Que ce soit sous la gauche ou sous la droite, la Caisse d’Epargne a tenté de jouer avec les marchés… et a perdu. Sauf que l’Ecureuil mange les noisettes… des petits épargnants. Une enquête du journal Fakir.
Le dernier numéro du journal Fakir, édité par François Ruffin et ses compères, rend au peuple les noisettes détournées par l’Ecureuil. La Caisse d’Epargne, derrière son attendrissant logo à poils, cache en fait un animal hybride, une chimère qui a les sourcils de DSK, le nez de Charles Milhaud, et des euros dans les yeux… mais les poches vides.
Bakchich, en bon partenaire de Fakir, vous propose ici quelques extraits du dossier consacré à un écureuil devenu fou dans le numéro de juin de ce journal non conventionnel.
Le dossier de Ruffin & Co commence par un reportage à Marseille, où la banque casse-noisettes a joué le jeu des « grands » en pariant sur l’immobilier. Extraits.
« A Marseillle, au printemps 2006, entre son fournil et sa pâte à pain, ce boulanger s’étonne : "On a inventé la Caisse d’Epargne, c’était la banque des pitites gens. Et maintenant…" Et maintenant, les "pitites gens" sont éjectés : ce mitron a reçu un courrier qui lui demande de "quitter les lieux dans les meilleurs délais". De céder son fonds de commerce - pour le louer à "des boutiques de luxes. Ils veulent avoir des magasins de marque, ils ne veulent pas de boulangerie ici et que nous les Marseillais, ils nous chassent de chez nous si vous voulez." (…)
Aux côtés du "private equity" Lone Star (50%) et de la Société Générale (25%) c’est la Caisse d’Epargne qui finançait cette "reconquête du centre ville". "Et pourtant, la Caisse d’Epargne c’était la banque populaire !" Notre boulanger n’en revenait toujours pas. (…) Comment le sage écureuil est-il devenu dingo - au point, non plus d’épargner ses noisettes mais de gaspiller des milliards ? Car c’est, finalement, toute l’ironie de l’histoire. Non seulement la Caisse d’Epargne a voulu jouer aux grands, s’est associée aux Américains, a soutiré des crédits aux "petites gens", voire les a expulsés de leur logement, mais en plus, elle y a perdu de l’argent ! Elle a vendu son âme, et ça lui a couté cher !
A Marseille, par exemple, les appartements vidés de force demeurent vides. Les riches et les boutiques de luxe n’ont pas accouru comme prévu. L’avenue, hier bruyante, est aujourd’hui morte, avec ses milliers de volets clos. Voilà le bilan social : on a tué un quartier. Et l’aventure se solde, pour l’Ecureuil, par un trou d’environ neuf cent millions d’euros… que nous, les petits épargnants, paierons. »
Le journal « fâché avec tout le monde ou presque », présente ensuite des chiffres à nous faire marcher sur la tête, les montants des dettes cumulées par la Caisse d’Epargne, mariée à Natixis.
« "En moins d’un an, lit-on dans une dépêche de l’AFP, Natixis aura donc reçu plus de 9 milliards d’euros." Mais d’où vient tout cet argent, on se demande sottement ? Pareil : quand l’Ecureuil rachète Ixis à la Caisse des Dépôts et Consignations,, elle paie 7 milliards d’euros. Plus une poignée de milliards pour Nexity. Plus des "primes exceptionnelles" pour les copains du directoire. Mais d’où la Caisse d’Epargne sort tout ce pognon ? D’en bas. Des Caisses Régionales, qui font remonter les liquidités au sommet, à la Caisse Nationale. Nous, bêtas, on croyait que les financiers avaient des chapeaux de magiciens, comme pour les lapins. Qu’il en pleuvait des billets. Pas du tout : c’est nos poches, le chapeau. C’est nous, les lapins. A chaque fois qu’on paie des agios, ou des frais de virement, ou des prélèvements mensuels sur nos cartes bancaires, ou qu’on nous vend des assurances, des machins "garantie", des bidules "investor", à chaque fois une fraction de notre monnaie s’en va nourrir les gros d’en haut.
Ça paraissait tellement simple, comme combine, tellement simpliste même, qu’on n’osait pas écrier cela. Même pas le penser. Alors, on a demandé à un directeur, à des syndicalistes, à des économistes : si, si on avait tout compris. Les agences locales, saines elles, les petites près de chez nous, envoient du "cash" pour éponger les dettes de la tête. Mais vu les performances de nos artistes, la pression sur les commerciaux, les agents, les clients ne suffit plus. L’Ecureuil enregistre les premières pertes de sa longue histoire. Donc, a décidé la Caisse Nationale : on va "procéder à 4 000 suppressions d’emplois d’ici 2012". Oh pis non, "4 500". Après les petits épargnants, les petits employés paieront la facture… (…)
Contre la dérive financière de l’Ecureuil, en effet, les médias, les élus, et les experts n’ont pas protesté, au contraire. Mais de l’intérieur, aucune voix ne s’est élevée non plus. Les patrons des Caisses régionales n’ont guère moufté : trop bien nourris pour aboyer ? »
Hommes politiques, patrons, journalistes, tout le monde en prend pour son grade dans l’affaire de la Caisse d’Epargne. Mais les sbires de Fakir ne se contente pas d’expliquer et de critiquer… ils cherchent des solutions. La fin du dossier ouvre sur deux types de solutions : « Prendre le pouvoir et "nationaliser le crédit", tout simplement - comme le réclamaient encore les socialistes en 1981. Ou, tant que Fakir et ses complices n’ont pas pris le pouvoir, brûler l’euro et établir une monnaie qui serve aux échanges, et non à la spéculation… »
La fin du dossier est ainsi consacrée à une interview de l’économiste François Morin et à une présentation des monnaies alternatives, monnaies qui favorisent l’échange en vue de rémunérer le travail et non le capital.
Toujours dans son dossier spécial sur l’Ecureil, les joyeux lurons de Fakir nous offrent une rétrospective sur ce cher DSK, grand manitou de la privatisation du système financier. Bakchich vous offre à son tour ce succulent retour en arrière :
« Le projet de loi sur la "privatisation" des Caisses d’épargne vient mettre un point d’orgue à la réforme du système financier français, applaudit Libération. DSK aura fait régler un nombre impressionnant de dossiers en cours en dix-huit mois. »
« La droite en a rêvé, la gauche l’a fait ! »
Autant les syndicats « criaillent », autant communistes et vers sont parfois de « mauvaise humeur », autant notre pays tient son Zorro : « Et de cinq. Après le GAN, le CIC, la Marseillaise de Crédit et le Crédit Lyonnais, Dominique Strauss-Khan n’avait plus qu’un dossier à boucler pour achever son grand œuvre, connu sous le nom de code de "restructuration du secteur financier". : la cession du Crédit foncier de France (CFF). Depuis hier, voilà l’affaire réglée. (…) L’Etat s’est débarrassé de la dernière banque publique. » (Libération, 11/07/99). On ne saurait mieux dire : bon débarras ! A quoi bon encore des « banques publiques » ? Le privé, c’est prouvé, est tellement plus efficace…
Devant pareille « œuvre », DSK s’auto-congratule : « Le secteur financier public a été remis sur les rails. » Et comment ? En supprimant « le secteur financier public » ! Fallait juste y penser. Mais - et voilà qui différencie un Ministre de l’Economie socialiste - le lot fut négocié à bon prix : « Chacune de ces entreprises a été vendue environ deux fois plus cher que prévu initialement », se félicite le détaillant (Le Monde, 10/07/99). Même le quotidien patronal Les Echos est surpris de cette prouesse : « La réduction spectaculaire de l’emprise du public, depuis deux ans, se réclame du réalisme » (7/10/99).
Avec pareils exploits, on aurait pu recaser Dominique Strauss-Khan comme soldeur à la Foir’fouille. Mais non : cet avocat d’affaires, et néanmoins homme de cœur, avait si bien tout cédé et concédé aux spéculateurs qu’il fut envoyé au Fonds Monétaire International… pour réglementer la Finance.
Elle doit trembler.
Après le Fakir amiénois, sort le Fakir national ! Créé et dirigé par François Ruffin, Fakir est paré d’une équipe d’une dizaine de journalistes passionnés. Le canard, au format pratique et original, est en vente dans presque tous les kiosques de France, de Navarre, et de Belgique depuis près de trois mois. Et est blindé d’enquêtes et de reportages savoureux.
Retrouvez plus d’infos sur le site www.fakirpresse.info.
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