Profitant de la manne européenne, Gilles de Robien a troqué sa robe de Premier magistrat pour le casque d’architecte. Quitte à devenir un monomaniaque du béton, au détriment de tout le reste…
Gilles de Robien avait convaincu avec ça : la grue et le bulldozer. Arrivé à la mairie en 1989, dans une ville réputée « grise », « terne », « sale » même, il a largement rénové Amiens : du centre-ville jusqu’au quartier Nord, du complexe sportif le Coliseum à la Maison de la Culture en passant par la place Gambetta, le parc Saint-Pierre, la piscine le Nautilus, etc., il en a posé des « premières pierres ». Et par deux fois, les Amiénois l’ont largement réélu pour ça. Le problème, aujourd’hui, c’est qu’il continue. Qu’il accélère la cadence. Que la ville est devenue, de la gare au cirque Jules Verne, un vaste chantier à ciel ouvert : « Du jamais vu sur Amiens ! », se vante Gilles de Robien en Conseil Municipal. « Plus de 100 millions d’€ d’investissements en 2008 ! » Ici, les architectes sont reçus comme des stars, on choisit les plus grands noms, ils planchent devant des salles combles, et sont présentés dans la presse locale comme des thaumaturges qui « viennent panser les plaies de la ville ». Cette priorité donnée au bâtiment séduit-elle encore ? Ou finit-elle par lasser ? C’est à cette question, notamment, que répondront les élections du 9 mars à Amiens.
La Ville pas pour les enfants car à Amiens comme ailleurs, ce tout béton a son contrepoint, moins visible : les besoins sociaux, non satisfaits. En 2004, Amiens était ainsi classée « 42ème ville sur 42 » au palmarès Fémina pour le « bien-être des petits ». Défait la même année aux élections régionales, face à un socialiste inconnu, minoritaire dans sa propre ville, Gilles de Robien réagit donc : il lançait le programme « la Ville aux enfants ». Sur des plaquettes en papier glacé, la mairie promettait des cadeaux bonux : « la distribution de brosses à dent à l’école », une « webcam à la halte-garderie », un « chèque naissance « Premier enfant » ». Et surtout, elle annonçait : « la Municipalité va créer cent trente places de crèche dans les années à venir. » Voilà qui, déjà, ne paraissait pas excessif pour les « 5000 bébés qui, chaque année, voient le jour à Amiens »… Mais quatre ans plus tard, où en sommes-nous ? Seules 40 places ont vu le jour… Et surtout, cette « Ville aux enfants » n’apparaissait pas comme une priorité dans le budget : en trois ans, la mairie n’a prévu que 2 488 685 € pour la « création et réhabilitation de crèches ». Alors que la municipalité versera cinq fois plus, 16 334 776 €, pour le parking de la Boucherie. Les dépenses architecturales, de prestige, monopolisent clairement les crédits. Pour la « Mission Handicap – Accessibilité », la mairie n’a consenti que « 165 000 € » en 2007. Contre 2 700 000 € pour refaire le sommet de la Tour Perret, et l’éclairer la nuit. De même : 6 000 demandes de HLM sont « en attente » à l’OPAC. Et pourtant, « l’aide au logement social », en 2007 (450 000 €), est resté quinze fois inférieur au coût de la « verrière de la gare » (7 millions d’€). Les sans-logis pourront toujours passer leurs nuits pluvieuses dessous…
Cette « verrière », encore en construction, est déjà surnommée « verrue », « ferrière », « plate-forme pétrolière » par les habitants. C’est sur elle que se concentrent les critiques de la gauche (presque unie : PS-PC-PRG-Verts, moins la LCR), qui s’est choisi pour slogan : « Les hommes, plus que le béton. » En 1971, déjà, le maire Maurice Vadé avait été battu notamment à cause d’une « maison de verre » à côté de la cathédrale et Amiens était tombé dans l’escarcelle du communiste René Lamps. On verra si, en 2008, l’histoire se répète pour l’élection à coup sûr la plus ouverte depuis l’entrée de Robien à l’Hôtel de Ville…
1.François Ruffin est fondateur et rédacteur de l’excellent journal amiénois Fakir
Bien d’accord, c’est une horreur ces constructions devant la cathédrale. quand on pense que l’immeuble de verre avait fait scandale… (Gillou prendrait-il exemple sur Santini qui bétonne les bord de Seine à Issy les Moulineaux ?)
Oui, c’est un véritable champs de bataille depuis plusieurs mois, ça ressemble aux photos d’Amiens détruite après la 2ème guerre mondiale !! Il a même détruit les marches du monument Leclerc, square st Denis..