La mort de Lansana Conté, le président guinéen, a été fort bien gérée. Depuis le temps qu’il était malade, sa succession a bien été préparée.
Des unes de Noël, la Guinée se retrouve désormais coincée dans les fils de dépêche AFP des sites Internet ou dans les brèves des pages internationales.
Après tout, après le creux de l’information du réveillon, où l’Afrique s’invite souvent à la première place (coup d’état de 1999 à Abidjan par exemple), le « news » a repris ses droits. Et la préparation de la cérémonie des vœux de Sarko Ier, puis de tous les ministères, ou la reprise du conflit israélo-palestinien permet à l’actualité de rester chaude.
Et puis quoi ? Oui le vieux Lansana Conté a enfin tiré sa révérence, un lundi 22 décembre. Diabétique à l’extrême, rongé par 24 ans de pouvoir sans partage et une leucémie avancée, le président guinéen a tiré sa révérence. Au moment où on l’attendait le moins, quel manque de classe. Presque 10 ans que le temps du vieux Lansana était conté. Depuis des années, les milieux diplomatiques raillaient. « Il n’a plus que quelques instants de lucidité par jour », « il ne passera pas le trimestre », « sa femme et son entourage dirigent tout ».
Mais aucune des nombreuses grèves, ces deux dernières années, n’auront eu raison de lui. Seulement le temps…pour tout le monde s’organiser.
En mai et juin 2006, comme l’avait raconté Bakchich, les 18 jours de grèves avaient cessé sans trop de heurts… Entre 11 et 21 morts chez les manifestants, soumis au dur régime de tirs à balles réelles par l’armée. Et entre l’arrivé massive de barbouzes et autres mercenaires, s’est déjà dessiné un joli scénario. Les si sobres officiers guinéens se voyaient bien en « sauveurs de la nation », avant d’organiser « dans des délais raisonnables, des élections libres et démocratiques ». Prévoyant, le chef d’Etat major Kerfalla Camara s’était même rendu à Paris en février dernier, histoire de se faire adouber. Ancien du régime de Sékou Touré et du Comité militaire de redressement national (CMRN) qui lui succéda en 1984 - avant que Conté n’y fasse le ménage - Camara connaissait la maison et les méthodes. Las le général a cassé sa pipe en septembre 2007. « Certes, mais le scénario est à peu près resté le même », confie une vieille concierge des palais africains.
Un capitaine obscur de l’armée, Moussa Dadis Camara qui prend le pouvoir le 23 décembre. Un gouvernement qui après quelques simagrées, reconnaît la junte militaire mise en place. L’Union Africaine qui le 29 décembre pousse des cris d’orfraie. Et un leader africain, en parallèle, Abdoulaye Wade, le président sénégalais, qui appelle la communauté internationale et la France « à prendre les putschistes au mot ». À savoir, organiser des élections d’ici 2010…
« L’armée a pris le pouvoir comme c’était prévu depuis longtemps », pronostique un intermédiaire de la place, « et la société civile ou les politiques ne sont pas prêts de le revoir ».
Quant aux « privés » présents sur place, « ordre nous a été donné de ne pas bouger », confie l’un d’eux à Bakchich. Répartis entre la garde présidentielle, la formation d’un bataillon de Rangers dans un camp à l’Intérieur du pays ou encore des formateurs chinois, les barbouzes qui ont été appelés depuis deux ans n’ont pas bougé une oreille.
Au moins un signe de la continuité de l’Etat guinéen…
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