Quelques putains d’bouquins réellement électrisants. On en a besoin !
Putain d’bouquin de Renaud Séchan et David Kuhn (Marque-Pages, 20, rue Amélie, F-92600 Asnières-sur-Seine) : Un livre-surprise artisanal autour de la vie de Renaud qui n’arrête jamais de surprendre pour de bon. C’est ainsi que dans une poche de la page 27, nous trouvons un vrai exemplaire du canard des années 68 « Le zonard déchaîné » ainsi qu’une affiche du chanteur ; qu’est collé sur la page 32 un bloc-notes truffé de slogans extravagants imaginés par Renaud pour une promo ; qu’on peut détacher de la page 38 une carte officielle de con et, à la page d’après un faire-part de la naissance de Lolita ; que les pages suivantes regorgent de cartes postales, de bédés, de souvenirs de tournage, de partitions, de dicos « énervants », de photos d’identité, de jeux, de billets de concerts. Et puis, alors qu’on est complètement épastrouillé par cette orgie de cadeaux, le livre nous offre tout à coup le splendide foulard rouge de prolo en pétard de Renaud.
Surtout, n’oubliez pas d’avoir peur ! de Christophe Alévêque (Panama) : Le fantaisiste mécréant le plus drôle et le plus rentre-dedans depuis Jean Yanne et Pierre Desproges nous propose très logiquement un livre tordboyautant. « A quel moment avouer à son patron qu’on a le sida ? Juste après qu’il vous ait enculé. » « Je ne suis pas antiaméricain, je suis pro-antiaméricain. Nuance ! ».
La Petite Vague qui avait le mal de mer et Le Petit Oiseau qui chantait faux (Naïve) : Ecrits et racontés par Renaud, et illustrés cocassement par Serge Bloch, deux livres-CD écolos-flibustiers pour les mômes tout à fait chouagas.
Œuvres complètes de Blaise Cendrars, tomes 13,14,15 (Denoël) : L’occasion rêvée de passer quelques mois palpitants avec le romancier de l’aventure Cendrars, surnommé par Dos Passos « l’Homère du Transsibérien », dont on a rassemblé dans ces trois volumes tournant joliment la tête quelques grands reportages empoignants (Panorama de la pègre), un roman à énigmes nous plongeant dans les coulisses du monde du théâtre (Emmène-moi au bout du monde !..) et les dérives radiophoniques de l’écrivain en 1950 où, selon Luc Estang, « le micro devait tanguer comme un navire démâté dans la tempête ».
Journal d’un jeune branleur d’Olivier Dombret (Maelström) : « Je pense à Bukowski. A Céline. Aux chiens célestes. A tous ceux qui n’en ont rien à branler de rien, qui bravent l’Ennui avec leurs couilles. Je pense à ceux qui refusent de participer au Grand Cirque. Avoir l’inutilité sociale pour ambition ». Fort bien frigoussé par un ex-tatoueur reconverti dans le pocker, le manifeste du néo-nihilisme trash à la belge.
San Francisco 1965-1970 les années psychédéliques de Barney Hoskyns (Castor Astral) : Un panorama surexcitant de la scène rock du San Francisco des sixties où l’on était aimanté par la découverte de l’amour libre, du trip d’acide, de la zizique de Jefferson Airplane et de Grateful Dead, ou par celle quelquefois de la subversion radicale. L’auteur, un critique rock légendaire aux States, rappelle à quel point le bonasse mouvement hippie était alors gloupitamment critiqué en actes par des fouteurs de merde hyper-inventifs comme les diggers qui guerroyaient pour que tout soit gratuit ou les yippies qui semaient la panique chez les pète-secs de la plus hilarante manière.
Romans de Raymond Queneau, préfacé par Henri Godard (La Pléiade) : Les romans-clés de l’inouï pataphysicien (Loin du Rueil, Zazie dans le métro, les Fleurs bleues, le Vol d’Icare…) succulemment encadrés par les quatre-vingt-dix-neuf mini-romans que sont ses fameux Exercices de style et par un essaim de textes inédits régalants tirés de ses manuscrits.
Pompoko de Isao Takahata, 4 tomes (Glénat) : A offrir coûte que coûte à vos marmots, qu’ils aient ou non visionné le formidable dessin animé iconoclaste produit par Miyazaki et réalisé par Takahata portant le même titre qui a inspiré cette bédé-fleuve sacrément corrosive puisqu’elle nous persuade que le petit peuple forestier tanuki mi-castor mi-nounours menacé par les plans des urbanistes capitalistes a bien raison de partir en guérilla contre notre civilisation de merde.
King Kong Théorie de Virginie Despentes (Grasset) : J’attendais rien de la môme Despentes. Lors d’un déjeuner avec elle à Lille, je l’avais trouvée vraiment fade. Et son œuvre, pareil. Baise-moi, roman + film, c’était pour moi de la nullissime nullité. Et puis, boum boum !, son dernier-né, King Kong Théorie, est une véritable petite merveille de bombe anti-normes totalement qualitative et jouissive comme a pu l’être il y a trente-cinq ans le Scum Manifesto de la pétroleuse Valérie Solanas. « Le féminisme est une révolution, pas un réaménagement des consignes marketing, pas une vague promotion de la fellation ou de l’échangisme, il n’est pas seulement question d’améliorer les salaires d’appoint. Il ne s’agit pas d’opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis des hommes, mais bien de tout foutre en l’air ».