La Star Ac’, c’était lui. L’arrivée de la télé-réalité en France aussi. Mais avant cela, Joop Van den Ende, le co-fondateur néerlandais d’Endemol, n’était pas très regardant sur le droit du travail.
Le magazine américain Forbes évalue sa fortune a 1,4 milliards de dollars. En quelques années, Joop Van den Ende, le co-fondateur d’Endemol, est parvenu à devenir l’un des géants mondiaux du show-biz. Stage Entertainment, l’entreprise qu’il fonde en 1998 et dont il est l’actionnaire unique, possède plus de 30 théâtres à travers le monde, emploie plus de 4.700 personnes et revendiquait, en 2007, près de 600 millions d’euros de chiffre d’affaires. Forte de moyens considérables, l’entreprise multiplie les succès populaires du Roi Lion en passant par Mamma Mia jusqu’à Holiday on Ice.
Mais le merveilleux monde de Joop van den Ende recèle quelques surprises. Notamment pour ceux qui y travaillaient. Ainsi, au tournant des années 2000, lors de la tournée d’Holiday on Ice, les artistes ont eu le plaisir de signer un contrat de travail plutôt cocasse sur lequel Bakchich a mis la main. Il s’agit du contrat type proposé aux patineurs. 29 articles plutôt confus, mais dont le fil rouge reste la protection du producteur. Depuis, les règles ont changé. Et Holiday on Ice a revu à la hausse sa vision du droit social. Mais à l’époque, comme en témoigne les extraits qui suivent (voir encadré), c’était plutôt léger.
Ainsi, le joyeux patineur, avide de triple loops et autre arabesque, pouvait à l‘époque découvrir que les frais d’hébergement et de repas étaient à sa charge (article 4), qu’il pouvait oublier son droit à l’image (article 17), qu’il devait payer le matériel nécessaire à son numéro (article 23) ou enfin qu’il ne fallait mieux pas qu’il se blesse (article 15).
Article 4
Le producteur versera les avances hebdomadaires qui sont convenues avec l’artiste dans la monnaie locale, à concurrence toutefois du montant de sa rémunération, afin de lui permettre de payer ses frais d’hébergement et de repas ainsi que toutes les autres dépenses qui sont à sa charge.
Article 15
L’artiste et le producteur reconnaissent que l’emploi prévu par les présentes est de nature dangereuse. Néanmoins, l’artiste assume par les présentes tous les risques de blessure, préjudice ou dommage qui seraient de quelque façon que ce soit liés à cet emploi et, sauf disposition expresse contraire des présentes, la responsabilité du producteur ne saura être engagée envers l’artiste ou quiconque se réclameraient de lui pour ou en relation avec un accident, une blessure, un préjudice ou un dommage quelle qu’en soit la cause ou la nature. L’artiste indemnisera et protégera le producteur, ses promoteurs et propriétaires pour les plaintes et dommages qui résulteraient de la prestation de l’artiste.
Article 17
L’artiste se présentera à l’heure aux répétitions et aux représentations, apportera une extrême attention à son maquillage, à sa tenue vestimentaire et à son poids, exécutera son numéro de son mieux et conformément aux attentes du producteur, observera et respectera les règles et règlements du producteur et des lieux dans lesquels les émissions pour la radio et la télévision ou encore à la demande du producteur, sans rémunération supplémentaire, et autorisera le producteur à utiliser des photographies et articles de presse le concernant à des fins publicitaires et d’exploitation de la façon et dans les mesures que le producteur estimera raisonnables.
Article 23
Le producteur sélectionnera, fournira et paiera tous les costumes que l’artiste doit porter, mais si l’artiste est engagé pour exécuter un numéro qui est essentiellement de sa création, c’est lui qui fournira, et paiera l’ensemble des costumes et de la musique habituellement utilisés pour ce numéro. Par ailleurs, l’artiste paiera dans tous les cas l’ensemble des patins, des bottes, des sous-vêtements, du maquillage et toutes autres choses nécessaires que le producteur attend de la part de l’artiste pour le bien du spectacle.
Article 27
Pendant les périodes de représentations publiques, l’artiste assistera aux répétitions imposées par le producteur, que ce soit pour la production en cours, une production passée, une nouvelle production, la télévision ou un film, sans rémunération supplémentaire. Toutefois, le producteur convient de limiter ce temps de répétition à 20 heures par semaine et toute répétition en sus des 20 heures prévues sera rémunérée au taux horaire défini.
A lire le contrat, la protection apportée par Stage Entertainment aux patineurs paraissait plutôt minime. C’est plutôt le producteur qui « a le droit de ». L’artiste étant réduit à sa plus simple expression. Une patineuse qui pendant 9 ans a fait partie de la tournée d’Holiday on Ice raconte : « Les choses ont beaucoup changé. Au début, je me souviens qu’on était payé chaque semaine en cash. On n’avait pas de sécu. Puis ça a évolué. » Et de tempérer : « Vous savez, dans le monde du spectacle, il y a beaucoup d’abus. Et Stage, ce ne sont pas les pires du tout. »
Voilà qui est rassurant.
Contacté, Stage Entertainment France assure ne pas gérer les contrats des artistes. « Tout se fait à la maison mère en Hollande, où le RH groupe fait en sorte que dans chaque pays traversé les règles du droit social soient respectées », assure l’un des cadres de la filiale française. Avant de nous renvoyer vers le siège en Hollande, qui, pour l’heure, n’avait pas répondu à nos sollicitations.
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