Dans le cadre de la réforme de l’Etat, les services de la concurrence et des fraudes vont subir une profonde réorganisation.
Le mois dernier, un tiers des agents de la direction générale de la concurrence et des fraudes était dans la rue pour protester contre la réforme brutale des services de protection des consommateurs.
Derrière le sigle obscur de la DGCCRF [1] se cache une grande administration régalienne du ministère des Finances. Ses agents répartis sur tout le territoire disposaient depuis la création des services en 1986 d’un pouvoir d’inquisition considérable. Et les contrôleurs ont eu quelques gros coups à leur actif, dont l’affaire Besnier. En 2007, Mr Besnier, président de la société du même nom, devenue Lactalis entre-temps, était condamné - après 9 ans de procédure judiciaire - à six mois de prison avec sursis et 37 500 euros d’amende. La DGCCRF avait mis son nez dans les productions de lait de la société et leurs enquêtes avaient révélé des pratiques bien troubles. Le fournisseur de lait coupait sa production avec du « perméat », un résidu de la fabrication du fromage, et avec des « eaux blanches », issues du rinçage des appareils. Quelques centilitres par ci par là avec à la clé 11 millions d’euros de profit.
Cette affaire, parmi d’autres, illustre l’efficacité des agents qui veillent à la protection des chers consommateurs français. Pour combien de temps encore ?
À compter du 1er janvier 2010, dans le cadre de la Réforme générale des politiques publiques (RGPP), la DGCCRF va être démantelée. Ses agents départementaux, soit environ 2 700 fonctionnaires, seront intégrés dans les nouvelles Direction départementales de protection de la population (DDPP), des directions interministérielles sous l’autorité des préfets de région. Dans un souci de rationalisation, les DDPP regrouperont également des agents de l’inspection du travail et de la Direction des services vétérinaires.
Les contrôleurs de la CCRF ne seront plus sous la tutelle du ministère mais sous celle des DDPP et de leur directeur, nommé par le Premier ministre sur proposition du préfet [2].
Le leitmotiv de la contestation est la réduction à néant d’une coopération performante basée sur le maillage du territoire par les agents. Mais, concède un ancien agent de la CCRF, « le plus inquiétant est qu’il faudra franchir des barrières hiérarchiques, sans compter le préfet. ». À titre d’exemple, dans l’affaire Lactalis, le procureur saisi de l’affaire avait été scandalisé par l’attitude contrie du préfet vis-à-vis de Mr Besnier. D’aucuns craignent des ordres qui dépasseraient leurs compétences habituelles, voire même des blocages quant à la poursuite d’enquêtes. En prime, si des divergences d’intérêts devaient se présenter, des mesures disciplinaires pourraient être prises à leur encontre par un préfet peu scrupuleux.
À l’heure où 90% des lois qui régissent notre système économique sont prises au niveau européen, cette réforme est totalement incomprise chez les agents de la DGCCRF. Incomprise, sauf à y voir une volonté du gouvernement de pousser les services la concurrence et des fraudes à l’inefficacité ! Pour l’intersyndicale qui s’est organisée contre cette « réforme ultra-libérale », c’est indéniable. Une fois que le constat de l’inanité de la CCRF sera démontré, le gouvernement pourra mettre les défaillances de contrôle sur le dos des fonctionnaires. Pour les syndicats, la porte sera alors ouverte à l’abandon complet de l’administration de protection des consommateurs.
Cette réforme soulèvera d’autres problématiques. Par exemple, que vont devenir les laboratoires de la DGCCRF chargés d’analyser les données récoltées par les agents ? Que va devenir également l’administration centrale ? À ces interrogations, il n’y a pour l’instant pas de réponse, sauf à être mauvaise langue et envisager la privatisation.
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[1] La Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) veille à la protection des consommateurs. Ses domaines d’action sont variés : contrôle de la formation des prix allant à l’encontre de l’intérêt des consommateurs, actes de concurrence déloyale entre les entreprises, relations fournisseurs-distributeurs, mais aussi surveillance de la qualité des produits.
[2] En parallèle, les conditions de mise en place des DIRECCTE (Directions régionales de l’Entreprise, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi), négociée courant 2008, restent incertaine face aux DDPP.