Du hard rock à Deauville, cela paraît pour le moins improbable. Mais c’est pourtant le cas avec « Anvil, The Story of Anvil », un docu sur un groupe de chevelus de seconde zone, rien de moins qu’un des meilleurs films sur le rock.
« Anvil, The Story of Anvil », présenté au 34ème Festival de Deauville, débute avec des images d’archives de 1984, lors d’un grand festival hard au Japon. Sur scène, des poids lourds du métal comme Scorpions, Bon Jovi et… Anvil. Bardé de cuir tendance SM gay Lips, le chanteur-guitariste du groupe, joue de la guitare avec un gode et Anvil arrache des cris d’extase aux fans nippons. Du délire et du TRÈS gros son. Trente ans plus tard, tous les groupes présents lors de ce festival ont réussi. Tous sauf un : Anvil !
Lips et son pote, le batteur Robb Reiner, sont maintenant des quinquas sympas, de gentils losers qui tirent le diable par la queue. Ils ont femmes et enfants, un « putain de job » (Lips travaille dans une cantine, Robb dans la construction) et vivent dans la dèche, humiliés par des maisons de disque qui ne veulent surtout plus entendre parler de ces ringards hirsutes. Mais dès qu’ils le peuvent, nos gaillards canadiens empoignent leurs instruments, enregistrent d’excellentes chansons et tournent dans le monde entier. Les CD sont autoproduits et les tournées – au fin fond de la Transylvanie ou au Pakistan – sont simplement des successions de galères : trains ratés, salles minuscules, les organisateurs qui ne veulent pas payer…
Mais quoi qu’il arrive, Lips et Rob jouent. Devant 10 personnes dans un trou en Belgique ou devant 20 000 fans hystériques au Japon. Ces deux mecs, les plus purs que l’on puisse imaginer, aiment le rock, tout simplement. Ponctué de répliques imparables comme « La musique est éternelle. Comme les dettes », le film ressemble souvent à une comédie et évoque le très culte Spinal Tap (Robb s’extasie devant une de ses peintures, une merde au fond d’une cuvette de W.C., Lips court, comme un fan transi, pour faire allégeance à Ted Nugent…). Mais c’est aussi et surtout une sublime histoire d’amitié entre deux ados qui ne peuvent pas vieillir. Et si Anvil émeut autant, c’est parce qu’il ne parle que de cela : de nos rêves d’adolescent que nous avons tous bradés pour une maison, une voiture ou un écran plasma. Ces deux rockers vivent leur rêve, tous les jours, libres, pauvres mais heureux. A la sortie du cinéma du casino, Lips et Robb étaient là, hilares, vendant T.shirt et CD, serrant les mains des festivaliers, pourtant pas très rockn’ roll. Rendez-vous est pris pour le lendemain pour une petite interview avec nos nouveaux héros et le réalisateur, Sacha Gervasi, ancien scénariste pour Spielberg.
Je dois vous dire que j’ai vraiment adoré votre film. Je pense que c’est undes meilleurs films sur le rock.
Sacha Gervasi : « Cool, mec, répète-le encore, les membres du groupe ont besoin de l’entendre » (rires).
Robb Reiner : « Un grand merci ».
Sacha, comment avez-vous rencontré les membres d’Anvil ?
Sacha Gervasi : « En 1982, je suis allé les voir au Marquee, à Londres. J’avais 15 ans et j’étais totalement dingue du groupe. Le concert m’a tellement explosé que je me suis rué backstage. Ils ont dû me trouver marrant et le lendemain, je leur ai servi de guide dans la ville. Et l’année suivante, ils m’ont proposé de faire roadie durant l’été. Ce que j’ai fait pendant plusieurs étés de suite ».
Robb Reiner : « Puis on s’est perdu de vue pendant vingt ans ». Sacha Gervasi : « Et il y a trois ans, j’ai découvert sur le net que le groupe existait toujours ! Je les ai contactés et après avoir passé un peu de temps avec eux, il m’a semblé évident que je devais faire un film sur eux car leur histoire est extraordinaire ».
Comment avez-vous trouvé le financement ?
Sacha Gervasi : « Je l’ai financé tout seul. Je suis scénariste, j’avais un peu de pognon et je me suis dit "Putain, je veux vraiment le faire". Ce n’est pas grave si je perds de l’argent. Et comme c’est mon argent, je n’ai pas eu à écouter les conseils à la con d’un producteur exécutif ».
Combien de temps avez-vous tourné ?
Robb Reiner : « Sacha nous a suivi pendant deux ans et demi. Nous avons fini le film à Noël et nous l’avons montré à Sundance où nous avons eu des standing ovations à chaque séance ! »
Sacha Gervasi : « Nous ne savions pas du tout comment les spectateurs allaient réagir, mais depuis Sundance, c’est la même chose dans tous les festivals. »
Comment expliquez-vous la réaction du public ?
Robb Reiner : « Ce film, c’est une tranche de vie, la nôtre, tout est vrai. Lips : Nous avons découvert qui nous étions à 15 ans et nous y sommes restés fidèles. C’est notre identité. Jamais nous ne pourrons changer. Nous aimons le rock, nous aimons rocker. C’est notre vie. »
Sacha Gervasi : « Ce n’est pas du tout un film sur le heavy metal. C’est un film sur la persévérance, l’amitié et l’amour. C’est pour cela que tout le monde est touché au cœur. »
Quelle est votre actualité ? Robb Reiner : « En ce moment, nous répétons et nous allons entamer une belle tournée américaine en novembre. »
Sacha Gervasi : « Nous ne pouvons pas trop en parler, mais le groupe a été contacté par une des plus grosses compagnies de disques qui soit. Finalement, après 30 ans de galère, ils vont peut-être enfin être signés. Lips : Ce qui va nous permettre de ne plus faire nos putains de boulots. Nous, nous voulons juste jouer six nuits par semaine. Nous allons peut-être enfin devenir des musiciens » (rires).
Quand le film va t-il sortir ?
Sacha Gervasi : « Début 2009, le film sort au Japon, au Canada, en Angleterre et aux USA en mars. Pour la France, on attend encore. Aidez-nous sur haschich.com… »
« … non, c’est bakchich.com » (ils se marrent tous)
Sacha Gervasi : « OK. Le film doit sortir en France. Venez sur notre site Anvilmovie.com et s’il y a des distributeurs intéressés, qu’ils nous contactent ».
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