Tête de liste de l’UMP dans le Sud Ouest aux européennes de 2009, Dominique Baudis ne veut pas abandonner la présidence de l’Institut du Monde Arabe. A voir ses notes de frais on le comprend.
L’institut du Monde Arabe. Dans ce superbe palais de verre et d’acier qui domine de mille feux les bords de la Seine, Dominique Baudis a découvert, depuis sa nomination à la présidence début 2007, les plaisirs et les arabesques du monde arabe. Dieu et Allah réunis savent combien cette institution, financée pour moitié par le Quai d’Orsay et censée incarner le rêve franco-arabe à Paris, a été depuis sa création un puits financier sans fonds. En 2006 et 2007, des rapports de l’Inspection des finances et de la Cour des comptes tiraient déjà la sonnette d’alarme.
Depuis son arrivée, Dominique Baudis s’est plu à expliquer comment il avait assaini la situation. Disons qu’après un redressement indéniable, amorcé avant son arrivée par une équipe budgétaire rigoureuse nommée en urgence, les mauvaises habitudes ont désormais repris le dessus : explosion en 2009 du budget de la Présidence, confortables notes de frais pour Dominique Baudis et …son épouse, et enfin retour en force de quelques seconds couteaux, au détriment des gestionnaires avisés à qui on devait un début de remise en ordre dans la maison..
Inscrit dans l’airain du budget 2009, une hausse sensible des dépenses du boss : 180000 euros de missions et réceptions, (contre 150000 en 2008), 92 800 euros de frais de transports. L’Orient il est vrai est lointain… Dominique Baudis dispose en outre d’une carte de crédit, qui a chauffé fort. Près de 55000 euros de frais ont été dépensés en 2008 et autant en 2007. Simple partie émergée de l’iceberg ? D’après certaines indiscrétions de la direction financière, le patron disposerait d’autres cartes de crédit.
Généreux, Baudis ne se lasse pas non plus d’organiser de petites sauteries dans les splendides locaux de l’IMA pour ses amis de l’UMP. Et on n’évoquera pas la revalorisation du traitement mensuel du président de l’IMA de quelque 6 000 euros à désormais 10 000 euros (et non 100 000 comme inscrit par erreur ce matin mercredi ) par mois. Dès son arrivée, Dominique Baudis réclame un tel salaire, égal, explique-t-il, à ce qu’il touchait au CSA. Dans une note confidentielle, le directeur général adjoint, François Baudet, émettait quelques réserves. Deux ans plus tard, Baudis parvient à ses fins.
La situation était tellement tendue en fin d’année dernière que les gestionnaires de l’Institut ont été sommés, au dernier moment, de trouver quelques rustines pour combler le trou ainsi creusé. Quelques dizaines de milliers d’euros avaient été pris, in extremis, sur le service des relations humaines !
Les équipes de Bakchich on pu regarder à la loupe les confortables notes de frais de Dominique Baudis : voyages de madame à Damas, Tunis, Abou Dhabi, Louxor ; escapades du président dans les bons hôtels de Tunisie plusieurs fois durant le même été ; remboursements de multiples frais de restaurants (jusqu’à 755 euros dans un resto chinois, sans justificatifs).
Interrogé par Bakchich, Dominique Baudis se montre sans états d’âme. Les voyages de Madame ? « Ecoutez, mon épouse a écrit un livre décisif sur la chanteuse Oum Kalsoum, mes interlocuteurs dans le monde arabe réclament sa présence ». Ysabel a écrit aussi un ouvrage sur les 1001 nuits, mais qui, apparemment, a moins marqué son cher époux, qui ne l’évoque pas. Ysabel Baudis s’avère une star dans le monde arabe, et on l’ignorait !
Les frais de restaurant, innombrables, sont facturés souvent dans des établissements de Toulouse, dont il était maire, ou encore dans le seizième arrondissement, fort loin de l’IMA, mais où il réside. Quant aux frais de voyage à Taiwan et la note salée chez Divellec, un des plus grands restos de Paris, pour les diplomates asiatiques, ils seraient justifiés par un projet d’exposition, explique Baudis à Bakchich, sur « les liens ancestraux » entre la Chine et le monde arabe. Un sujet d’actualité, ou on n’y connaît rien.
Amoureux de la presse, le patron de l’IMA achète les journaux où qu’il soit, à Toulouse ou dans le seizième arrondissement où il réside. Et se fait rembourser à l’euro près. 80 euros par ci, 10 euros par là, il n’y a pas de petites économies !. « Les contrôleurs de la Cour des Comptes, se justifie-t-il, n’ont rien trouvé à redire ». Et peu importe que la plupart des salariés de l’IMA lisent, eux, la presse sur place !
Plus surprenant encore, on découvre de multiples allers-retours entre Paris et Toulouse, payés par l’IMA. Là encore les déplacements de Dominique Baudis seraient dus au projet d’exposition entre la ville de Toulouse et l’IMA. Est-il normal, pour autant, que les voyages de madame (voir document) soient payés par l’IMA ? « Les voyages de mon épouse, affirme tranquillement monsieur Baudis, n’ont jamais été imputés sur la maison ». Les notes de carte bleue que Bakchich s’est procurées prouvent évidemment le contraire.
Plus grave, Dominique Baudis est en train d’écarter le petit groupe qui avait réussi à imposer quelques cadrages budgétaires à cette institution à la dérive.
En effet, le principal gestionnaire de l’IMA, un administrateur de la ville de Paris détaché à Bercy, François Baudet, vient d’annoncer qu’il ne demandait pas le renouvellement de son mandat. À plusieurs reprises, ces derniers mois, il avait été désavoué par le directeur général, Moktah Taleb Bendiaf, connu pour les longues siestes qu’il s’accorde sur son lieu de travail et que Dominique Baudis a reconduit en avril dernier. « M. Taleb Bendiaf, écrivait le personnel de l’IMA dans une lettre ouverte le 10 avril 2008, n’a pas rempli les tâches qui lui incombent tant au plan administratif que culturel…Il est urgent de nommer un directeur général ayant les compétences ».
Accessoirement, ce cadre algérien, dont les avantages et salaires s’élèvent à 200000 euros, avait été stigmatisé dans le rapport de la Cour des Comptes de 2007 pour ne pas avoir payé les impôts qu’il aurait du normalement verser. « L’un des avantages les plus importants dont bénéficie le titulaire de la fonction, note les magistrats de la rue Cambon, consiste à échapper à toute retenue fiscale au motif que ce salaire constituerait selon l’IMA une indemnité représentative de frais ». Cette habitude est d’autant plus fâcheuse, que le directeur général se voit, par ailleurs, remboursé tous ses frais.
François Baudet avait une autre bonne raison de quitter la caverne d’Ali-Baba. Il y a un an, le patron de l’IMA nommait, au même rang que lui, un vieux routier de l’IMA, le franco-syrien Badredinne Arodaky, qui s’était fait connaître pour ses engagements successivement pro- palestinien puis pro-syrien. En 2007, la Cour des Comptes s’était montrée fort critique sur la façon dont Arodaky, directeur commercial, avait géré la boutique de l’IMA, la Medina. La Cour des Comptes note qu’« aucune politique commerciale digne de ce nom » n’avait été mise en place. Aujourd’hui, le commercial créatif est promu par Dominique Baudis et devrait prendre le contrôle de la gestion de l’IMA.
Aurait-on été victime, sur les bords de la Seine, d’un trop joli mirage ? Les splendides expositions organisées encore et à prix d’or par l’IMA ne doivent pas masquer la réalité. Le rêve franco-arabe à Paris s’estompe. Et ne reste que ce qu’en arabe on nomme tegr’a, les relents de festaille, de mangeaille !
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