Selon la Cour de cassation, l’Etat ne peut faire l’objet de poursuites pénales de la part de détenus considérant que leurs conditions de détentions sont « incompatibles avec la dignité humaine ».
Et pourquoi pas le room-service ? En plus d’avoir eu maille à partir avec la justice de la République, il se trouve parfois certains malotrus, gentiment logés, nourris et blanchis par l’Administration pénitentiaire, pour se plaindre de leurs traitements. Ainsi, Christian Donat, incarcéré pendant 5 ans à la maison d’arrêt de Rouen, a trouvé à redire à ses conditions d’hébergement. A trois dans une cellule de 10,5 m2, les toilettes à l’air libre, tout cela rendu encore plus agréable par les grosses chaleurs estivales… Une sinécure que le monsieur, un brin procédurier, n’a que peu goûtée.
Parmi ses lectures, le détenu est tombé sur l’article 225-4 du code pénal assurant que « le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ». Un article de loi destiné à l’origine à punir les marchands de sommeil. De là à qualifier l’administration pénitentiaire des mêmes termes, on frôlerait l’insolence. D’ailleurs, la cour d’appel de Rouen a renvoyé la plainte, considérant que l’Etat ne pouvait être mis en cause pénalement dans cette affaire. Sauf que, saisie dans les mêmes termes par un autre détenu, la cour d’appel de Nancy a estimé que ces conditions de détention tombaient bien sous le coup de la loi pénale. Une première en France.
Direction la Cour de cassation. A charge pour elle de trancher sur le droit. Et la réponse est tombée dans l’après-midi du mardi 20 janvier : « Les faits dénoncés n’entrent pas dans les prévisions de l’article 225-14 et ne peuvent émettre aucune qualification pénale. » « C’est une décision qui consacre l’impossibilité pour un détenu de se plaindre et assure l’immunité aux directeurs de prison », explique à Bakchich Hugues de Suremain, juriste à l’Observatoire Internationale des Prisons (OIP).
Dans un communiqué publié sur son site l’observatoire souligne que « selon un document interne du ministère de la Justice de juillet 2007, « la majorité de ce patrimoine [pénitentiaire] est ancien (54 % des bâtiments ont été construits avant 1920) et n’est plus conforme aux normes d’hygiène et de sécurité obligatoires pour l’hébergement des personnes écrouées […] un établissement sur deux est antérieur à 1920 ; certains datent du 13è siècle ; vingt-cinq établissements sont identifiés comme devant fermer au plus vite ». Des chiffres qui n’ont pas eu l’air d’émouvoir les magistrats de la cour suprême. Et l’espoir de nombreux détenus de voir s’améliorer leurs conditions d’enfermement tout bonnement envolé.
Un arrêt qui pose la question de l’applicabilité du droit commun en prison et dont la problématique se pose régulièrement que ce soit sur le vote des personnes incarcérées ou encore sur les règles encadrant le travail en prison (thème sur lequel Bakchich reviendra très prochainement). Mais Me Spinozi, qui défend Christian Donat, assure à Bakchich qu’il n’en restera pas là : « Tous les recours ont été épuisés, nous irons donc devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). » La CEDH qui, rappelons-le, condamne régulièrement la France sur l’état de ses prisons. Ce qui n’empêche pas les prisons françaises d’être toujours de boues.
Lire ou relire dans Bakchich :
Parmi ses lectures, le détenu est tombé sur l’article 225-4 du code pénal assurant que « le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ».
le code penal dit :
Article 225-4 Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2, des infractions définies à l’article 225-2. Les peines encourues par les personnes morales sont :
1° L’amende, suivant les modalités prévues par l’article 131-38 ;
2° Les peines mentionnées aux 2°, 3°, 4°, 5°, 8° et 9° de l’article 131-39.
L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
NOUS N’AVONS PAS LE MEME CODE PENAL ?
Pourriez-vous, s’il vous plaît, publier l’arrêt commenté, et de manière générale toutes les décisions de justice que vous commentez ?
En fait, je me demande si l’on pourrait interpréter cette décision comme une invitation à légiférer dans la mesure où il semble que la Cour de cassation se fonde sur une absence d’élément légal (voire sur le principe d’interprétation stricte de la loi pénale), et que l’on pourrait en déduire, a contrario, qu’une telle demande serait fondée si une disposition légale existait.