Le Tchad aussi participe à la mondialisation. Grâce à la guerre civile latente et aux rebelles taquins, le président Déby participe au commerce d’armes globalisé. Mais à croire que le garçon débute, il se fait arnaquer…
David Abtour, marchand de motos indiennes à N’Djamena, met maintenant du kérosène dans ses réservoirs. Ce commerçant d’origine libanaise, très honorablement connu dans la capitale du Tchad, justement pour son commerce de deux roues sous l’enseigne de la compagnie Galate, s’intéresse désormais aux machines volantes.
Il a joué un rôle dans l’achat, en 2006, par Idriss Déby, le Napoléon et néanmoins président tchadien, d’une poignée d’hélicoptères russes « en fin de potentiel » qui, à l’analyse, maintenant qu’ils sont posés à N’Djamena, se révèlent ne pas être des occasions en or.
Mais pourquoi David a-t-il lâché le guidon pour le manche à balais. Il semble bien qu’il a été conseillé dans son nouveau business par Lionel Cohen, un vétéran de la vente de matériel guerrier. Un Lionel, plutôt mal vu par la bande à Idriss qui l’accuse, lui aussi, de ne pas avoir vendu du matériel labélisé « satisfait ou remboursé ». Donc Lionel est devenu l’ami de David qui, multiplie les voyages à Dubaï où il est « general manager » de la société Arami. Puisqu’il paraît, si le business vous tente, que c’est là que se traitent tous les marchés des machines à tuer les pauvres gens.
Pour passer de la mobylette – mais aussi des restos, casinos et boîtes de nuit – à l’hélico, Abtour bénéficie de bons parrains. D’abord, il a fait un bon mariage en épousant la sœur d’une ex-femme de Déby. Puis le général Orozi, démocrate bien connu, et chef d’état-major de l’armée de l’air, l’a pris en sympathie. Orozi est aussi connu pour rouler en Range Rover « sport » toute noire. Également pour avoir disparu, en février dernier, au moment de l’attaque des « rebelles » sur N’Djamena. Il s’est envolé avec pas mal d’argent, en tout cas de quoi faire de nombreux pleins de son Range. En dépit de son peu d’engagement dans la guerre, ce défenseur élastique est resté à la tête de l’aviation.
En mars dernier Orozi et Abtour, ont lancé leur filet une nouvelle fois vers Dubaï. Et des munitions ont été livrées au Tchad. Du coup, Abtour va installer sa famille à Paris, sans doute porte Dauphine, où le risque d’attaque des rebelles est assez limité. Mais on a l’impression que David ne fait pas totalement confiance en l’avenir politique de son ami Idriss.
Après la livraison de munitions, Orozi et ses potes ont tenté de faire signer un bon d’achat pour deux hélicos MI 24 de plus, par Mahamat Ali Abdhala alors ministre de la Défense. Mais l’affaire a capoté. D’abord parce que le bon Mahamat a quitté son poste pour le ministère de l’Élevage, ce qui n’élève que l’âme mais pas les hélicoptères. Ensuite parce qu’Idriss est devenu méfiant. Maintenant que de vraies sociétés de matériel militaire frappent à sa porte, il pense que faire ce choix serait peut être mieux et moins cher. Ses ennemis qui dirigent le voisin Soudan, eux, ne sont pas de cet avis. Tout en rompant les relations diplomatiques avec N’Djamena, on pense, à Khartoum que des hélicos pourris, ça suffit bien pour l’aviation d’Idriss. Les ennemis de mes ennemis sont mes amis.
Troisième mauvaise nouvelle pour Ozoni et son ami David, l’arrivée du vieux Kamougé à la tête de la Défense. Dans sa longue vie, l’aimable putschiste s’est fait des amis à lui. Ozoni et Abtour ne sont pas sur la liste.
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