Le Parti Socialiste, en votant le non-cumul des mandats dans ses statuts, est-il en réelle mesure de l’appliquer ? Peu évident au regard d’impératifs électoraux et du rôle actuel des députés.
Martine Aubry a manifestement su tirer les leçons de l’adage maoïste qui énonce qu’au parti, « le poisson pourrit par la tête ». En soumettant au vote les militants socialistes à une « rénovation » du PS autour de 11 questions dont l’épineux cumul des mandats et les primaires présidentielles, la dame de Lille s’est fixé deux objectifs. Stopper la nécrose du PS engoncé dans une gestion locale du politique et trouver des nouveaux outils à l’émergence d’un leadership présidentiel.
Si l’issue du vote était connue d’avance, le taux de participation de 50% des militants (90 000) offre une dose de graissage à Aubry pour huiler l’appareil socialiste en quête de victoire électorale nationale depuis 12 ans.
Le cumul des mandats s’explique en France par une équation historique de bon sens : détenir un mandat électif favorise l’obtention d’un autre. Argument en soi irréfutable qui explique les réactions en chaîne de fieffés socialistes hostiles au mandat unique. "Un hara-kiri électoral" pour le maire de Quimper, Bernard Poignant. Tout comme Gérard Collomb, maire de Lyon pour qui "le maire d’une grande ville qui n’est pas en même temps parlementaire et ne peut pas parler avec les ministres, c’est quelqu’un qui ne peut pas gérer sa ville". Une définition du rôle et de la fonction du politique qui ne se clive pas entre anciens et nouveaux élus, comme on l’entend parfois, puisque le benjamin PS de l’Assemblée Nationale, Olivier Dussopt, est aussi maire d’Annonay, commune de plus de 17 000 habitants. Et l’UMP Franck Riester, 35 ans, maire de Coulommiers.
L’inflation du nombre de cumulards, de 37,5% sous la IIIème République à 42% sous la IV puis 85% actuellement, suit la lente et progressive dépossession du Parlement de sa mission première : faire la loi. Cette inflation s’explique par le fait que 90% des projets de lois sont d’origine gouvernementale et conduisent à maintenir un taux élevé de cumulards qui rabattent leur exercice -et leur temps- de pouvoir à l’échelon local.
De surcroît, l’émiettement de la décision entre communes, départements, régions entretient nos chers élus à reproduire un modèle typiquement français. C’est "cet état de fait, qui nuit à la crédibilité du Parlement" et qui "est la preuve évidente que l’institution parlementaire elle-même a reconnu sa propre faiblesse et qu’elle s’en accommode" commente Paul Quilès, ancien ministre de l’Intérieur socialiste.
Cet état de "schizophrénie" entre l’élu, animateur de territoire, qui laboure la circonscription 5 jours sur 7 (hors mardi et mercredi à Paris) et l’élu législateur- représentant de la Nation, trouve une acuité toute particulière au PS. Fondés historiquement autour de bases militantes, dans les sections et fédérations, le tissu de notables et élus socialistes sont les produits d’une démocratie interne qui constitue la base du Parti. Peu étonnant donc qu’en l’absence d’une figure qui transcende ce maillage qui contrôle aujourd’hui 20 des 22 régions et 59 des 101 départements, le PS court comme un canard sans tête.
Ce ne sont pourtant pas les intentions qui ont manqués de corriger cet infléchissement depuis 25 ans. En 1985, Laurent Fabius adopte une première réglementation peu restrictive. Jospin emboite le pas en 2000 en interdisant aux députés de détenir plus d’une fonction élective locale (maire, conseiller général, régional). François Hollande en 2004 échoue à imposer le non cumul strict. Et Ségolène Royal inscrit la proposition dans son défunt programme présidentiel.
Le vote d’hier constitue-il donc la révolution interne tant attendue au PS pour le renouvellement de ses cadres ? Deux constats risquent de nuancer la portée de cette modification sur le cumul des mandats.
Primo, politique. A court terme, un bon résultat des socialistes aux régionales en mars prochain donnera raison aux barons qu’un enracinement local est un gage de peser dans le rapport de force politique national. Les scores des députés/Présidents de régions Alain Rousset en Aquitaine, Michelle Vauzelle en PACA, Jean-Jacques Queyranne en Rhône-Alpes, Daniel Percheron au Pas-de-Calais seront des indicateurs des marges de manœuvre possible d’un renouvellement de ses élus.
Secundo, institutionnel. Le mode de scrutin législatif et l’inversion du calendrier opérée par Jospin en 2000 sont des obstacles à une régénération des cadres. Puisque dorénavant on vote pour son Président avant son député, l’élection de l’un entraîne le choix des candidats dans les circonscriptions de l’autre.
Autant dire que si un président socialiste est élu en 2012, le meilleur moyen pour lui d’obtenir une très large majorité à l’Assemblée nationale sera de reconduire les députés au capital politique local fort. D’autant que l’élection législative se joue à deux tours et qu’il convient pour briguer le poste de faire des alliances avec sa famille politique locale : légitimité dont seul jouissent souvent les députés cumulards.
Des contingences politiques surmontables malgré le vote d’hier ? On peut en douter.
Lire ou relire sur Bakchich :
Le cumul des indemnités n’est pas LE problème. Tout travail mérite salaire. MAIS comment un député qui annonce qu’il sera présent 2 jours par semaine à l’Assemblée peut-il faire son travail ? Comment peut-il trancher entre des conflits d’intérêt entre deux agglomérations, dont une est aussi sa mairie ?
Commentaire posté sur son blog (07.06.08) : "En tant que candidat à la mairie il a annoncé que le travail de député ne l’éloignera que deux jours par semaine durant 29 semaines (06.03.2008, ce calcul est faux, la loi prévoit jusqu’à 120 jours de session par an et non 58) et qu’il pourra même traiter les dossiers d’Annonay à Paris."
Sans compter la "Présidence du syndicat mixte du Pays Ardèche Verte" n’entrant pas dans le cadre de la limitation.
Rien qu’en vie associative, tout le monde sait qu’il y a des choix à faire.
Finalement, ces chers élus, pensent-ils qu’ils sont élus en tant que personne (Mme ou M. X) ou en tant que soutenu par un parti (UMP, PS…) ?
Je n’ai pas voté pour M. X. mais pour M. X. présenté par un parti. D’accord si M. Balkany avait été sur une présentée par un parti ayant ma sympathie, je n’aurais pas voté pour lui, comme j’ai bien voté Chirac face à Le Pen (cas de force majeure).
Il est à noter que les maires ont été élus après les députés, si cela avait été dans le sens contraire, j’aurais probablement voté blanc pour les législatives.