Petite analyse du vocabulaire des réformes qui attendent la fonction publique, à partir d’un document d’audit de la défense nationale, pour les cérémonies du 8 mai.
L’audit RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) de la défense nationale, daté du 7 mars 2008, préfigure les décisions qui vont être prises pour réformer les armées françaises. La RGPP a un objectif officiel : maîtriser et rationaliser les dépenses publiques tout en améliorant la qualité des politiques publiques. L’audit se donne des objectifs beaucoup plus limités : couper dans les effectifs et les budgets. Il y a de grandes chances que ce type d’analyse soit généralisé à l’ensemble de la fonction publique. Petite analyse de vocabulaire.
L’introduction définit le « périmètre couvert ». Exit « l’amélioration de la qualité des politiques publiques », la RGPP se résume en un tableau à deux colonnes, une pour les réductions budgétaires et une autre pour les diminutions des ETP (un terme de consultant, un ETP est un Equivalent Temps Plein, ou, plus prosaïquement, un salarié). Le rapport ne cache pas ses objectifs. Il faut réduire les effectifs du ministère de la défense de 39 000 à 54 000 militaires et ouvriers d’Etat.
« L’externalisation » a la cote. C’est le mot le plus cité, avec 62 occurrences sur les 90 pages du rapport. Belle performance d’un mot qui n’existe pas dans le vocabulaire français.
Mais qu’est ce que l’externalisation ? Absent du Robert, le mot a débarqué avec les cabinets de conseil anglo-saxons qui l’utilisent alternativement avec l’expression anglaise « outsourcing ». Les rapporteurs, en page 51, en proposent une définition pour les fonctionnaires qui en ignoreraient la signification. L’opération « consiste à confier à des prestataires du secteur privé, dès lors qu’il existe une offre sur un marché concurrentiel, tout ou partie des fonctions non stratégiques ». Une définition qui ressemble étrangement à celle des privatisations.
Alors pourquoi utiliser ce terme ? On peut penser que les rédacteurs ignorent peut-être le terme français de sous-traitance. Selon notre confrère La Tribune, deux cabinets américains sont en charge de la RGPP pour la défense : Mc Kinsey et Andersen Consulting, leurs sites Internet fourmillent de ce terme, peut-être est-ce eux qui ont inspiré le rapport ? À moins que ses auteurs préfèrent leurrer les fonctionnaires en limitant l’usage du mot sous-traitance pourtant tout à fait approprié. A vous de choisir.
La mutualisation est le deuxième concept le plus utilisé dans le document, avec 20 occurrences, soit quand même trois fois moins que le terme externalisation. Moins violent, il nécessite de la « rationalisation », terme utilisé cinq fois seulement.
Le reste du vocabulaire actif est assez vaste. Lorsque les rédacteurs veulent agir, ils n’hésitent pas : « fermeture, resserrement, suppression, recentrage, réduire, resserrer, économie ». Tous les registres sont possibles. Lorsqu’ils veulent être plus abscons, ils utilisent le terme médical de « déflation ». Lorsqu’ils veulent être dans le coup, ils utilisent « allègement », qui souligne incidemment le surpoids du mammouth.
Où est passé le « guichet unique », qui était l’alpha et l’oméga des réformes précédentes, et qui montrait un intérêt pour les utilisateurs ? Le terme n’est cité qu’une seule fois dans le rapport.
On est aussi très loin du « ni ralentissement des réformes, ni plan de rigueur » de Nicolas Sarkozy du 19 avril. Quinze jours plus tard, les réformes sont devenues de véritables plans de rigueur, elles vont entraîner des privatisations de tout ou partie de notre administration. Bienvenue chez Madame Thatcher.
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Théoriquement, il y a une différence entre la sous-traitance et l’externalisation.
La sous-traitance consiste à faire assurer une fonction par une entreprise tierce ;
l’externalisation consiste à transférer tout ou partie de cette fonction (actifs + salariés - oups ! ETP) à l’entreprise tierce qui en assure la gestion.
L’exemple type de l’externalisation est celle du service informatique que l’on transfère à une boite spécialisée qui en assure la gestion sur le long terme.
Appliqué à une entreprise publique, ca ressemble donc bien à une privatisation partielle.
Des questions ? ;-)