Trois ans après avoir quitté les pelotons, l’Américain Lance Armstrong, qui a annoncé mercredi son retour dans la grande boucle au sein de l’équipe Astana, s’est lancé un dernier défi : revenir et gagner, malgré les lourds soupçons de dopage qui pèsent sur lui.
Lance Armstrong, depuis son premier come-back en 1998, a toujours roulé en dehors des clous. S’il ne se dope pas au même niveau que ses principaux adversaires, il n’a aucune chance de remporter un huitième Tour de France. Pour la grande boucle 2009, il ne prend pas de gros risques de se faire épingler par la patrouille puisque encore aujourd’hui il existe de nombreuses possibilités de se « sublimer » sans être contrôlé positif.
Trois ans après avoir quitté les pelotons, l’Américain Lance Armstrong, sept fois vainqueur du Tour de France, s’est lancé un dernier défi : revenir, sur fond de soupçons de dopage, pour encourager la lutte contre le cancer, une maladie qu’il a combattue avec succès. Visage émacié, regard d’acier, Lance Armstrong – 37 ans le 18 septembre – n’a apparemment pas changé. Nulle trace de l’embonpoint qui guette les sportifs en retraite. Retiré des pelotons depuis juillet 2005, au soir de sa septième victoire consécutive dans le Tour de France – un record – il affiche toujours la même détermination. Invincible en contre la monte, hallucinant de facilité en montagne – alors qu’avant son cancer ce n’était pas son fort – il accumule 7 victoires finales entre 1999 et 2005. Soulevant au passage de multiples interrogations sur ses mystérieuses méthodes de préparation. « Des suspicions avaient accompagné ses victoires depuis 1999 » a rappelé Christian Prudhomme, le directeur du Tour de France, soulignant que le coureur serait accepté sur la grande boucle en 2009 s’il respectait les règles concernant notamment la lutte antidopage.
« Dès lors que son équipe que l’on ne connaît pas et lui-même se soumettront aux règles concernant notamment le dopage et l’antidopage dont la perception a beaucoup évolué ces dernières années, dès lors qu’il sera au sommet, on l’acceptera », a-t-il déclaré. Rappelons au nouveau patron du Tour que Lance Armstrong a toujours respecté les règles antidopage pendant son septennat puisqu’il n’a jamais été contrôlé positif officiellement !
Peut-on croire Armstrong lorsqu’il se présente comme un coureur propre, disposé à subir les contrôles les plus sophistiqués afin de lever tous les doutes ? Depuis son premier succès sur le Tour en 1999, que ce soit dans ses ouvrages ou dans ses interviews écrites et parlées où il tente, sans succès, d’évacuer la suspicion, les arguments qu’il avance sont peu crédibles. Par exemple lorsqu’il traite d’ânes les journalistes qui suggèrent qu’on lui aurait donné, pendant son traitement contre le cancer, des thérapeutiques qui auraient pu ensuite améliorer ses performances athlétiques. « N’importe quel oncologue de n’importe quel pays au monde, serait mort de rire en entendant une ânerie pareille » commente-t-il. A croire qu’il n’a pas lu ses propres livres ! Dans sa première biographie [1], l’Américain explique que lors du troisième cycle de chimiothérapie, ses médecins lui ont administré de l’érythropoïétine, la fameuse EPO des dopés. Dans ce cas, l’usage était bien sûr justifié par une anémie due aux traitements.
Mais pourquoi ne pas avoir clairement annoncé la couleur au lieu de brocarder la presse et de répéter à chaque fois qu’on lui pose la question qu’il ne sait rien du médicament et de son utilisation dans le peloton ? D’autant que l’ÉPO n’est pas le seul médicament interdit qu’il va prendre pendant sa maladie. Dans sa deuxième biographie « Chaque seconde compte » [2], il révèle aussi que ses médecins lui prescrivent un facteur de croissance prohibé dans le domaine sportif du Neupogen® (filgrastim) qui agit sur les différentes lignées des cellules du sang. En usage dopant, on l’associe parfois à l’ÉPO et à l’interleukine 3 ou alors on l’utilise pour maintenir les défenses immunitaires tout en consommant des corticostéroïdes. L’hypothèse des journalistes était donc loin d’être idiote ! Sans préjuger d’un usage en course, on doit se rendre à l’évidence : Armstrong connaît beaucoup mieux les différents dopants qu’il ne veut bien le dire.
« Je suis la personne dont les urines sont les plus surveillées de la planète » déclarait souvent l’Américain qui se retranche systématiquement derrière des contrôles antidopage négatifs pour attester de sa bonne foi. Seulement, on sait que ces tests ne sont pas fiables à 100%. Et lorsqu’on gratte un peu, on s’aperçoit que chacune de ses prestations dans le Tour a donné cours à de grosses polémiques. Le 4 juillet 1999, il est testé positif à un glucocorticoïde, la triamcinolone, au terme de la première étape. Sur le procès-verbal du contrôle, on remarque qu’aucune prise médicamenteuse n’est signalée. Lorsque le laboratoire antidopage de Châtenay-Malabry notifiera le cas positif, l’Union cycliste internationale se contentera de l’explication classique invoquant a posteriori un traitement par pommade à la cortisone pour une inflammation du périnée. Dans « LA Confidentiel », la biographie non autorisée d’Armstrong parue en 2004 [3], Emma O’Reilly qui était la masseuse attitrée de Lance à cette époque, avoue n’avoir rien su de ces éventuelles douleurs à la selle. Affaire classée.
L’année suivante : nouveau scandale ! C’est l’affaire des poubelles de l’US Postal. Des journalistes de France 3 récupèrent les déchets abandonnés en catimini par des hommes de mains et découvrent des emballages de médicaments, des seringues et matériels de perfusion. Au total, treize produits différents sont répertoriés, dont plusieurs sont destinés clairement à médicaliser la performance. Lors du Tour suivant, c’est sa collaboration avec le sulfureux docteur italien Michele Ferrari, révélée dans le Sunday Times, qui contribue à épaissir le doute sur le « soutien biologique » de l’Américain. A la veille de la présentation du Tour 2002, Ferrari confirme qu’il conseille Lance Armstrong chaque jour de la course via le téléphone portable de son directeur sportif Johan Bruyneel. Mais les heures de cette collaboration sont comptées. Au début du mois d’octobre 2004, le docteur Ferrari, surnommé « le Mythe », était condamné à un an de prison avec sursis pour fraude sportive et exercice abusif de la profession de pharmacien, ainsi qu’à 900 euros d’amende et 12 mois d’interdiction de l’exercice de la médecine. Ces accusations ont le don d’exaspérer Armstrong. Lors du Tour 2004, le cycliste italien Filippo Simeoni s’entend traité de menteur après sa déposition devant le tribunal de Bologne. Dans la foulée, l’Italien porte plainte pour diffamation. En rétorsion, Armstrong s’emploie à contrer pendant le Tour toutes ses tentatives d’échappée. « Tu n’aurais pas dû témoigner au procès Ferrari » lui souffle Armstrong. « Tu n’aurais pas dû porter plainte contre moi. J’ai du temps et de l’argent, je te détruirai ! » Charmant !
Après son médecin, Lance Armstrong a perdu son meilleur pote dans les pelotons 2005, Tyler Hamilton, convaincu de dopage sanguin lors de la Vuelta 2004. Les deux hommes étaient extrêmement proches et, même s’ils ne couraient plus pour la même équipe, ils avaient conservé de forts liens d’amitié ; Hamilton poussant même la complicité jusqu’à s’installer en Espagne dans la région de Gérone où résidait Armstrong pendant la période des courses. Cette histoire nous rappelle certains passages de l’interview qu’Armstrong avait accordé à Pierre Ballester – alors journaliste à l’Équipe – lors du Tour 1999 « Et le dopage en cyclisme ? » avait osé le journaliste au cours de la discussion. La réponse d’Armstrong avait été dans la lignée de celle de pratiquement tous ses prédécesseurs en jaune qui nient mordicus bénéficier d’une aide artificielle pour être généralement démasqués quelques mois ou quelques années plus tard. « Je n’en sais rien, en tout cas, personne dans mon équipe ne se dope et jamais dans mes équipes précédentes et jamais non plus lors de mes entraînements ». Ballester demanda alors à Armstrong si lui et ses coéquipiers de l’US Postal parlaient parfois de dopage entre eux : « Non, nous n’en parlons pas. Moi, je ne parle que de ce je connais personnellement. Je sais qu’il y a des problèmes dans d’autres équipes, mais nous n’en parlons pas, nous sommes bien trop occupés en tête de peloton ». L’hypocrisie consiste ici à suggérer qu’il faut faire un choix entre la performance sportive et le dopage.
Au fil des saisons, Armstrong refusait de plus en plus d’évoquer la tricherie biologique avec la presse ou alors n’abordait le sujet que pour se présenter comme un prosélyte du sport propre. Or, après les témoignages à charge de sa masseuse Emma O’Reilly, du cycliste Filippo Simeoni (confirmant que le médecin d’Armstrong – Michele Ferrari – est bien un dopeur), de son ancien coéquipier chez Motorola Stepehn Swart expliquant que « c’était à notre discrétion de prendre ou ne pas prendre de l’ÉPO » et de Mike Anderson son ancien homme à tout faire engagé en 2002 et finalement licencié en novembre 2004, qui met également en cause son ex-patron sur deux faits précis. En premier lieu la découverte dans la salle de bains de l’appartement de Gerone en Espagne d’une boîte d’ « Androstenin ou quelque chose de très proche ». (NDLR : un précurseur de la testostérone, le chef de file des anabolisants). Le produit mis en cause n’est pas vraiment inconnu de l’entourage professionnel du Texan puisque son ami, le Dr Michele Ferrari qui s’occupait de ses tests physiologiques, en avait dans sa pharmacie. L’enquête de la justice italienne qui a aboutit à la condamnation du toubib de l’ombre de Lance pour fraude sportive et exercice illégal de la profession de pharmacien, avait révélé l’identité des 18 médicaments (dont 15 figurent sur la liste rouge de l’Agence mondiale antidopage) trouvés chez ce praticien très controversé. Or, parmi eux, l’Androsten® un très proche parent de l’Androstenin.
La deuxième accusation porte sur un « no show » (non présentation ou carence) à un contrôle inopiné et est à mettre en parallèle avec la profession de foi d’Armstrong, exprimée dans le quotidien L’Équipe (12.04.2001) : « Je suis accessible à tout le monde. A la justice, je peux donner tout ce qu’elle veut : mon sang, mon urine, mes cheveux et je ne sais quoi d’autre ! Aux journalistes, j’ouvrirai ma porte, mais en échange je vous demande un traitement correct et honnête… » et réitérée dans son second ouvrage « Chaque seconde compte » (2). Nous savons par expérience que la majorité des repentis ne disent la vérité qu’une fois qu’ils sont exclus du milieu cycliste ou sous la pression médiatico-judiciaire pour soulager leur conscience. Depuis l’affaire Festina, le gruppetto des « moments de vérité » ne fait que croître : Erwann Mentheour, Willy Voet, Bruno Roussel, Jérôme Chiotti, Jesus Manzano, Philippe Gaumont, Robert Sassone, Frankie Andreu, Bjarne Riis etc.. Dans cette passe d’arme entre Armstrong et son ex-employé, nous aurions plutôt tendance à croire les « moments de vérité » du deuxième. Rappelons que plusieurs précédents ont démontré que chaque fois qu’un athlète ou un groupe d’athlètes dominaient avec insolence le reste du monde, le dopage faisait partie intégrante des adjuvants de leur préparation. Citons pêle-mêle, Ben Johnson, Marion Jones, Tim Montgomery, les Allemands de l’Est surtout en natation et athlétisme féminin, les Chinois également en natation et athlétisme féminin, les cyclistes italiens des années 1990 et suivantes, notamment de la Gewiss lors de la Flèche Wallonne 1994, les cyclistes espagnols prédateurs de podiums depuis une décennie (des soins hors normes confirmées par l’opération Puerto en 2006).
Malgré tous ces témoignages à charge, certains – contre l’évidence – continuent à défendre le Lazare du vélo. Rien d’étonnant si on comptabilise parmi ses nombreux supporters le peuple américain et son président George Bush. En revanche, beaucoup plus surprenant d’y trouver Nicolas Sarkozy (L’Équipe Magazine, 2007, n° 129, 31 mars, pp 46-48) grand expert autoproclamé de la petite reine : « Le parcours de Lance Armstrong est exceptionnel. A 21 ans, il était champion du monde. Il apprend qu’il a un cancer des testicules, il se fait opérer et, malgré ça, il revient et gagne sept Tour de France ! Et vous voudriez que je n’éprouve pas d’admiration. Mais attendez s’il y a une pilule, il faut me la donner ! » Lui qui prône la tolérance zéro avec son inénarrable ministre de la Santé et des Sports, Roselyne Bachelot, on aimerait connaître lors de la dernière campagne présidentielle, la nature des pilules qui lui ont permis d’enfiler les meetings aux six coins de l’Hexagone comme d’autres les perles et d’être présent dans les médias quotidiennement. Pour bien montrer que l’homme qui veut humilier le Tour de France une huitième fois lit la presse française, récemment, il aurait appelé Sarkozy pour lui annoncer ses intentions de come-back : « Par le passé, il m’a dit des choses très fortes »(6) Bien sûr, les partisans d’un sport propre souhaitent que la lutte antidopage vienne au secours des athlètes sains qui, malheureusement, ne peuvent, à ce jour, démontrer qu’ils le sont avec le manque d’efficacité chronique des radars de l’Agence mondiale antidopage. Le paradoxe actuel est que la lutte antidopage labellise propre les tricheurs. Armstrong en a bien profité et il est persuadé que cela va continuer.
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