Retour sur le groupe maudit des Triffids dans un best of "Wide open road".
Le chanteur des Triffids, David Mc Comb, a écrit la plus belle chanson du monde : « The Lord burns every clue ». Elle apparaît sur l’unique album solo de l’artiste paru en 1994, cinq ans avant sa mort dans un accident de voiture, à quinze jours de son trente-septième anniversaire. Affaibli, Mc Comb avait reçu une transplantation cardiaque quelques mois auparavant. Le décor est planté. Toute la malédiction des Triffids est condensée dans le destin de son chanteur poète. Il y a quelques mois, Rock&Folk dressait une liste des groupes australiens majeurs de l’histoire du rock. Dans les seize noms retenus, aucune trace des Triffids. La malédiction continue. Ne pas citer les Triffids dans les seize artistes marquants du rock australien, c’est comme oublier les Beatles dans les références de la pop anglaise : une hérésie.
 The Triffids surgissent dans les années 80, dans la région de Melbourne. Leur folk rock lyrique inspire la grande évasion vers la mer ou les étendues désertiques. Mixture garage parée de violon et de piano mélancoliques, aux odeurs d’asphalte chaud, les chansons des Triffids parlent d’amour brûlant, de solitude, de nature sauvage en proie à des démons tout humains, comme chez Jean Giono. Les Triffids n’ont jamais vraiment percé. C’est un autre groupe australien qui récolta les faveurs du public dans les années 80 et 90 : INXS et sa new wave funky calibrée pour les charts internationaux. Et pourtant, les Triffids ont publié de grands disques, dont Treeless Plain, Calenture, et un chef-d’œuvre de romantisme incandescent : Born Sandy Devotional en 1986. A l’époque, le groupe ne laisse pas les critiques insensibles, le prestigieux hebdomadaire musical anglais NME ira même jusqu’à lui consacrer sa couverture en 1985.
Toute la discographie du groupe a été rééditée ces dernières années, augmentée d’inédits. Ce best of arrive aujourd’hui comme une ultime bénédiction pour découvrir The Triffids. L’auteur du livret relate un petit jeu significatif auquel il s’est livré avec un ami : celui-ci a établi une liste, son TOP des « Meilleures paroles d’ouverture de chanson ». Entre Dylan et Paul Simon, il a inclu la chanson des Triffids « Wide open road », dont on peut traduire l’intro ainsi : « Voilà, les roulements de tambours ont envahi ma tête / et les flingues ont explosé ma poitrine ». La sublimissime « The Seabirds », une autre chanson des Triffids, est citée. On comprend pourquoi : « Aucune paire de lunettes de soleil venue d’ailleurs ne t’abritera de la lumière qui perce tes paupières / Alors que le cri des mouettes, repues de poisson, plongeant dans la baie jusqu’à ce qu’elle rougeoie / Teintait le ciel d’une couleur froide et sombre / Tandis qu’elles tournoyaient au-dessus de nos têtes ».
Le dernier album studio du groupe est sorti en 1989. Son titre, au sombre présage : The Black Swan. Malgré son contenu très riche - de l’électro-pop aux ambiances cabaret rock -, la sauce ne prit définitivement pas auprès du grand public. David Mc Comb sombra dans la drogue et de graves problèmes de santé vinrent ternir le quotidien du chanteur jusqu’au terme de sa courte vie en 1999.
Le journaliste Philippe Auclair relate dans le « Dictionnaire du Rock » (Robert Laffont) l’anecdote suivante en guise d’épilogue tragi-comique : « Au début des années 90, les Triffids reçurent un trophée pour leur contribution à la renommée de l’Australie-Occidentale dans le monde de la musique lors des Grammys Australiens. La cérémonie se déroulait dans un casino, devant un parterre de professionnels en smoking, à l’exception d’une serveuse en uniforme, occupée à remplir leurs verres. C’est cette serveuse qui monta sur scène pour recevoir le trophée : une serveuse qui s’appelait Jill Birt, l’ancienne claviériste du groupe ».