soin les uns des autres et inspirent deux états d’esprit différents : une facette très théâtrale, façon cabaret européen des années 30, et une autre très sexuelle qui a tendance à désorienter les gens ».

Forts d’un fascinant mélange de tolérance, d’absurde et d’humour, ces gens-là auront définitivement sauvé le festival Outside Lands. Au point de nous faire oublier quelques secondes durant ses tarifs prohibitifs, pour nous téléporter, le temps d’un show lunaire, quarante ans plus tôt. Soit, en plein Summer of Love, quand tout était plus simple, plus vrai, plus love. Plus free, surtout.

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1 MESSAGES

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  • San Francisco : flower ou flouse power ?
    le samedi 5 septembre 2009 à 15:52
    Parler du Summer of love sans évoquer les Diggers, c’est un peu léger, non ?
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