Dernier volet de la série sur les démêlés de Paul et Virginie, des enfants ordinaires, face à la justice des mineurs. La gifle de Virginie peut lui coûter cher.
Paul et Virginie s’aimaient d’amour tendre. Virginie apprend par une copine que Paul flirterait avec une autre fille du collège, pas mal et qui se la joue. Virginie ne veut pas montrer sa jalousie et sa colère. Elle est désemparée, ne comprend pas. Faut-il aller voir Paul ? La rivale ? Envoyer un SMS ?
Pour ne rien arranger, à la maison, les parents sont tendus. Son vieux vient de se faire virer, à cause de la crise, la mondialisation, tout ça. Sa mère lui crie dessus, ses résultats sont insuffisants, elle n’aide pas à la maison, sa chambre est en désordre, le soir, elle doit rentrer direct après l’école. Ça ne va plus, personne ne l’aime, elle se trouve moche et bête.
Au collège : la prof d’anglais lui demande d’enlever ses écouteurs alors que le cours est fini. Virginie passe outre, la prof insiste, la jeune s’énerve, le ton monte, la prof essaie d’enlever d’autorité les écouteurs de Virginie. Celle-ci se rebiffe, repousse et gifle son professeur, d’autres jeunes s’en mêlent, il y a des projectiles lancés sur le professeur qui tombe et se blesse. Elle a une ITT (interruption temporaire de travail) de trois jours et sera finalement arrêtée un mois pour traumatisme psychologique.
Infraction :
Violences volontaires en réunion sur personne chargée d’une mission de service public : peine encourue = 5 ans et 75 000 euros d’amende.
NB. : En principe, le mineur encourt la moitié de la peine encourue par un majeur.
La police est avisée. La jeune sera entendue ainsi que ses parents au commissariat. Elle sera assistée par un avocat si elle le demande (elle ou ses parents), elle sera examinée obligatoirement par un médecin. Le procureur décidera de l’orientation de la procédure. Si la jeune est connue (un antécédent de recel), il décidera de saisir le juge des enfants.
Le juge des enfants convoquera la mineure et ses parents pour une mise en examen pour des faits de violences volontaires en réunion sur la victime. Virginie, assistée de son avocat, s’expliquera sur les faits qui lui sont reprochés. Le juge l’interrogera sur les raisons de sa réaction, Virginie expliquera dans quel contexte cela s’est passé, ses relations avec ses parents plus que tendues depuis quelques temps, l’éloignement de Paul, ses résultats scolaires en baisse, ses doutes sur ses capacités, pas le moral, envie de tout arrêter et quitter ses parents Elle demande un foyer.
Le juge apprendra qu’elle passe en conseil de discipline et qu’elle risque l’exclusion. Les parents sont inquiets et ne comprennent pas ce qui se passe.
Dans le cadre de cette affaire pénale, le juge écoutera la jeune, ses parents et l’avocat. Il expliquera son rôle, l’aide qu’il peut apporter à la famille qui traverse une période difficile. Il fixera des objectifs à atteindre. Il se donnera le temps d’évaluer la situation familiale, en recourant à des équipes éducatives composées d’éducateurs, de psychologues et de psychiatres. Il pourra ordonner une mesure de liberté surveillée avant jugement. Et c’est à l’issue d’un délai variable d’au moins six mois et parfois davantage qu’il prendra une décision qui tiendra compte des faits mais aussi du contexte de l’époque et de l’évolution de Virginie.
Il apprendra que Virginie a été exclue du collège, qu’elle a été orientée vers une filière artistique qui, avec une formation en alternance, répond mieux à ses désirs. Il apprendra également que son idylle avec Paul est terminée mais qu’ils sont restés en bons termes, que les parents sont séparés et que Virginie bénéficie d’un soutien thérapeutique préconisé par l’équipe éducative. Les rendez-vous avec son éducatrice se poursuivent, aident Virginie à se construire. Mais la situation reste fragile.
Un an après, à l’audience de jugement, Virginie est déclarée coupable des faits qui lui sont reprochés, une mesure de liberté surveillée est prononcée jusqu’à sa majorité (l’éducatrice continuera de la rencontrer régulièrement pour assurer le suivi éducatif jusqu’à ses 18 ans). La victime se constitue partie civile. Il est fait droit à sa demande de dommages et intérêts à laquelle Virginie et ses parents sont condamnés.
Heureusement, jusqu’à ce jour, l’affaire peut encore être instruite par un juge des enfants et se solder par une mesure éducative. Le juge des enfants est là pour entendre, comprendre et juger, mais pour combien de temps encore ? La justice des mineurs qui donne la priorité à l’éducatif est fortement remise en cause au bénéfice d’une aggravation de la sanction pénale et d’une incarcération plus rapide.
Pour en savoir plus, suivez les prochains débats sur la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 et consultez le site : quelfuturpourlesjeunesdelinquants.fr
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