Lundi 16 mars, Rachida Dati présentait son projet de loi concernant la justice des mineurs. Deux jours avant, des magistrats s’étaient réunis pour en dénoncer l’inanité.
Autant que les déclarations fracassantes de Rachida Dati sur la délinquance des mineurs, les réformes annoncées à la va-vite et sans concertation du ministère de la justice inquiètent les magistrats. L’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, n’a ainsi pas attendu la présentation des grandes lignes du futur code pénal des mineurs, lundi 16 mars, par Rachida Dati, pour la contrecarrer. L’association s’est réunie en Assemblée Générale dans la salle des Criées du Palais de justice de Paris les samedi 14 et dimanche 15 mars.
Bref soulagement peut-être, par rapport à ce que la Garde des Sceaux avait annoncé au mois d’octobre 2008, ce projet de réforme a été un poil modifié. Exit par exemple le projet aberrant de faire passer de 13 à 12 ans l’âge de la responsabilité pénale et donc d’incarcération. Mais la Garde des Sceaux n’a pas pour autant perdu son sens de l’autorité. C’est ainsi qu’elle a lâché : « Nous ne laisserons pas une partie de notre jeunesse s’ancrer dans la délinquance sous prétexte que certains idéologues qui ne vont jamais sur le terrain nous interdisent d’agir ». Nos idéologues de magistrats seront contents de l’apprendre.
Même allégé, le projet de réforme continue d’exaspérer l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille. Qui ne se sent pas plus entendue qu’écoutée.
Au programme de l’AG – à laquelle Bakchich a assisté –, notamment, des critiques bien menées de la commission Varinard. Qui avait été chargée par Rachida Dati, en avril 2008, de réfléchir à une justice des mineurs modernisée, à partir de la remise en cause de l’ordonnance de 45. La commission Varinard s’était fait remarquer pour avoir lancé l’idée de l’incarcération possible dès 12 ans.
Ce samedi après-midi, magistrats, juges des enfants, historiens, enseignants, sociologues, journalistes, pédopsychiatres, et éducateurs se sont passés le micro pour dire « les contradictions » de la commission Varinard et « l’incompétence confirmée de Rachida Dati ». Ainsi que pour simplement signaler qu’ils existent et que leur point de vue ne serait pas complètement inutile pour mener à bien la réforme de la justice des mineurs, évidemment fondamentale. Parmi les absurdités relevées de la commission Varinard, cette proposition : débuter la réinsertion du mineur après seulement un an d’incarcération. Bien. Sauf qu’un mineur ne reste que très rarement plus d’un an en taule !
Pendant l’AG, analyses de pointe ou de simple bon sens s’enchaînent. Une conseillère à la chambre des mineurs d’Aix en Provence, explique par exemple : « L’une des tactiques du gouvernement est d’instiller la peur. La peur, comme moyen de faire passer des réformes indigestes, ça marche toujours ». Au passage, la dame glisse une anecdote : « Quand Martin Hirsch, Haut commissaire à la jeunesse, s’est présenté au ministère de la justice pour discuter de dossiers, on lui a répondu : « On ne s’occupe pas des jeunes ici, on s’occupe des délinquants ! » » Le ton est donné.
Et pour montrer aux Français que les délinquants doivent être punis à la mesure de leurs méfaits, soit davantage qu’ils le sont aujourd’hui, Rachida Dati est prête à tout. Y compris à inventer l’existence d’un délinquant multirécidiviste mineur. L’excellente journaliste du Canard Enchaîné, Dominique Simonnot, avait révélé le petit jeu de la ministre de la justice. Aujourd’hui, elle rappelle l’affaire devant des magistrats, qui en rient, jaune. Souvenons-nous : le 16 octobre 2008, Rachida Dati, invitée d’Arlette Chabot sur France 2, évoquait le cas d’un mineur multirécidiviste incarcéré à l’Etablissement Pour Mineur (EPM) de Marseille. Le mineur de 15 ans avait « commis 190 délits et 52 fois condamné ». « Ce mineur n’a en fait jamais été condamné. Il n’a jamais existé. Et quand j’ai appelé le cabinet de Rachida Dati pour dire que c’était faux, précise la journaliste, on m’a répondu que ce n’est pas grave, que l’important, c’est de faire passer le message. »
Si, au fil des débats, peu de questions restent en suspens, celle, difficile, du rôle des médias dans le traitement du fait divers, n’est pas tranchée.
Pour Dominique Simonnot, « il ne s’agit pas de nous empêcher de lire la rubrique "faits divers", nous aimons ces histoires là, nous sommes ainsi faits. La question est plutôt celle-ci : comment les journalistes peuvent-ils parler de délinquance et de justice des mineurs sans être dans la surenchère ? »
A la question : « Pourquoi les journalistes ne reparlent jamais d’un fait divers mais se contentent bien souvent d’exposer les faits, la victime, le bourreau, les maux, et c’est tout ? ». Dominique Simonnot répond : « Le suivi d’un fait divers, je l’ai fait des tas de fois, des collègues l’ont fait aussi, nous le faisons, mais ça ne marche pas bien, je ne suis pas sûre que ça intéresse beaucoup les lecteurs. » La poule, ou l’oeuf.
Dati est encore loin du compte… les journalistes aussi !
À lire ou relire sur Bakchich.info :
j’avais reçu un sondage sur mon portable sur la pénalisation des gosses avant les élections.
Elle a réussi à modifier la responsabilité pénale de 16 ans à 13, soit un an de moins en dessous de leur projet, Le mal est fait et cette réforme est passée en silence