Marseille étoilée, Marseille ensoleillée et Marseille libérée ! L’OM a vaincu Paris dans le choc de la 28e journée. Un triomphe, au Parc des Princes, vécu par Bakchich depuis un bar marseillais.
Et la nouvelle tombe. Le bruit court des terrasses de la Pointe-Rouge à la Corniche Kennedy pour terminer à l’OM Café au cœur du Vieux Port. Interrompant l’apéro qui s’est ouvert vers 17 heures. Pour l’occasion, le soleil qui a baigné la plus belle ville du monde depuis trois jours a commencé à rosir et s’est lentement caché. L’Olympique Lyonnais a perdu son match de la 28è journée du championnat de France de Football, à domicile contre Auxerre. Personne n’a besoin d’explications. A quelques minutes du choc PSG/OM, l’horreur prend forme. Si le club le plus drôle du monde bat le plus grand club du monde, Paris sera leader du championnat de France. L’Armageddon.
Et la ville se fait muette, sur le coup des 20 heures. Seules quelques voitures retardataires parcourent ses artères. Le chemin du Rouet, le Prado et autres grands axes sud de la ville sont vides. Idem sur la corniche, qui lèche le bord de mer.
Une pesanteur qui tranche avant le calme de l’avant match, et la douce torpeur qui a envahi la ville ce week-end. Soleil, chaleur, terrasses, sourires ont pour un temps disparu. L’heure est grave.
D’autant que l’entraîneur belgo-marseillais a choisi d’innover. En laissant son joueur le plus constant (Mamadou Niang) et son jouer le plus talentueux (Hatem Ben Arfa) sur le banc des remplaçants au coup d’envoi. « Soit il est maboule, soit c’est un génie », gémit-on au comptoir du Connely’s.
Le match aller, vécu au Red Lion – un pub de la Pointe-Rouge – n’avait rien donné. 4-2 pour Paris, mauresque refusée dès 22 heures et un goût amer qui colle au palais. Cap plus au sud vers les collines de Marseilleveyre, pour un autre de ces pubs qui, depuis dix ans, se sont lovés sur le rivage marseillais. Le Connelly’s –aussi dit le Cono –, un bar de vieux habitués. Moins de kékés (jeune à la coupe gélifiée/structurée), cagoles absentes, un peu de place. Et « petit jaune » jusqu’à fermeture. Une sorte de paradis, peuplé de connaisseurs.
10è minute, première commande. Picon bière, en pinte. Le défenseur marseillais Hilton essuie langoureusement ses pieds sur la jambe de l’attaquant parisien Ludovic Giuly. « Y a rien, lève toi au lieu de brouter la pelouse ». Après le ralenti, « ah c’est quand même très bien fait ça le calmera ». Discussion d’esthètes.
15è minute, le Picon descend, le capitaine marseillais, Lorik Cana, effectue une récupération « albanaise ». Un fauchage du malheureux qui s’est présenté devant lui. « Cet enculé d’arbitre nous a dans le nez ». 26è minute, le défenseur Civelli réalise une Hilton sur les chevilles de Guillaume Hoarau, le meilleur buteur du championnat de France. « Mais c’est une équipe de vache, ils broutent tous le gazon à Paris ? ». Le temps de ruminer le ralenti et la sanction tombe. Un carton jaune pour Civelli. « Bah au moins l’autre sera calmé ». Rebelote à la 28è. Nouvelle récupération albanaise de Cana, carton jaune. « Il est allé le chercher celui-là », glisse-t-on dans un rire.
Les sourires sont revenus. 21h24, l’heure à laquelle Marseille a compris pourquoi ses dirigeants sont allés recruter un Brésilien de 28 ans évoluant dans le championnat ukrainien… et justifié l’attribution du plus haut salaire du club à un habituel remplaçant.
Brandao talonne pour Zenden, 1-0 pour l’OM. « On a toujours cru en ces deux là ». La mauvaise foi est aussi communicative que le rire…
Douche froide 15 minutes plus tard. Giuly égalise pour Paris, l’OM déjoue, le verre est vide, mi-temps. Clope aux abords du bar. Les consommateurs unanimes. « Quelqu’un a vu Koné ? ». Le petit attaquant ivoirien de l’OM n’a pas touché un ballon selon l’agora réunie tout à côté de la campagne Pastré, un immense « jardin » qui s’achève dans les calanques. « Sans déconner, il le sort quand Koné ? ». Rime et calembour facile.
Mais l’entraîneur belge ne manque pas d’humour. Et de flair. Aucun remplacement à la mi-temps au Parc des princes. Au Conolly’s, le changement de stratégie est radical. Adieu picon, bonjour mauresque. Effet immédiat. Première gorgée, l’orgeat est tout juste troublé. Camara, le défenseur du PSG, s’emmêle les pinceaux. Expulsé, coup franc aux abords du but parisien.
Deuxième gorgée, l’amande inonde les sens. Zenden tire, Landreau, le gardien parisien, repousse sur le genou de Koné. But. Personne n’a compris l’action avant le deuxième ralenti, mais le bar explose.
Et conspue Christophe Dugarry. Ancien joueur de l’OM, champion du monde, le consultant de Canal + s’amuse à jouer les oiseaux de mauvais augure, ou s’évertue à diminuer le mérite marseillais. « Chat noir que tu es, t’as même plus de cheveux ». Troisième gorgée pour supporter les remarques de Canal + sur le manque de ressources psychlogiques marseillaises. « Oh, ils sont au courant que Canal + n’est plus actionnaire du Peeeessssseeegggééé ? ». L’info a apparemment du mal à passer.
Et puis, une onde qui devient un séisme. Valbuena, le petit marseillais, raillé pour sa facilité à tomber, déborde sur la droite et centre. Raté Parisien, le capitaine Cana tire. 3-1, la messe est dite.
Patron, « une autre tournée ». Mauresque, sirotée tranquillement. En se délectant d’une fin de match qui voit l’OM talonner Lyon et dépasser le PSG au classement. La nuit s’annonce belle, les étoiles d’anis se sont échappées du pastis. Et brillent dans les yeux des supporters du plus grand club du monde. Heureux d’avoir avili Paris.
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