L’UIMM finance-t-elle toujours les syndicats ? A cette question toujours tabou, « Bakchich » apporte aujourd’hui une réponse claire. « Oui, nous recevons de l’argent de l’UIMM » nous confie Joseph Crespo, le président de la CFTC Métallurgie, qui a accepté de nous en dire davantage sur ses comptes. Ce sont des subsides légales, que perçoivent tous les syndicats, précise Crespo. Un pavé dans la mare, qui soulève des questions sur le financement encore opaque des syndicats
Joseph Crespo est en colère. Président de la fédération CFTC Métallurgie, il fulmine contre les soupçons de corruption qui empoisonnent le climat syndical depuis le début de l’affaire des « caisses noires » de son homologue patronal, l’UIMM, l’union des industries et des métiers de la métallurgie, en septembre dernier. « On en a marre d’être traités de voyous ou de corrompus par plein de gens, alors que nous n’avons rien à nous reprocher » confie-t-il à Bakchich. Il est vrai que les principaux bénéficiaires des 21 millions d’euros de cash distribués par l’UIMM via son délégué général Denis Gautier-Sauvagnac (DGS) demeurent mystérieux (voir encadré). Et que la gestion discrétionnaire par l’UIMM de sa cagnotte secrète - 600 millions d’euros !- suscite bien des questions.
Mais, depuis le début de l’enquête judiciaire sur ces versements occultes, tout le monde évite de parler des relations financières, qu’elles soient licites ou pas, entre l’UIMM et les syndicats. Sujet tabou et silence radio. Jacques Voisin, le président de la CFTC a déclaré qu’il n’y avait pas de « système organisé » entre l’UIMM et son organisation. Dans un livre qui sort le 17 mai « l’argent noir des syndicats » [1], l’UIMM se réfugie derrière l’enquête judiciaire en cours pour botter en touche sur le sujet. Mais Joseph Crespo évoque, lui, l’existence de subventions légales « qui posent en effet un problème d’indépendance », sans donner plus de précisions.
Bakchich a voulu en savoir plus. Et Joseph Crespo a accepté de nous fournir des explications chiffrées, qui confirment l’existence de versements réguliers de l’UIMM à tous les syndicats (voir la vidéo ci-dessus).
De quoi s’agit-il ? De fonds versés - appelés dans le jargon syndical un« préciput » c’est-à-dire un prélèvement,- dans le cadre d’un accord sur la formation des syndicalistes signé entre l’UIMM et les syndicats de la branche, destinés officiellement à payer des stages. Le montant touché par la CFTC Métallos ? Un chèque signé par l’UIMM de 270 000 euros par an, ce qui représente 18% des ressources de la CFTC Métallos (1,4 million d’euros par an). « Nous recevons la même somme que les autres syndicats, plaide Joseph Crespo. C’est un accord signé, le versement est parfaitement légal et transparent dans notre unique compte bancaire localisé à la Bred ».
Et à quoi sert cet argent, dont l’UIMM ne contrôle pas l’usage final ? En vérité, les syndicats en font ce qu’ils veulent. « Nous organisons vraiment des stages de formation à la négociation pour nos militants » assure le président de la Fédé des Métallos. Plusieurs centaines de syndicalistes seraient concernés chaque année. « C’est nous qui faisons entièrement le programme, l’UIMM ne s’en occupe pas » tient à préciser Joseph Crespo. Il ajoute que la formation mobilise environ 80% des fonds versés par l’UIMM. « Le reste permet de financer partiellement les 6 salariés de notre fédération ». Une manière de reconnaître que l’argent de l’UIMM sert aussi à faire vivre sa fédération de manière permanente…
Joseph Crespo nous donne également d’autres précisions. Car l’UIMM n’est pas la seule à verser son obole. La fédération des services de l’automobile (concessionnaires, etc) finance également, à hauteur de 250 000 euros par an, la CFTC Métallurgie (comme tous les autres syndicats), dans le cadre d’un accord sur le paritarisme. Et six entreprises du secteur (dont EADS, Thalès, Safran, Renault) ont signé des accords de « droit syndical » avec la CFTC Métallurgie qui les conduit à verser chaque année 40 000 euros chacune à cette fédé. Soit 240 000 euros de rentrées supplémentaires. Sans compter des recettes annexes de publicité provenant de sociétés de prévoyance (Ionic, AG2R, etc) dans les revues syndicales.
Au total, les cotisations des 16 000 adhérents ne représentent que 25% des recettes de la fédé, qui totalisent 1,4 millions d’euros par an. « Le système est comme cela. C’est dommage, mais cela ne fait pas de nous des vendus » estime Joseph Crespo. Le président de la fédé CFTC Métallurgie, qui est, par ailleurs, candidat au poste de secrétaire général de la CFTC au congrès d’octobre prochain, est partisan d’une transparence totale et d’une réforme de la loi sur le financement des syndicats, en faveur d’un système de chèque syndical donné à chaque salarié. « Ce serait plus sain » admet-il.
Depuis qu’il a pris les rênes en 2000 de la fédération CFTC des Métallos, qui revendique 16 000 adhérents, Joseph Crespo, venu d’Eurocopter à Marignane, assure n’avoir rien vu d’anormal en provenance de l’UIMM, bien qu’il ait souvent rencontré Denis Gautier-Sauvagnac « Je suis tombé de l’armoire quand j’ai appris ces histoires de valises de l’UIMM, dit-il. Cela nous a choqués. Nous avons déploré l’absence d’explications claires sur la destination de l’argent, qui laisse planer des doutes sur les syndicats. ».
Le comité national de la fédération avait décidé, en novembre, de ne plus participer à aucune réunion de l’UIMM si DGS devait y participer. En réponse, DGS a affirmé par écrit, le 4 décembre 2007, à Joseph Crespo, qu’il « n’y a jamais eu à l’UIMM dans les années écoulées de corruption ou d’achat de signatures syndicales. La sincérité des accords passés dans la branche ne saurait donc être entachée ».
L’enquête judiciaire en cours permettra, peut-être, de confirmer, ou d’infirmer, cette assertion.
Lire ou relire dans Bakchich :
[1] « L’argent noir des syndicats », Roger Lenglet, Jean-Luc Touly, , Christophe Mongermont (Fayard)
Si ces fonds vont réellement à la formation des syndicalistes (droit social et négociation), je n’y verrai aucune objection.
Or, mes mésaventures récentes me font douter que cette formation ait bien été dispensée ; en d’autres mots, je pense avoir été licenciée plus à cause de l’inertie, de la fuite des syndicats internes à l’entreprise… et également manque de connaissances, et aucune notion de la négociation lors d’un entretien préalable… Plus aptes à mettre la tête du salarié sur le billau… La question leur sera posée : pourquoi ? Car je les mets en cause directement dans mon affaire… Il est déjà difficile de trouver un travail à plus de 50 ans, si en plus, les syndicats salariés contribuent à notre licenciement : où va-t-on ?