Rachida Dati, maire du VIIe arrondissement parisien, appose sa touche très personnelle à un quartier déjà très chic. En témoigne le bulletin municipal, transformé, le temps d’un numéro, en ersatz de revue féminine haut-de-gamme.
L’autre semaine, assis à l’arrière de ma Bentley arrêtée à la hauteur du métro Saint-François-Xavier, j’ai entendu une bouche lancer « Écrasons l’infâme ! » Quoi ! Serions-nous au métro Voltaire ? En réalité, cet habitant du VIIe arrondissement de Paris venait de prononcer, disons de façon pâteuse, « Sanctifions la femme ». Ce propos de trottoir rendait gloire à l’action de madame Rachida Dati, la mairesse du coin. Quelques amis de Rachida savent, eux, qu’une femme peut être l’avenir de l’homme.
Au coeur d’une ville tenue par le gauchiste Delanoë, le VII e fait figure de résistant. S’ils n’ont pas échappé aux voies de bus, ses habitants sont toujours ceux qui payent le plus d’impôts, avec un revenu moyen de 5070 euros par mois par ménage. Avec un prix de l’immobilier qui dépasse les 9000 euros au mètre carré, vivre dans le coin demande quelques ressources. Heureusement, sous le règne de Rachida, il est toujours possible de flâner au Bon Marché et de pousser les portes de la Grande épicerie qui vend de l’eau minérale 29 euros la bouteille. Une fois désaltéré, inutile de s’angoisser sur l’insécurité. Avec tous les ministères (Affaires étrangères, Défense, Santé…) qu’héberge l’arrondissement, la densité policière est presque aussi forte que les lieux de culte chrétiens, au nombre de quatorze. Au second tour des régionales, on y a voté à 71,25% pour l’UMP et Chantal Jouanno. Enfin, et c’est sans rapport aucun, c’est aussi dans le VII e que se trouve le siège du parti socialiste. Alors, qu’attendez-vous ?
Pour rendre hommage à l’épouse, la mère, la soeur, Rachida a choisi de transformer le bulletin municipal du VIIe en un clone à deux têtes : une louche de Elle, un doigt de Figaro Madame. Le titre de ces trente pages édifiantes sonne bien : 7 à elle (« C’est à elle », humour). Dans son édito, Rachida ouvre son coeur : « Les rubriques habituelles ont laissé la place à la mode, à la beauté, aux tendances, aux coups de coeur gastronomiques ou culturels… et tout ce qui participe aux joies, petites et grandes, d’être une femme dans le 7e. »
En page 6, le shopping du Rachida News nous en met plein la vue. Du foulard Régate de Lacoste à 50 euros, au sac de Nina Ricci à 2 200 euros, il y en a pour toutes les riches. Et puisque la politique se niche là aussi, Dati, fidèle au Président, nous recommande les Ray-Ban à 160 euros (gratuites pour tout membre de l’UMP ?). Je passe sur le petit top en soie de Malandrino, 410 euros, sur les chaussures hautement talonnées de Christian Louboutin à 395 euros, sur les ballerines Dior à 380 euros et sur le jean à 240 euros. Comme on l’écrivait jadis dans Madame Express, « Ne jetez pas votre vieux vison, utilisez-le pour doubler votre Burberry ».
En page 7, une gamine, genre gosse dont le papa a eu de la chance, nous énumère ses boutiques favorites. Par exemple, La Suite 114. Ce diamant de la rue du Bac, le voilà : « Une quinzaine de marques à découvrir dans ce nouvel espace à la fois intemporel et contemporain. De Zac Posen à Phillip Lim en passant par Kris van Assche ou Phi, Alessandro dell’Acqua ou Takhoon… La Suite offre aussi à ses clientes des services personnalisés allant du coaching à la livraison-groom. » Dans le VIIe, les lycéennes ont de grosses bourses.
Oserai-je les crèmes ? Oui, car j’ai remarqué un utile « anti-âge confort » qui « stoppe 155% des radicaux libres » (comme Borloo ?). Et ça dure, et ça dure. À la page 10, le Rachida-Libérée devient Paris- Match, avec une page beautiful people, copie des Sorties en ville d’Agathe Godard. On y parle de quelques démunis comme Claude Guéant, Bernard Kouchner, Laurence Parisot, François Fillon et Éric Besson, dont le VIIe « est l’épicentre ». Et Hervé Morin, cité aussi, le centre ?
Page 12, on retombe dans la fripe, dans une maille qui aille, avec les robes Babydoll folk de chez Chanel ou le short taille haute de Chloé. Vient enfin l’inévitable Sonia Rykiel, reine de la guenille couteuse qui a dessiné des modèles pour H&M, une boîte qui viole les décisions de l’ONU en s’installant, avec les colons, dans la Palestine occupée…
Maintenant couverts, le moment est venu est de se cultiver. Rien de mieux que Mes petites morts, le livre d’Elsa Fottorino. Une jeune romancière sans amis dans la presse puisque son papa est directeur du Monde. Pour avoir lu sa première page, j’ai constaté que la gamine a vraiment besoin d’aide.
Nous en arrivons à Dieu, aux hommes en robe. Le père Vincent de Mello, le père Richard Escudier et monseigneur Patrick Chauvet parlent du féminin. Rien de tel que ces experts, qui ont fait vœu de célibat, pour parler des femmes. Le père de Mello « voit la femme comme un être qui reboise ». Monseigneur Chauvet se félicite « d’avoir des femmes disponibles » dans sa paroisse. Sachez-le, il existe une paroisse Meetic.
Vous criez « assez ! » mais je ne vous lâcherai pas en route. « Où dîner en amoureux ? » Si vous ne l’êtes que légèrement, chez Thoumieux (menu de 29 à 51 euros). Et chez Le Divillec (autour de 200 euros) si vous l’êtes vraiment. Encore faim ? Le Rachida illustrée propose ces recettes de cuisine qui font la tambouille de tout bon journal. Ici, c’est un « Napoléon de boeuf en tartare au caviar alverta ». C’est tout simple, le caviar de table est commode quand le Leader Price du coin est fermé.
Sautons, comme on le dit dans la cavalerie, vers nos amis militaires. Dans le VIIe, il y a beaucoup d’hommes des casernes. Ah, les concerts du Musée de l’Armée en compagnie du général Dary, si cool. En dernière page du bulletin, nous arrivons enfin dans le dur, le certain : l’horoscope. Avec « horreur », les femmes Cancer apprennent que leur mari a été muté dans le VIIIe. Dans ce cas, l’astrologue de Rachida, radical, conseille le divorce. Et ça tombe bien puisque la dame Cancer va être augmentée : « Votre cabinet d’avocats vous a promue associée ». Pour les Béliers, la vie est difficile : « Votre coeur palpite pour cet inconnu croisé en faisant la queue devant Barthélémy ». Une femme du VIIe qui fait la queue ? On a trouvé une pauvre alors que Rachida est la petite soeur des riches.
Rassurez-moi, c’est bien Rachida Dati qui a posé comme modèle pour toutes les fringues présentées dans ce "magazine" ?
Le problème avec Dati, c’est qu’elle fait un portrait de la femme complètement cliché et détestable, qui aime les fringues, le shopping, le bling-bling, et toutes ces conneries de Sarkozyste (bon sauf la cuisine, la vaisselle, la lessive, vu qu’un sans-papier sous payé doit s’en occuper dans tout bon foyer du VIIe qui se respecte… Oh ! L’amalgame !!).
Son portrait quoi…
Ben oui quoi !, rien de nouveau sous les nuages parisiens.
Les riches sont riches et les pauvres sont….ben…. pauvres !!!
Qu’est-ce qu’on attend pour changer tout ça, hein ?
Moi je milite depuis 44 ans (P.O.I.).
Ma femmes et mes quatre "gosses" aussi. Voili-voilà.
Ils ne sont pas tous pourris, croyez-moi.
C.J.L. (Var).