En compilant des discours d’adieu de De Gaulle, Gorbatchev et Nixon que les éditions Points publient, Bakchich s’est amusé à écrire celui de Sarkozy. Comme disait l’autre, se levant de sa chaise : "Au revoir".
Inquiet pour l’avenir du Président, je me suis rendu à Londres afin d’y consulter une diseuse de bonne aventure, celle qui dessine si bien l’avenir dans le film de Woody Allen "Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu". J’avais en poche une photo récente du mari de Carla et quelques-uns de ses cheveux, aisément retrouvés sur la soutane du pape. Le verdict est terrible : notre aimé Nicolas Sarkozy file un coton vraiment moche. Même si sa retraite – prise à taux plein dans la chapelle de sainte Pétronille à Rome – semble avoir donné un peu de ressort au Président, « son avenir reste incertain », nous affirme l’oracle de Londres. Son avenir politique ne tiendrait qu’à un fil, le fil de soi si cher aux narcissiques.
Si notre bien-aimé Président va mal, c’est la faute à l’acharnement de quelques dégoupilleurs de mots, de ceux qui blessent en ne choisissant jamais le moindre. Ainsi, dès le début de l’été 2007, l’embuscade commence chez Frédéric Taddeï, sur France 3, alors qu’une assemblée de cruels s’interroge sur « comment se débarrasser » de ce Président pourtant tout neuf ? La réponse vient de la bouche suave du zigoto Jean-Didier Vincent, neurobiologiste de renom, qui donne sa solution : « Il faut le flinguer. » Ce minuscule Vincent n’a-t-il pas une tête de Petit Clamart ? Dans la foulée de ce terroriste s’engouffrent un prêtre lillois qui « prie pour que Sarkozy ait une crise cardiaque », la chanteuse Lio, qui souhaite au même de « crever », le démographe Emmanuel Todd, qui veut que « ce machin à la tête de l’État » soit destitué. Ajoutez à cet enfer des mots trop de rencontres avec des gens comme Copé, Hortefeux ou Bertrand et nous y sommes : Nicolas Sarkozy broie du noir. Après ses paillettes, l’acier de son moral montre sa paille.
Puisque personne ne peut nier la lucidité de notre Président, on m’affirme que, prévoyant le pire, celui que l’on croyait incapable de battre en retraite avant 67 ans a profité des derniers beaux jours d’un été tardif pour rédiger son message d’adieu à la France. Je vous le livre en primeur.
« L’honneur, le bon sens, l’intérêt de la patrie m’interdisaient de me prêter plus longtemps à une politique qui aurait finalement pour but de laisser l’État plus méprisé, le gouvernement plus impuissant, le pays plus divisé et le peuple plus pauvre. Je me suis donc démis de mes fonctions que l’on semblait ne m’avoir confiées que pour m’empêcher de les exercer. Mais cette retraite à laquelle je me livre ne doit pas être le signe de votre abandon. C’est au peuple de France que nous avons voulu rendre la parole.
Je sais le mécontentement engendré par la situation actuelle et ses difficultés, je sais les vives critiques formulées à l’encontre tant de l’ensemble des pouvoirs publics que de mon action personnelle. Mais je tiens à le souligner une nouvelle fois : des changements aussi radicaux dans un pays chargé en outre d’un héritage tel que le nôtre, ne peuvent s’effectuer sans douleur. Je quitte mes fonctions avec angoisse. Avec espoir, aussi, et foi en vous, en votre sagesse, en la force de votre esprit.
Dans toutes les décisions que j’ai prises au cours de ma vie politique, j’ai toujours essayé de faire ce qui était le mieux pour la nation. J’aurais préféré continuer jusqu’au bout. Je n’ai jamais été un lâcheur. Quitter mes fonctions avant la fin de mon mandat est détestable pour chaque instinct de mon corps. En agissant de la sorte, j’espère que j’aurai hâté le début de ce processus de guérison dont le pays a si désespérément besoin. Je regrette profondément toutes les blessures qui ont pu être infligées. Je tiens seulement à vous dire que, si j’ai pu commettre des erreurs de jugement – et j’en ai commis – elles ne trouvaient leur source que dans ce que je pensais être l’intérêt suprême de la nation.
Je vous promets ce soir que, tant que j’aurai un souffle de vie, je continuerai à travailler pour ces grandes causes auxquelles je me suis consacré tout au long de mes années. La cause de la paix, la prospérité, la justice et l’égalité des chances pour tous les citoyens de ce pays. Puisse la grâce de Dieu être avec vous pour tous les jours à venir. »
Voilà, en effet, des mots qui laissent bien des regrets.