Été 2008. Cela fait un an que les Français sont libres de choisir leurs fournisseurs de gaz et d’électricité. Libres ! L’anniversaire est fêté sans tambour ni trompette. Et pour cause : sur 29 millions de contrats, EDF en a perdu un peu plus de 100 000 et GDF environ le double.
Les zélotes de la concurrence ont promis pendant dix ans que le big bang de l’énergie provoquerait une forte baisse des tarifs. Or, c’est le contraire qui se passe. En signant un contrat avec un fournisseur alternatif, un consommateur peut espérer en moyenne une baisse de 10% de sa facture. Attention, néanmoins.
Selon le magazine 60 millions de consommateurs, les tarifs ne sont moins élevés qu’à condition d’exclure du calcul l’abonnement et les services associés. Surtout, « le consommateur qui change d’opérateur sort du même coup des tarifs régulés d’EDF et de GDF, même s’il souscrit son offre de gaz auprès d’EDF et d’électricité auprès de GDF », prévient Jacques Maupin, administrateur de l’association UFC-Que Choisir en charge des questions énergétiques.
Du coup, lorsqu’arrive l’échéance du contrat conclu avec l’opérateur alternatif, la facture peut bondir de 40%. Les PME et les collectivités locales qui ont changé de fournisseurs à partir de 2005 l’ont bien vu. C’est le prix du marché.
« Aujourd’hui, les prix de marché français s’alignent sur les prix allemands alors que l’électricité allemande est produite à partir du gaz alors que l’électricité française est la moins chère en raison de l’importance de la production nucléaire » constate le haut-fonctionnaire François Soult, qui avait tiré la sonnette d’alarme dès 2003 [1].
Et encore, le service se dégrade depuis l’ouverture à la concurrence. Anne Debrégeas, représentante de Sud-Energie, relève la suppression progressive des agences. « Cela signifie des temps de dépannage plus longs », indique-t-elle. Ainsi à Paris, le délai moyen d’intervention pour une panne électrique est passée de 45 minutes en 2004 à 70 minutes en 2007. Les délais en cas d’emménagement sont passés de 5 jours maximum à trois semaines.
Pourquoi introduire la concurrence dans une industrie de réseau, c’est-à-dire là où les monopoles dits naturels sont les plus économes ? La mutualisation de la distribution de gaz et d’électricité permettait d’importantes économies. « La fin de cette mutualisation a nécessité des investissements importants en informatique notamment. Du coup, l’opération a coûté environ 1 milliard d’euros », confie un responsable de la CGT d’EDF.
Et si le pire était à venir ? Toutes les expériences internationales de mise en concurrence dans le secteur de l’énergie ont aboutis à des échecs : Californie, Royaume-Uni, Brésil, Australie, etc… Partout, les tarifs ont bondi en particulier lorsque la production d’électricité manque pour répondre à la demande. Dans ces circonstances, le marché de l’électricité devient encore plus spéculatif que celui du pétrole. « Dans un tel système, aucun producteur n’a intérêt à casser sa tirelire pour effectuer les investissements nécessaires à la régulation du marché », prévient Gilles Darmois, un ingénieur qui a été un cadre dirigeant de Total [2]
Pour le moment ce sont les actionnaires des entreprises de l’énergie qui sont les grands gagnants de l’introduction de la concurrence. Les profits d’EDF, de GDF et de Suez ne cessent d’augmenter. La logique de la concurrence voudrait qu’il soit mis un terme aux tarifs régulés et que les factures explosent. Pour le moment, le Sénat vient d’éliminer, dans le projet de loi de modernisation de l’économie, la date butoir de 2010 au-delà de laquelle les tarifs réglementés devaient être supprimés, mais le texte n’est pas définitivement adopté. D’ici là, on peut espérer que le président du pouvoir d’achat aura compris que la concurrence ne fait pas baisser les prix.
À lire ou relire sur Bakchich :
[1] EDF, vers un désastre inéluctable, Calmann Lévy, 2003
[2] Pourquoi privatiser ? EDF et l’enjeu de l’énergie, Belin, 2005.
On a vu avec l’eau ce que ça peut donner la libéralisation. Un racket où des flopées d’intermédiaires s’en mettent plein les fouilles, à commencer par les élus locaux qui dealent notre eau du robinet au mieux-offrant des compagnies mafieuses qui se présentent. Il existe encore des communes desservies en eau par une régie municipale. La comparaison avec les communes desservies par Vivendi, Suez et consorts est saisissante. Au passage, signalons que les maires qui ont choisi la régie municipale se font réélire sans un pli.
Le racket généralisé, faut peut être en arriver là pour que les braves gens de France et d’alentour comprennent que le fléau libéral ça ne sert pas qu’à chasser les étrangers pas de chez eux.