Deux bambins de 6 et 10 ans cuisinés au commissariat pour une affaire de vol de vélo ? Le ridicule ne tue pas certains flics. Du côté de la justice des mineurs, on retrouve parfois les mêmes travers. Troisième épisode des péripéties de Paul et Virginie, notre jeune couple de primo-délinquants.
Paul et Virginie, âgés de 16 ans, s’aimaient d’amour tendre. Ils se retrouvent à la gare pour réserver leur billet de train. Un attroupement de jeunes manifeste contre la loi sur l’autonomie des universités.
Curieux, ils se rapprochent pour savoir ce qu’il se passe. Les CRS sont là pour assurer le maintien de l’ordre. Les injures fusent, les premiers projectiles sont lancés en direction des policiers, un jeune prend une barre de fer et menace la police. Une vitrine s’affaisse dans un vacarme assourdissant. Bousculades, cris, bagarre. Tout va très vite. A l’instar d’autres jeunes, Paul sort son portable et filme la scène « pour rigoler ». La police intervient et parvient à interpeller dans la confusion générale une vingtaine de jeunes. Paul est pris. Il proteste, en vain. Il est emmené au commissariat.
Deux infractions :
1. Violences en réunion sur agents de police dans un lieu protégé : peine encourue = 7 ans de prison.
2. Enregistrement d’images d’atteinte à l’intégrité de la personne à d’autres fins que l’information du public ou la preuve en justice : peine encourue = prison.
NB : En principe, un mineur encourt la moitié de la peine encourue par un majeur.
Il est placé en garde à vue. Au bout de 24 heures, le Procureur le reçoit et décide la prolongation de la garde à vue pour 24 heures supplémentaires maximum.
L’affaire est sensible. Violences urbaines. La Chancellerie est avisée.
Paul peut demander l’assistance d’un avocat. Il sera vu obligatoirement par un médecin. Il figurera sur le fichier STIC (Système de traitement des infractions constatées) de la police, quelle que soit l’issue de la procédure. Les parents sont appelés et entendus.
Le Procureur avisé demandera son défèrement. Le jeune est connu. Le STIC mentionne deux affaires récentes : ILS (infraction à la législation des stupéfiants) et vol de scooter. Il sera placé au dépôt pour 20 heures supplémentaires. Il aura subi trois fouilles au corps.
Il sera entendu par le juge des enfants, assisté par son avocat. Le juge appréciera s’il existe des charges suffisantes contre lui pour décider ou non de le mettre en examen. La discussion juridique portera sur sa participation ou non aux violences, et sur l’existence ou non du délit d’enregistrement à des fins « non légitimes ». La loi est récente (mars 2007), la jurisprudence encore incertaine. Le juge s’interrogera au delà de la matérialité des faits - Paul n’a pas donné de coups, par contre il a filmé la scène - sur l’intention de Paul. En filmant cette scène, voulait-il se rendre complice des auteurs des violences ?
Le juge des enfants pourra décider de mesures d’instruction, procéder à des vérifications, des auditions de témoins, des confrontations afin d’établir la réalité des faits. Il s’intéressera aussi à la personnalité de Paul. Qui est ce jeune ? Quelle est son histoire ? Ses parents peuvent-ils exercer leur autorité, échappe-t-il à tout contrôle ? Les parents ont-ils des exigences éducatives adaptées et cohérentes ? Est-il scolarisé, en quelle classe, avec quels résultats scolaires ? Les parents ont-ils besoin d’aide et de soutien ?
Les décisions seront prises après discussions avec le jeune, ses parents et l’avocat. Le juge pourra avant jugement sur le fond décider de faire suivre Paul par un service éducatif ou lui demander de faire une activité de réparation, passer quelques jours pris sur son temps de loisirs dans une association caritative du type Restos du cœur, faire une recherche sur les enjeux de la réforme sur l’université, passer quelques jours dans un commissariat pour découvrir les difficultés du métier de policier, suivre un stage de citoyenneté…
Un service éducatif sera missionné pour intervenir dans la famille s’il apparaît que ce jeune est confronté à des difficultés relationnelles avec ses parents ou des difficultés d’insertion scolaire ou de formation professionnelle.
Enfin, il sera jugé quelques mois plus tard après que le juge ait fait son enquête sur l’imputabilité des faits reprochés à Paul et après une période d’observation du jeune. Le juge tiendra compte de l’ensemble de ces informations et de l’évolution du jeune pour prendre sa décision.
Le juge dispose d’une faculté d’appréciation, mais pour combien de temps encore ? La justice des mineurs qui donne la priorité à l’éducatif est fortement remise en cause au bénéfice d’une aggravation de la sanction pénale et d’une incarcération plus rapide.
Pour en savoir plus, suivez les prochains débats sur la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 et consultez le site : quelfuturpourlesjeunesdelinquants.fr
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