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outré

Outreau tue la réforme pénale

10 septembre 2009 à 18h53

L’affaire d’Outreau donne corps à la détestation larvée du juge d’instruction. Pourtant, l’examen de son dossier montre que la mesure phare de la réforme –faire instruire par le procureur sous le contrôle du nouveau juge de l’enquête et des libertés, à la place de l’ancien juge d’instruction- malmène les libertés publiques.

De l’utilité de l’instruction à décharge

Outreau a déjà été instruit en pratique par trois procureurs : le juge Burgaud, le procureur Lesigne et le second juge d’instruction Cyril Lacombe. Les deux juges d’instruction n’ont, comme le procureur, considéré que les éléments à charge : les accusations de deux personnes mises en examen -dont Myriam Badaoui- et les déclarations des enfants. Ils n’ont pas vu que le caractère démentiel de ces allégations les condamnaient. Par exemple, ils ont cru qu’un berger allemand avait pu ‘violer’ Myriam Badaoui et que, pour éviter les traces de griffes, on lui avait bandé les pattes ! Les 3 procureurs ont ignoré les éléments à décharge : deux enquêtes de voisinage à un an d’intervalle montrant que personne dans l’immeuble n’avait vu des violeurs et des mineurs se rendre chez les Delay ; la piste pédophile belge non confirmée ; l’impossibilité de découvrir le corps d’une petite fille ‘tuée’ chez les Delay et ‘enterrée’ dans un jardin ; le fait que le dénonciateur de ce ‘crime’ –un autre mis en examen- avouait quelques semaines plus tard avoir menti. Ces éléments ridiculisaient les accusations.

Outreau : les procureurs ont eu tout faux

Les trois procureurs ont interprété à charge des éléments à décharge : l’expert psychologue disait avoir relevé chez les mis en examen certains traits de caractère des abuseurs sexuels pourtant véniels (immaturité affective et égocentrisme) mais il constatait aussi l’absence de toute perversité. Les experts psychiatres ne relevaient rien d’anormal. Or, sous la plume des procureurs, on ne retrouvait que les traits d’abuseurs sexuels ! Ces procureurs ont aussi déformé des éléments à décharge : le résultat des expertises médicales des enfants Delay ne montrait aucune trace de sévices. Les 2 premiers procureurs ont fait faire une nouvelle expertise des enfants : aux experts, il était demandé si l’absence de trace pouvait s’expliquer par l’emploi de gel comme le disaient les accusateurs. Réponse suiviste : oui, et les constatations médicales rejoignent celles du dossier ! Pas de preuve égale davantage de preuve !

Un maquillage des preuves à décharge

Les trois procureurs ont ‘maquillé’ les preuves à décharge : voyant que la piste du ‘meurtre’ de l’enfant tournait court, les 2 premiers l’ont disjointe du dossier principal pour en faire une autre procédure, ce qui empêchait la défense de s’en servir et le 3ème a relayé cet ‘avantage à charge’ dans son ordonnance de fin d’instruction. Aucun des trois n’a voulu voir que, à l’occasion du placement des enfants Delay en famille d’accueil dans les années précédentes, les intervenants sociaux considéraient Myriam Badaoui comme une affabulatrice, manipulant les gens et s’exhibant sur le plan psychologique.

Enfin, le 3ème procureur –le 2ème juge d’instruction- a même décidé de renvoyer devant la cour d’assises un mis en examen pour lequel le procureur en titre voulait un non-lieu !

Voilà le genre d’instruction que le parquet pourrait mener à l’avenir.

L’illusion de la protection du nouveau juge de l’enquête

Il faut remarquer que, dans cette affaire, tout était dans le dossier car le juge d’instruction cherche la vérité : il saisit tout ce qui est saisissable. Que se passera-t-il quand le parquet fera l’enquête ? Dans les dossiers actuels qu’il conduit, on trouve surtout des charges, les alibis ne sont pas vérifiés et parfois les officiers de police judiciaire travestissent leurs constatations.

Le juge d’instruction doit aussi interpréter de façon impartiale les éléments qu’il a collectés. D’où le rôle fondamental de la défense : non pas (faire) chercher des preuves à décharge (elles y sont déjà) mais tout analyser à décharge. Or, Outreau montre aussi une faillite de la défense pendant l’instruction. Très rares sont les avocats qui firent des demandes de mise en liberté et qui critiquaient en détail les preuves contre leur client (un juge des libertés et de la détention –‘JLD’- s’en est étonné devant la commission d’enquête, expliquant avoir libéré un mis en examen car il avait lu le mémoire de son avocat) ; même ces demandes ne visaient pas tous les éléments à décharge ; aucun entretien n’a eu lieu avec le juge des libertés avant ses décisions ; beaucoup de demandes d’enquête ne tenaient pas compte des éléments déjà au dossier ; aucune demande d’annulation des mises en examen n’a été formulée ; aucune démarche n’a été entreprise auprès du président de la chambre d’instruction, etc.

Que se passera-t-il quand, en plus de devoir analyser le dossier du procureur, il faudra demander des enquêtes pour chercher des preuves à décharges ?

La protection du nouveau juge de l’enquête et des libertés est illusoire : l’actuel JLD qui intervient de façon comparable dans certains cas entérine presque toutes les demandes du parquet.

La garantie de base doit être la communication du dossier à la défense le plus vite possible.

Affaire Villepin : un combat de pieds nickelés

6 Messages de forum

  • Parité InFemme dans L’OUTREAU Mère

    11 septembre 2009 19:59, par papapio...
    On s’en rend d’autant plus compte dans les ordonnances rendues aux JAFs ou 85.5% des Pères continus à être déboutés de l’application des Lois Paritaires Éducatives, votées mais bafouées depuis 15 ans. Des lois présentées comme des thèses impliquant des antithèses et donc des anti-lois, ce n’est plus acceptable. Encore une fois c’est l’impunité immunitaire des Magistrats qui est en cause. 66% des Français mécontents de leur justice et rien ne devrais encore changer ?!… n’importe lequel d’entre nous serais mis à la porte avec faute grave, sans indemnité ni préavis et livré à la vindicte populaire. C’est révoltant, ignoble, inhumain et indigne de ceux qui doivent donner l’exemple et sont d’autant plus responsable face au public et enfants. Ces semblants de réformes qui maintiennent l’immunité corporatiste sur le dos de ceux qui souffrent du carriérisme à ’OUTRANce doivent cesser d’urgence pour retrouver du "crédit" et pas seulement en €… Il y a des milliers de vies brisées derrière les casseroles primées et médaillées de ces gens là… CA SUFFIT…
  • Outreau tue la réforme pénale

    14 septembre 2009 13:55, par bernard
    Bien vu Inchauspé ! Le pays basque aussi est avec toi ! Et tous les Cherbachos s’interrogent.
  • Outreau tue la réforme pénale

    14 septembre 2009 14:05, par marie
    Bien vu ! Et bien exposé ! Inchauspé nous fait craindre le nouveau traitement des crimes et des innocents. L’esprit criminel et le doute souffleront plus fort. La démo est là.

    Voir en ligne : http://bakchich.fr

  • Outreau, la vérité abusée

    6 octobre 2009 10:53, par EDITIONS Hugo&Cie

    OUTREAU, LA VÉRITÉ ABUSÉE

    Parution le 22 Octobre chez Hugo&Cie

    Marie-Christine Gryson-Dejehansart est psychologue clinicienne depuis 25 ans. Elle était également expert judiciaire depuis 15 ans lorsqu’elle fut désignée pour recueillir les témoignages des enfants d’ Outreau concernant les abus sexuels. Elle fut l’un des acteurs majeurs de cette affaire trouble qui a secoué la France entière et qui s’est conclue par un acquittement de la majorité des accusés et par une remise en cause de l’institution judiciaire toute entière. Elle déposera par la suite lors du premier procès à Saint-Omer avant de subir un "lynchage" en règle qui la poussera à prendre du recul.

    Aujourd’hui, elle revient sur cet épisode douloureux. Avec courage, elle brise le silence qu’elle s’était imposé depuis 3 ans pour nous livrer son intime conviction de témoin clé de cette affaire et nous dévoiler sa part de vérité, une vérité qui dérange. • Pour en savoir plus sur le livre : www.outreau-la-verite-abusee.com

    Voir en ligne : http:// www.outreau-la-verite-abusee.com

    • Outreau, la vérité abusée 21 octobre 2009 15:30, par Jean Paul Duval
      Le sous titre off semble être : le lynchage médiatico-judiciare . Le procès fût une parodie de ballet odieux et mal réglé par les "acteurs" de la défense qui plaidaient dans les couloirs et ne lançaient que de oukases et des "Skud" dans le prétoire .Le président du tribunal en aurait lui même convenu. Donc pour éviter un nouveau lynchage inévitable , je conseille vivement à Marie Christine Gryson de ne pas répondre aux invitations des médias pour assurer le "service après vente du livre" Une nouvelle parodie de justice s’engagerait alors et tout le vécu ,le ressenti de ce qu’elle à écrit dans le calme de son bureau avec une paix retrouvée serait à nouveau perturbé par les médias recherchant ,c’est leur métier maintenant , le scoop ,le sensationnel et le "parti des avocats qui ne manqueront pas de réitérer leur pentaomime abjecte de St Omer .
  • Outreau tue la réforme pénale

    21 avril 2010 21:21, par exodus 80
    cette réforme n’est pas au point, j’ai la connaissance d’une personne jugée hier au tribunal de Douais dont la culpabilité n’a pas été vraiment établie, par faute d’un avocat commis d’office.