François Chérèque, le leader de la CFDT, vient de lancer le coup d’envoi de la rentrée sociale en déclarant dans Si on me cherche…, livre publié ce 3 septembre 2008, que Sarkozy a envisagé une loi d’amnistie pour les bénéficiaires des financements occultes après l’explosion de l’affaire Denis Gautier Sauvagnac. Le président de la République lui aurait dit : « Bien entendu, il faudra en passer par une loi d’amnistie comme ça a été le cas pour les hommes politiques avant la loi sur le financement public des partis ».
Dès la publication d’extraits du livre dans L’Express, le 28 août, l’Elysée s’est aussitôt fendu d’un ferme démenti, sans attaquer toutefois le leader en diffamation ni demander l’interdiction du livre. Qu’y lit-on plus précisément ? François Chérèque y explique que cette conversation a eu lieu en présence de deux témoins et qu’il a immédiatement écarté cette perspective : « Il n’en est pas question, la CFDT s’y opposera très nettement. S’il y avait une loi d’amnistie, je la dénoncerais publiquement ». Le leader aurait ajouté : « S’il s’avérait qu’un adhérent ou un responsable de la CFDT, à quelque niveau que ce soit, a reçu de l’argent de l’UIMM, ce sera tant pis pour lui. Il devra être poursuivi et condamné le cas échéant. »
Ces déclarations interviennent dans un contexte qui s’est tendu durant les vacances. Les progressions de l’enquête du juge Le Loir ont de nouveau attiré les regards vers les organisations syndicales. Le 4 juillet, il a entendu Jean Charbonnel, ancien ministre pompidolien, et Yvon Gattaz, l’ex-président du CNPF (ancêtre du Medef), lequel a toujours affirmé que les caisses noires du patronat financaient discrètement les syndicats. Parallèlement, le juge mettait en examen Henri de Navacelle (un dirigeant patronal). Les jours suivants, il plaçait François Ceyrac (ex dirigeant du CNPF) sous le statut de témoin assisté. Le 24 juillet, il interrogeait Jacques Gagliardi, un ancien responsable de l’UIMM (1985-1995) qui aurait évoqué des politiques et des syndicats, dont la CGT, comme bénéficiaires des « fluidités ». Le lendemain même, le 25 juillet, la CGT démentait vivement en déclarant que les déclarations de Jacques Gagliardi devant le juge n’était qu’une « stratégie de défense » de l’UIMM destiné à détourner l’attention des véritables utilisations des caisses. On est averti : si l’enquête menée par le juge fait apparaître des syndicalistes marrons parmi les destinataires des espèces, il ne faudra pas y voir une pratique "structurelle" ou générale que les leaders auraient eu a connaître. Soit. Mais il faudra alors affronter quelques questions, à commencer par celle-ci : quels accords ou quels compromis ont été obtenus par le patronat en échange de ces versements ? Et il faudra les revoir.
Le mois de septembre sera-t-il chaud ? Le contexte devrait le rendre brûlant, mais le syndicalisme de négociation auquel nous assistons depuis des décennies ne nous laisse guère plus espérer de véritables luttes, alors que ces deux formes d’actions devraient être complémentaires. En attendant, Jean-Luc Touly, co-auteur du livre L’argent noir des syndicats, a lancé un procès contre le trésorier national de la CGT, Michel Donnedu (la première audience se déroulera le 25 septembre au Palais de justice de Paris). Mais on en reparlera d’ici là.