L’homme politique sait se montrer humble et ne pas se targuer de son glorieux passé national. Surtout quand son camp n’a pas le vent en poupe. Petit exemple illustré avec Gilles de Robien, sémillant maire sortant d’Amiens.
« Mon parti, c’est Amiens ! » En voilà un beau slogan, pondu par le candidat Gilles de Robien. Un vrai leitmotiv. Comme une éponge pour effacer les mémoires, les petites phrases inscrites au tableau noir. À oublier, par exemple, que un an en arrière, durant la campagne présidentielle, Monsieur le maire s’élançait derrière Nicolas Sarkozy, le qualifiait de « humain, chaleureux, drôle ». Du coup, il se déclare soudain « apartisan ».
À oublier, surtout, qu’il se défoulait sur François Bayrou, un être « immoral », « odieux », « irresponsable », « malsain pour la République », « nuisible au gouvernement et à la France », avec « un comportement moins digne que Le Pen », etc. Il retrouve maintenant de la hauteur, « loin des clivages politiciens ».
À oublier, enfin, qu’il figurait en bon rang dans les gouvernements Raffarin-Villepin. Qu’il soutenait le CPE mordicus, qu’il supprimait des postes de profs par milliers à l’Education Nationale, qu’il cassait les HLM au Ministère du Logement (« 2003 restera comme la plus mauvaise année pour le logement social en France depuis 1953 », écrivait la Fondation abbé Pierre). Désormais, la « cohésion sociale » apparaît comme sa « priorité ». À oublier, tout ça, avec d’autant plus d’urgence que sa ville a voté pour Ségolène Royal à 54%. Qu’à toutes les élections nationales Amiens penche à gauche.
Alors, pour organiser l’amnésie, Gilles de Robien met les bouchées doubles. Un super-lifting de printemps.
Il a fallu, d’abord, repousser les assauts du leader de l’UMP dans la Somme : le député Alain Gest. Ce dernier se voyait bien sur la liste, à l’automne, pas tout en haut mais assez haut, et il avançait même une esquisse de programme « pour rendre la capitale picarde plus attractive pour les cadres ». Mais c’était une autre saison. Où l’UMP croyait encore que la France avait viré libérale. Où Nicolas Sarkozy prolongeait son état de grâce, et réclamait de « politiser l’enjeu » municipal : « Ne dites pas qu’on va faire du local, c’est une élection nationale. » L’hiver est passé et la donne a changé : il ne s’agit plus que d’une élection locale. Gilles de Robien en a profité pour retoquer l’intrus, qui postulait à la succession.`
Et depuis janvier, le maire sortant déborde d’apolitisme : il réduit le scrutin à « une élection amiéno-amiénoise », refuse un débat sur France 3 avec son opposant « de gauche » pour n’être pas marqué « de droite », n’affiche, bien sûr, aucune étiquette sur ses tracts, ni l’ « UMP » ni le « Nouveau Centre » qui l’ont investi. Mais revient toujours ce mot d’ordre – martelé : « Mon parti, c’est Amiens ». Au recto du prospectus apparaît le visage d’un habitant ordinaire, et au verso quelques phrases – forcément enthousiastes : « J’ai créé mon commerce et j’y crois. La ville est de plus en plus attractive, les gens y viennent de plus en plus nombreux. Sachons les accueillir. Moi, mon parti, c’est Amiens ! », signé « Cathy ». Ou alors, c’est son portrait à lui qui apparaît, non plus en ministre à costume, mais en papy à polo, Amiénois parmi les Amiénois…
Les électeurs diront si Omo lave plus blanc. S’il existe un gentil Dr Gilles à Amiens et un méchant Mister de Robien à Paris.
Dans la seconde ville du département, Abbeville, concourent trois listes conservatrices. L’une se dit « apolitique », l’autre « indépendante » et la dernière « multipolitique ». C’est presque une tradition, dans l’histoire française, que la droite ne se revendique pas « de droite ». Juste « pragmatique », tant s’adapter avec bon sens suffit à préserver l’ordre des choses…
Mais voilà que l’autre camp en vient, à son tour, à cacher ses partis : à Amiens, par exemple, aucun sigle, ni PS, ni PC, ni Verts, ni PRG, n’orne les documents du candidat de la gauche. Comme si l’organisation politique était devenue un boulet, nom entaché par trop d’affaires, de querelles, de discrédits. Les seuls à se coller une étiquette, à la revendiquer, c’est le dernier né : le Modem. Trop jeune encore pour avoir des casseroles…
Comme ces multinationales qui changent de nom après chaque scandale.
A lire ou relire sur Bakchich.info :
Ne serai ce pas GDR, au temps de son ministére aux transports, qui leur a évité un troiziéme aéroport dénoncé par la plupart d’entre eux, et de lire les articles suivants parus récemment sur leur ville. Amiens : la gestion municipale saluée Dans leur édition du 21 février, le quotidien Les Échos et l’hebdomadaire Challenges consacrent chacun un dossier aux élections municipales, ce, sans négliger la capitale picarde.
Challenges, avec à sa une le maire d’Amiens, Gilles de Robien, propose un “palmarès des maires“ en partenariat avec l’agence de notation indépendante PES (Public Evaluation System). Amiens y est désignée comme la ville de plus de 100 000 habitants la mieux gérée de France. Devant ce résultat, Gilles de Robien, au cours d’une conférence de presse, a tenu à adresser « de vifs remerciements aux fonctionnaires territoriaux ». Le magazine insiste plus particulièrement sur les économies réalisées par Amiens via l’intercommunalité. Même opinion aux Échos, selon qui la ville a évité les « frais de structures supplémentaires » généralement consécutifs de la « montée en puissance » des établissements publics de coopération intercommunale : avec 917 Ä par habitant, Amiens est ainsi dans le quinté de tête des grandes villes de par son faible coût de fonctionnement. Challenges évoque aussi la capacité d’autofinancement de la Ville, la stabilité de sa fiscalité et l’importance des investissements réalisés. Les Échos apportent d’autres informations chiffrées sur les trente-sept plus grosses villes : Amiens est dans le trio de tête en termes de part du logement social (33 % en 2006) et de faible taux de taxe professionnelle. Enfin, elle appartient au cercle restreint des villes dans lesquelles la hausse moyenne annuelle du nombre de créations d’entreprises a atteint la barre des 10 %